L'audition de Stéphane Richard devant la Commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale
Rédigé par Hélène MARCY le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
La Commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale auditionne chaque année différents acteurs des télécommunications : la Fédération Française des Télécoms, l'Arcep (régulateur des télécoms), les 4 principaux opérateurs.
L'audition du PDG d'Orange a eu lieu mercredi 19 septembre 2019. La vidéo est en accès libre sur le site de l'Assemblée Nationale.
Ces auditions sont toujours très intéressantes à écouter :
- En déclaration liminaire, le PDG rappelle les points clefs de la stratégie et du positionnement d'Orange, ce qui est toujours intéressant pour comprendre le cadre général dans lequel s'inscrit notre travail quotidien, même si évidemment on y retrouve un certain nombre d'éléments présentés dans d'autres cadres, comme celui de l'Assemblée Générale des actionnaires par exemple. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'assister à l'une de ces présentations, regarder les 30 premières minutes de l'audition est donc instructif.
- La seconde partie est consacrée aux (nombreuses) questions des député-e-s présent-e-s, ce qui permet d'avoir une idée des préoccupations des territoires.
- Enfin, au fil des échanges, le PDG d'Orange distille sa position sur les choix politiques français et la régulation du secteur des télécoms, avec des illustrations tout à fait éclairantes.
Concernant les questions posées par les député-e-s, on peut noter que nos délégué-e-s aux collectivités territoriales, actuellement rattachés aux DO (spécificité d'Orange, les autres opérateurs n'en ont pas) sont appréciés, et constituent un maillon utile auprès des élu-e-s de terrain.
Les réseaux : toujours au coeur des préoccupations
L'essentiel des questions, voire des récriminations, parfois virulentes, concernent la couverture et la qualité des réseaux.
- Les attentes sont très fortes concernant le déploiement de la Fibre.
- Les zones rurales se plaignent amèrement de la dégradation du réseau cuivre et des temps de rétablissement. Notons que ce réseau a plus de 40 ans. Il est particulièrement malmené par la foudre, l'été 2018 ayant été selon Météo France le plus foudroyé depuis 30 ans, mais aussi par les vols de câbles, de plus en plus fréquents - 60 000 clients impactés cette année.
- La couverture mobile des zones blanches, voire des zones grises (celles où un seul opérateur mobile est présent, presque toujours Orange) fait également partie des attentes fortes. Le "new deal" des télécoms annoncé début 2018 implique 3 Mds d'investissement et le déploiement de 5 000 antennes sur 5 ans. Tout le monde voudrait que, 8 mois plus tard, les effets soient déjà visibles. Il est cependant intéressant de relever que ce ne sont pas les opérateurs qui définissent les communes prioritaires pour déployer ces antennes, mais l'Etat... qui n'a pas encore terminé ses navettes avec... les élu-e-s des territoires.
Seules la France et l'Espagne se sont résolument tournées vers un déploiement massif de la fibre optique jusqu'à l'abonné, avec un renouvellement complet de la boucle locale, qui sera certainement un avantage compétitif pour nos deux pays. Orange est donc confronté à la double nécessité d'investir massivement (+ de 4 Mds d'euros par an) dans la Fibre, tout en assurant la maintenance du réseau cuivre (Orange est délégataire du Service Universel - rappelons au passage qu'aucun opérateur ne se bouscule pour répondre aux appels d'offre sur ce sujet), qui a coûté environ 500 M d'euros en 2017 (chiffre en croissance ces dernières années).
Stéphane Richard a précisé qu'il restait encore 3 années difficiles, pendant lesquelles il faut tout faire en même temps (ce qui est contraignant sur le plan financier mais aussi des ressources humaines), mais qu'ensuite, tandis que le réseau cuivre commencera d'être abandonné sur les plaques géographiques à même de basculer entièrement sur les réseaux de fibre, la tension sera moins forte.
La concurrence : un modèle mal compris
Alors que nous sommes dans un modèle concurrentiel, qui a été et est toujours voulu par la majorité de nos parlementaires, sans parler du régulateur des télécoms (l'Arcep), il est parfois piquant de constater que les conséquences n'en sont pas toujours comprises par nos élu-e-s : ils aimeraient à la fois disposer des prix les plus bas, d'une couverture optimale et instantanée, et pouvoir piloter l'activité d'Orange comme si c'était encore une entreprise d'Etat dont les investissement seraient payés par la puissance publique.
Terminons sur la concurrence, justement, pour noter que les offres ADSL à 5€ par mois proposées par certains opérateurs se situent en dessous des tarifs du dégroupage : c'est donc de la vente à perte, ce qui est théoriquement interdit par le droit de la concurrence en France. Mais aucune procédure n'est entreprise par l'Autorité de la concurrence pour y mettre fin. Cela constitue pourtant un préjudice réel pour Orange : outre le préjudice d'image (les clients peuvent avoir la sensation que nous faisons trop de marge sur leur dos, certains ne ne privent pas de le dire), cela détourne également les clients de la Fibre, le différentiel tarifaire devenant un obstacle pour basculer. Orange étant leader dans le déploiement de la Fibre, nous sommes donc les plus pénalisés.
Mais les autorités de régulation françaises préfèrent continuer à nous punir : en tant qu'ancien monopole, il est sans doute dit quelque part que nous devrons expier longtemps cette faute originelle !