4ème licence mobile : la CFE-CGC/UNSA dénonce l'irresponsabilité sociale du Président de l'ARCEP
Rédigé par Hélène Marcy le . Publié dans Communiqués de Presse.
Dans une interview du 27 octobre au journal Le Monde, Monsieur Silicani, président de l'Autorité de Régulation (ARCEP) qui régit le marché des télécommunications français, revient sur les conditions d'attribution de la 4ème licence de téléphonie mobile.
Alors que la société française est en train de prendre conscience que la course effrénée à la rentabilité sous couvert d'une concurrence parée de toute les vertus, est l'une des trois grandes causes de l'intense malaise social qui fait actuellement des ravages dans les entreprises françaises, et qu'elle aggrave un chômage préoccupant en période de crise, Monsieur Silicani continue de défendre bec et ongles un positionnement purement consumériste, plus proche des positions idéologiques de Bruxelles que de la défense de l'intérêt national.
La concurrence exacerbée détruit des emplois dans un secteur en croissance
Étrangement, l'Arcep ne s'interroge jamais sur la destruction des emplois dans le secteur des télécommunications. Pourtant, c'est elle qui en fournit les chiffres, depuis que les marchés sont totalement ouverts à la concurrence.
Ils sont éloquents. Entre 1998 et 2008, le secteur des télécommunications a perdu 28 000 emplois, soit près de 1 sur 5 (156 000 emplois en 1998, un peu plus de 127 000 fin 2008). Dans le même temps, les revenus globaux des opérateurs sur le marché final sont passés de 25 milliards d'euros à plus de 44 milliards d'euros, soit 80 % d'augmentation en 10 ans.
Comment expliquer cette distorsion autrement que par les effets d'une concurrence exacerbée sur les marges des acteurs en place ? La courbe des pertes d'emplois accentue sa pente depuis 2004, et on peut aisément imaginer qu'elle va continuer si la concurrence s'accentue.
Aucune contrainte sur l'emploi dans le cahier des charges des opérateurs
Les pertes d'emplois s'expliquent par la délocalisation dans des pays à faible coûts de main d'œuvre de nombreux emplois notamment de téléopérateurs (15 à 20 000 selon les experts du sujet, l'Arcep ne collectant pas cette donnée, et les opérateurs se gardant bien de la communiquer par ailleurs). Ces téléopérateurs jouent un rôle de plus en plus important dans les relations entre les opérateurs et leurs clients, qu'il s'agisse de service commercial ou d'assistance. Confier une 4ème licence de téléphonie mobile, qui plus est à un acteur sans réseau physique de distribution, n'arrangera pas les choses.
Depuis plusieurs mois, la CFE-CGC/UNSA demande qu'une clause de localisation des emplois en France s'applique à tous les acteurs exploitant des ressources appartenant au patrimoine national. M. Silicani confirme bien par ailleurs que les fréquences hertziennes sont des ressources publiques rares. Comment se fait-il dans ce cas qu'elles ne bénéficient pas à l'emploi national ? Si une telle clause s'appliquait à l'ensemble des opérateurs, il n'y aurait pas distorsion de concurrence.
L'opposition consommateurs / salariés apparaît de plus en plus absurde
La mise en place d'un quatrième opérateur n'est justifiée que par l'attente d'une baisse des tarifs, qui seraient trop élevés en France. L'argumentation retenue par M. Silicani reprend une fois de plus le commentaire des enquêtes menées par la Commission européenne et par l'OCDE, dont les consultants experts du domaine (et l'Autorité de Régulation britannique) s'accordent à critiquer la méthodologie. Si les tarifs sont réellement trop élevés, comment se fait-il que le taux de pénétration du mobile dépasse 90% en France ? Les consommateurs seraient-ils contraints de s'abonner au mobile ?
Par ailleurs, il convient une fois de plus de s'interroger sur ce que doit être la défense de l'intérêt national. Certes l'intérêt du consommateur que nous sommes tous doit être justement défendu. Mais la plupart de ces consommateurs sont également des salariés. Pour leur offrir quelques heures de communications supplémentaires, on n'hésite pas à détruire des milliers d'emplois ! On voit bien l'absurdité du débat !
Que ferons-nous lorsque le chômage massif détruira tout aussi massivement la consommation, moteur de notre économie ? N'est-il pas plus que temps d'inverser la spirale infernale ?
D'ailleurs, Monsieur Silicani n'est pas tout à fait certain que la baisse des tarifs aura vraiment lieu, puisqu'il énonce que « l'arrivée d'un 4ème acteur pourrait être favorable aux consommateurs ». Et l'on sacrifierait des emplois au nom de ce conditionnel ?
Aménagement du territoire : menace de fortes amendes pour les opérateurs existants
Alors que les opérateurs en place ont déposé des recours sur les conditions d'attribution de la 4ème licence mobile, l'Arcep menace SFR et Orange de fortes amendes, la couverture attendue n'étant pas au rendez-vous. On peut voir par ailleurs que certains candidats à la nouvelle licence se sont retirés en raison justement des difficultés à déployer un nouveau réseau.
L'arrivée d'un 4ème entrant n'améliorera pas la couverture des zones blanches : pour des raisons de rentabilité, il sera contraint au contraire de se concentrer sur les zones denses, déjà très bien équipées. Et les opérateurs en place, contraints de se défendre sur ces zones, disposeront d'autant moins de moyens pour achever la couverture des populations non couvertes.
Entre maintien de zones blanches et avantages tarifaires exclusivement concentrés sur les zones denses (comme c'est déjà le cas sur l'ADSL), l'aménagement du territoire apparait à nouveau relégué au second plan.
Une nouvelle fois, on voit bien que l'introduction de nouveaux acteurs sur le marché ne sont pas liés à la défense de l'intérêt national, ce qui amène à s'interroger sur le rôle du régulateur et du gouvernement.
La CFE-CGC et l'UNSA dénonce l'irresponsabilité sociale du Président de l'Arcep et exigent de l'État que la question de l'emploi soit remise au centre de la régulation du secteur des télécommunications.
Il est urgent d'imposer que tous les emplois (et en particulier les centres d'appels commerciaux et d'assistance technique) soient localisés en France pour l'ensemble des acteurs qui exploitent des ressources rares appartenant au patrimoine national.