Orange face aux défis de l'IA (en particulier générative) : quels impacts pour les salariés et notre souveraineté ?

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L'opérateur historique français adopte massivement des outils Microsoft intégrant l'intelligence artificielle. Si ces technologies promettent efficacité et modernité (ce qui reste à prouver), elles soulèvent des inquiétudes majeures en matière de confidentialité, de santé au travail et de souveraineté des données.

Orange, acteur incontournable du numérique en France et dans de nombreux pays, est engagé dans une transformation profonde de ses outils de travail en adoptant des solutions d’intelligence artificielle comme Orange Collaborative, Intune et Dinootoo. La CFE-CGC Orange, syndicat majoritaire, alerte sur la prise en compte des conséquences stratégiques, financières, humaines et environnementales de cette mutation technologique.

Une dépendance accrue aux solutions Microsoft (entre autre)

Orange Collaborative, la nouvelle suite bureautique en ligne 100 % Microsoft, intègre des applications telles que Microsoft 365, Teams, OneDrive et SharePoint Online. Cette adoption a conduit à la suppression de nombreux outils internes, renforçant la dépendance de l'entreprise aux services des GAFAM et entraînant une perte de souveraineté numérique. Cette solution est d'ailleurs dans le collimateur de l'Union européenne pour pratiques anticoncurrentielles.

La direction prévoit également de remplacer Plazza, le réseau social interne, par Microsoft VIVA Engage. Bien que l'utilisation de ces outils soit officiellement facultative, la migration massive des données rend leur adoption quasi incontournable pour assurer le bon fonctionnement des équipes.

Le risque du "Single Point of Failure"

La centralisation des données sur une seule plateforme crée un point de vulnérabilité réel. En cas de défaillance d'Orange Collaborative, malgré les redondances prévues, une partie significative de l'entreprise pourrait être paralysée. Pour de nombreux utilisateurs, notamment les prestataires, c'est l'unique moyen de communication et de stockage de données, sans alternative viable. Cette situation fait de cet outil un véritable "Single Point of Failure" (SPOF).

Des outils encore peu maîtrisés aux conséquences imprévues

Le concept même d'Orange Collaborative porte des risques non négligeables sur la santé au travail, la responsabilité sociétale et environnementale de l'entreprise (RSE), ainsi que sur le respect de la vie privée des salariés. Ces risques relèvent de la compétence des instances de représentation du personnel (article L.2312-8 du Code du Travail), obligeant l'employeur à réaliser des études et à mener des actions correctives pour en limiter les impacts. Or, pour le moins, l'introduction de ces outils s'est faite sans consultation suffisante des représentants des salariés.

Avec l’intégration progressive de solutions comme Copilot et Dinootoo (MS-OpenAI), basées sur l'intelligence artificielle des fournisseurs US, soulève des questions sur la maîtrise des données et la confidentialité. Leur capacité à fournir des synthèses ou des transcriptions de réunions présente en particulier des limites. Enfin, l'IA générative reste un modèle probabiliste qui se base sur une grande majorité de données en provenance des Etats-Unis, ce qui comporte des biais culturels et privilégie la moyenne, et donc  peut halluciner (15 à 25% des réponses) en inventant des faits, manquer de nuances, mal interpréter l'ironie ou l'humour, et produire des résumés qui dénaturent les discussions originales.

Absence de droit à l'oubli et responsabilités floues

Paradoxalement, alors que l'hébergement et la gestion des données sont confiés à des tiers comme Microsoft, le règlement intérieur tient les salariés seuls responsables des données qu'ils manipulent. Cette situation crée une insécurité juridique pour les employés, qui peuvent être tenus responsables de fuites de données sans avoir les moyens de les prévenir.

Des risques psychosociaux liés à l'usage intensif de l'IA

L'intégration massive de l'IA dans les outils de travail peut également entraîner une augmentation de la charge de travail au lieu de la réduire. Les salariés doivent non seulement apprendre à utiliser ces nouveaux outils, se former en continu, se fondre dans des réseaux d’entraide pairs à pairs, afin de  s'adapter à leurs évolutions constantes, mais aussi vérifier leurs résultats, souvent imparfaits (une condition pour éviter stress, frustration et sentiment d'obsolescence professionnelle). Et prendre en compte les risques de surcharge cognitive.

