Comment passer à l’action ?

Une fois ces constats faits, il est assez simple d’en déduire qu’agir collectivement pour réduire l’empreinte environnementale d’Orange n’a que des avantages, pour être à la fois plus efficaces et moins anxieux.

Reste à définir comment. Depuis bientôt deux ans, des groupes de réflexion se sont attelés à la question, dans et hors entreprise. La CFE-CGC Orange n’a pas été en reste. Des échanges nourris, y compris avec d’autres organisations syndicales, des lectures, des conférences (dont celle de Jean-Marc Jancovici, intervenu lors du séminaire CFE-CGC Orange d’octobre dernier) et des formations nous ont amenés à formuler un diagnostic et des pistes d’action.

Le sujet n’est pas trivial, et les propositions de bons sens que l’on peut formuler en toute bonne foi peuvent s’avérer inefficaces, voire contreproductives :

• notre activité s’insère dans un écosystème complexe, où nous devons prendre en compte de nombreuses interactions, et modifier non seulement nos pratiques mais aussi nos modèles économiques ;
• réduire notre empreinte environnementale mobilise des compétences multiples, techniques, économiques et comportementales, dont certaines sont nouvelles pour beaucoup d’entre nous, et qui doivent se coordonner ;
• c’est un sujet nouveau, pour lequel n’existe aucune solution « clef en main »: il faut se former aux enjeux, apprendre en marchant, expérimenter et partager des bonnes pratiques ;
• il n’est que très incomplètement appréhendé dans la gouvernance d’Orange : les impacts du changement climatique ne sont pas traités spécifiquement comme risque pour la résilience de nos infrastructures dans le document d’enregistrement universel (DEU) d’Orange.

Enfin, et pour la CFE-CGC Orange ce n’est pas le moindre des sujets, cette transition énergétique et environnementale ne doit pas se faire au détriment des personnels, qu’il s’agisse d’emplois, de conditions de travail, d’évolution professionnelle ou de rétribution. Il faut au contraire associer le plus grand nombre, dans une démarche positive et non punitive, pour construire ensemble des solutions satisfaisantes à la fois pour nous, nos clients, et la préservation de la planète. 

Retrouver un objectif commun centré sur nos personnels et nos métiers…

Nous sommes nombreux aujourd’hui à nous demander où va Orange, quels sont les objectifs poursuivis, quel est le sens de nos missions quotidiennes.

Les discours portés laissent trop souvent penser qu’il s’agit uniquement de complaire aux marchés financiers, fut-ce au détriment de nos emplois, de notre rétribution ou de certaines activités, si les sacro-saints « ratios » prétendent que nous coûterions trop cher. Une approche déprimante, propre à décourager les meilleures volontés, et finalement néfaste à l’efficacité collective.

Pour la CFE-CGC Orange, il est temps de remettre le focus sur nos métiers et les personnes qui les exercent, pour que « l’efficacité opérationnelle » ne soit pas synonyme de « réduction des coûts » comme c’est trop souvent le cas, mais bien une attention portée à la manière d’exercer nos métiers, pour en tirer la meilleure valeur possible pour tous, y compris le sentiment si gratifiant du « travail bien fait », pilier essentiel de la qualité de vie au travail, qui se dégrade à nouveau de manière inquiétante chez Orange.

Simplifier nos règles, nos processus, notre code informatique, pour faire plus sobre et plus efficace, en associant les équipes qui les mettent en œuvre à la réflexion sur les solutions, c’est à la fois un objectif motivant pour les personnels… et sans doute l’occasion de faire émerger des gisements de valeur qui dorment aujourd’hui sous nos pieds.

