Revendications religieuses au travail: le malaise des syndicats - Slate.fr
Rédigé par Hélène MARCY le . Publié dans Dans les médias.
Coincées entre la lutte contre les discriminations et le risque d’entrisme, les organisations syndicales abordent, souvent à reculons, ce terrain glissant auquel elles ne sont guère préparées.
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Autre son de cloche à la CFE-CGC (cadres) qui a, notamment, mis les pieds dans le plat chez Orange en dénonçant, l’été dernier, une dérive des «ASA», ces autorisations spéciales d’absence (héritées du passé public du groupe de télécoms) qui peuvent être accordées pour les fêtes juives, musulmanes, orthodoxes et boudhistes. L’inflation des demandes devenait ingérable, au point de pourrir l’ambiance sur certains sites, expliquait alors Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d’Orange, d'autant qu'elle s'accompagnait parfois «de pressions des plus fervents sur leurs coreligionnaires moins pratiquants». La CFE-CGC a proposé que ces 3 jours de congés annuels soient désormais prélevés sur le stock de RTT, et perdent leur référence religieuse. Même si la direction n’a pas donné suite, une telle prise de position publique sur ce thème reste rare de la part d’un syndicat.
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«Je connais un grand nombre de militants musulmans dans de nombreuses entreprises, où cela ne pose aucun problème, martèle André Milan (CFDT). En revanche, le clientélisme, l’entrisme religieux, ce sont des dangers auxquels tous les syndicats sont exposés. Oui, il y a des chantages aux adhésions dans des entreprises comme Air France, La Poste, ADP etc. Après, on est libre de résister ou pas». Les cas de leaders radicaux apportant sur un plateau 100 ou 200 adhésions à un syndicat en échange de son engagement à négocier des avantages spécifiques (salles de prière, aménagements d’horaires abusifs, séparatisme …) ne sont pas si rares, et représentent une pression réelle sur des organisations syndicales fragilisées par la loi sur la représentativité de 2008 (qui impose un score d'au moins 10% au premier tour des élections des délégués du personnel).
Pour repérer et apaiser les éventuelles tensions entre salariés, sans céder de terrain sur les valeurs républicaines essentielles, nombreux sont ceux qui pensent que les syndicats ont un rôle majeur à jouer et qu’ils devraient travailler davantage en amont avec les dirigeants d’entreprise. Pas évident, alors que le bras de fer qui s’engage sur un tout autre front, celui de la réforme du Code du Travail, risque de générer de nouvelles crispations et de laisser une fois de plus ce dossier sensible en rade, dans le non-dit.
Extrait de Slate.fr - Anne Denis - 9 juin 2017