Il devient en effet toujours plus difficile de savoir quel outil utiliser pour quelle tâche, ce qui est source de confusion. Toute pression hiérarchique pour accroître la productivité grâce à l'IA est ici à proscrire, source de malaise des employés, confrontés à des attentes qui pourraient bien s’avérer irréalistes. De nombreuses études démontrent que la maîtrise du métier et du “savoir-faire” terrain sont déterminants pour un déploiement adapté, ce qui doit mettre la subsidiarité et l’écoute au cœur des stratégies managériales. 

Intune : outil de surveillance potentielle ?

L'installation d'Intune, solution de gestion des appareils proposée par Microsoft, est fortement encouragée par la Direction. Si Intune améliore indéniablement les conditions de maintenance et sécurité des terminaux, il porte “by design” des capacités de surveillance détaillée de l'activité des salariés. Le service peut collecter des données sur l'utilisation du clavier, le temps passé sur les applications, et produire des rapports exhaustifs sur l'activité de l'utilisateur. Cela le rend potentiellement intrusif, loin du simple service de maintenance annoncé. Un débat interne sur ses conditions d’usage à tous niveaux ne doit pas être une option.

La souveraineté numérique en question

Il nous est expliqué que la gestion des données de l’entreprise est sanctuarisée, des silos étant en place afin d’éviter toute fuite.

Pourtant …

L'hébergement des données sur des serveurs étrangers peut exposer Orange au Cloud Act américain qui autorise les autorités des États-Unis à accéder aux données stockées par des entreprises américaines, quel que soit leur lieu d'hébergement. Cette situation est source d’atteinte à la souveraineté numérique de l'entreprise et de ses clients.

De plus, que dire des questions posées aux IA génératives américaines, susceptibles d’alimenter leurs bases de données avec des informations potentiellement confidentielles ? Ne soyons pas naïf, rien n’est jamais totalement sanctuarisé. Les salariés, souvent inconscients de ces mécanismes, peuvent involontairement contribuer à des fuites de données sensibles !

Un appel à la transparence et à la concertation

La CFE-CGC Orange demande une transparence totale sur les fonctionnalités des outils déployés, les traitements des données et les algorithmes et IA utilisés. Le personnel et leurs représentants doivent être informés des impacts en matière de sécurité, de confidentialité, des garanties contractuelles obtenues et connaître le modèle d’affaires avec Microsoft, nouvel opérateur télécom et concurrent d’Orange.

Pour rappel, l'AI Act de l'Union européenne, entré en vigueur le 1ᵉʳ août 2024, impose des obligations strictes aux systèmes d'intelligence artificielle utilisés dans les ressources humaines, notamment dans le recrutement, en les classant comme "à haut risque". Les dispositions sur les IA dites à “haut risque” s'appliqueront à partir de mi 2026.

Les entreprises doivent dès à présent s'y préparer et garantir la transparence et l'équité de ces systèmes, en informant les employés de leur utilisation et en leur offrant la possibilité de contester les décisions automatisées.

Le non-respect de ces exigences aura des conséquences, avec des sanctions financières potentiellement sévères, allant jusqu'à 35 millions d'euros ou 7 % du chiffre d'affaires annuel mondial.

Vers un numérique éthique et responsable

Ces enjeux posent une question fondamentale : comment concilier l'innovation technologique avec le respect des droits des salariés  ? Orange, en tant que leader du numérique, a la responsabilité de s'assurer que ses avancées technologiques sont au service de l'humain, que ce soit vis-à-vis de ses salariés, de ses clients et plus largement de la Société.

La CFE-CGC Orange revendique l'adaptation des outils aux besoins des salariés et de leur activité professionnelle, la mise en place d'actions pour limiter les risques liés aux nouveaux usages numériques, et le renforcement d’une communication régulière sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux de l'activité numérique d'Orange.

Sources :


Economie et Réglementation des Télécoms Europe et International Numérique

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