Par exemple, il est particulièrement affligeant, notamment pour les équipes commerciales qui ont fait leurs meilleurs efforts pour signer des contrats, de constater qu’entre sous-traitance, processus et outils défaillants, nous ne savons pas livrer la Fibre en moins de 200 jours à nos clients entreprises. Autant de chiffre d’affaires non facturé, tandis que les clients finissent par se détourner d’Orange, dont l’image est durablement dégradée. Le tout alors que la Fibre est une solution quatre fois moins consommatrice d’électricité que l’ADSL…

… avec la transition environnementale comme mot d’ordre transverse

Réduire notre empreinte environnementale peut aujourd’hui constituer un mot d’ordre interne pertinent et transverse à toutes les équipes. Même si Orange n’est plus un service public, beaucoup de collègues ont toujours la « fibre citoyenne ». Relever collectivement le défi de la transition énergétique et environnementale apparaît donc de nature à fédérer l’engagement, sous réserve d’appliquer quelques principes clefs :

• Déployer un large programme de formation pour que tout le monde puisse se saisir du sujet.
  Si les ateliers « Fresque du climat » constituent un début positif pour acculturer aux enjeux, il convient d’aller plus loin, par des formations adaptées aux différents métiers (toute formation professionnelle devrait comporter un volet environnemental). On pourrait envisager de déployer la « Fresque du numérique». Elle est actuellement jugée « trop négative » par la Direction. Mais est-ce en nous bouchant les yeux que nous pourrons nous saisir efficacement des problématiques pertinentes ?
• Partager indicateurs et feuilles de route avec les équipes, que le bilan carbone soit aux attendus ou non : c’est très utile pour travailler aux solutions correctrices, mais aussi célébrer les succès et partager ce qui marche.
  Les analyses doivent intégrer les externalités qui impactent les personnels : dans un projet immobilier, un immeuble HQE (Haute Qualité Environnementale) éloigné des transports publics, ça ne fonctionne pas.
• Associer les personnels et leur permettre de faire des propositions, dans leur domaine d’expertise, à l’occasion de tout nouveau projet comme de toute révision de processus, et ce dans tous les métiers (technique, marketing, commercial, fonctions support…). Il faut développer en même temps les méthodes d’évaluation permettant d’en valider la pertinence.
• Se préoccuper des conditions de travail des personnels, qui en pratique sont les grandes oubliées des initiatives mises en place. Un récent article de Miroir Social (La responsabilité sociale des entreprises (RSE), un apport limité voire contreproductif à l’amélioration réelle des conditions de travail) souligne que « la RSE entraine en fait une extension et une diversification des prescriptions qui s’imposent aux travailleurs », et tend à « un report sur les individus des charges et risques inhérents aux activités économiques ».
  Il faut donc outiller les équipes pour faire face à ces nouveaux enjeux, et s’attacher à simplifier l’ensemble des processus que les personnels doivent appliquer dans leurs activités quotidiennes.

Urgence climatique et urgence sociale

Pour la CFE-CGC Orange, le défi climatique et la nécessité de retrouver des conditions de travail favorables aux personnels constituent deux urgences, que la Direction d’Orange doit prendre en compte au même niveau.

Alors que nous devons individuellement et collectivement questionner nos modes de vie et de travail pour mettre en place un modèle soutenable, tout un chacun doit pouvoir contribuer à la recherche et au choix des solutions à mettre en place : elles n’en seront que mieux appliquées… tandis que les « consignes » venues d’en haut sont vécues comme des injonctions punitives, et soupçonnées, trop souvent à juste titre, d’avoir pour objectif prioritaire la sempiternelle « réduction des coûts ».

Opérer une transition énergétique et environnementale ne se résume pas à compter nos émissions carbone et à décréter de nouvelles contraintes pour les personnels. La montée en compétence doit être la priorité à tous les niveaux de l’entreprise, jusqu’au plus haut, et la mise en œuvre de la RSE doit être portée par les opérationnels qui maîtrisent nos métiers, avec la capacité à prioriser les sujets aux plus forts impacts. Elle doit enfin être l’occasion de rechercher et développer des co-bénéfices ayant une vraie valeur pour les personnels.  

Extrait de la Lettre Comprendre & Agir RSE #1/2023.