Résultats 2024 : Satisfaisants, vraiment ?
Rédigé par Hélène MARCY le . Publié dans Participation, Intéressement et Actionnariat.
Les résultats 2024 semblent plaire aux marchés, avec un cours de l’action Orange qui remonte au-dessus de 11€ le jour de la publication, ce qui n’était pas arrivé depuis avril 2024. Pour la Direction d’Orange, c’est tout ce qui compte… et c’est même avec cette information qu’a débuté la présentation aux représentants des personnels du Groupe, ce qui est inédit ! Tout le monde semble oublier que depuis 5 ans, ces embellies de cours ne durent que quelques jours avant de retomber.
L’analyse des résultats montre un chiffre d’affaires global qui stagne (+1,2%, inférieur à l’inflation sur la plupart des marchés sur lesquels nous opérons). L’amélioration de l’EBITDAal (+2,7%) et du Cash-Flow Organique (+ 5,9%) sont obtenus notamment par une limitation des CAPEX (investissements +2,9%) et des effectifs (- 1700 personnes en ETP moyens à l’échelle du Groupe, et - 2000 personnes pour la France, qui continue de payer le plus lourd tribut à la baisse des effectifs).
Malheureusement, les bons résultats sont essentiellement logés dans les filiales où nos participations sont faibles, alors que nous sommes à la peine là où nous détenons 100% du capital, comme nos activités en France ou Orange Business.
Dividende en hausse
L’essorage financier est la règle : bien que le résultat net par action soit en baisse (de 0,85€ par action en 2023 à 0,82€ en 2024), le dividende passera de 0,70€ à 0,75€ par action (au-delà des promesses initialement faites), ce qui amène le taux de distribution à plus de 90% du résultat net (2,902 Md€) comme du Cash-Flow « all-in « (2,992 Md€). Que reste-t-il pour investir ? Le nouveau TPS, qui impactera les comptes 2025 à hauteur de 1,5Md€, n’est même pas financé
par les fonds mis en réserve. La CFE-CGC Orange avait suggéré une baisse temporaire du dividende pour financer ce nouveau plan… sans aucun écho côté Direction !
Notons que Deutsche Telekom, qui réalise un chiffre d’affaires 3 fois supérieur à celui d’Orange et un résultat net 6 fois supérieur, préserve son futur en ne distribuant que 50% à 60% de son résultat net en dividende.
Dette nette en baisse… récupérée par MASORANGE
Si la dette nette du Groupe revient à son étiage de 1,84 fois l’EBITDAal, c’est grâce au produit de cession d’Orange Spain dans MASORANGE qui a permis au Groupe d’encaisser 4,461Mds€. MASORANGE a emprunté pour verser ce montant, et se retrouve endetté de 4,5 fois son EBITDA ! D’où notamment le montage en cours d’une FiberCo avec Vodafone (racheté par Zegona), avec la recherche d’un investisseur pour financer l’opération, tandis que MASORANGE conserverait 50% de la FiberCo, les produits lui revenant devant être intégralement consacrés au remboursement de sa dette.
Rappelons que pour réaliser la fusion entre Orange et MásMóvil, il a fallu céder des fréquences à DIGI, (l’opérateur roumain qui vient aussi de se lancer en Belgique), dont la stratégie low-cost est particulièrement agressive en Espagne. Développer simultanément les parts de marché et la marge sera donc difficile pour MASORANGE (dont les résultats ne sont plus consolidés dans les comptes du Groupe).
La France stagne
Comment est-il possible de considérer comme positive une croissance de 0,4% pour le CA et 0,5% pour l’EBITDAal, dans un contexte d’inflation annuelle à 2% ?
La Direction met en avant la satisfaction client (1er en NPS) et le churn mobile (perte de clients, où nous sommes les moins impactés du marché), ainsi que notre position de leader en termes de parts de marché. Malheureusement, sur le fixe, le passage du cuivre à la fibre, qui va s’accélérer, nous fait perdre des clients (-31 000 en 2024). Sur la convergence, la dynamique commerciale ne se redresse qu’au T4, avec un cumul annuel de -53 000 clients convergents. Et les gains d’abonnés mobiles se font sur Sosh et non sur la marque Orange.
Les 3 autres opérateurs n’ayant pas encore publié leurs résultats, il est difficile d’avoir une idée précise de l’évolution des parts de marché, et notamment des parts de conquête sur l’année 2024. Néanmoins, le CA de Free en France avait progressé de 9% sur les 3 premiers trimestres de l’année. Et le basculement de La Poste Mobile du giron de SFR dans celui de Bouygues Telecom devrait améliorer sa dynamique commerciale.
L’Europe à la peine
Le CA global perd 2,1%, plombé par le recul des services aux opérateurs (Wholesale, -13,9%). L’EBITDAal est en croissance de 3,9%, tiré par la Belgique (+10,4%) grâce aux synergies avec Voo, mais DIGI a débarqué en décembre, et la Pologne (+4,2%, enjolivé par le taux de change du Zloty, qui s’est réévalué).
Afrique et Moyen-Orient restent la locomotive du Groupe
La croissance du CA est à +11,1% (+11,4% en 2023), celle de l’EBITDAal à +13,1% (+12,7% en 2023), tirés par la croissance du CA de la Data (+22%) et d’Orange Money (+19%), qui confirme son succès.
Logiquement, les investissements sont aussi en hausse (+9,9%), avec un ratio eCapex/CA légèrement supérieur à la moyenne du Groupe (17% / 15%).
Orange Business : la baisse de l’EBITDAal se poursuit.
Le chiffre d’affaires poursuit sa baisse (-2,1%), les services de télécommunications fixes et mobiles continuant leur chute (respectivement -8,1% et -1%). Le CA IT & service s’améliore de 2,7%, tiré par la Cyberdéfense qui croît de +11,2%. La baisse de l’EBITDAal n’est plus « que » de -8,4% (-15,4% en 2023).
Pour obtenir 1 € d’EBITDAal en services, il faut faire 3 fois plus de CA que pour les activités télécoms, ce qui ne semble toujours pas intégré par la Direction. En effet, les SG&A (sales, general & administration, soit en français les frais généraux et administratifs) facturés par le Groupe sont imputés sur le chiffre d’affaires, au même taux pour les services que pour les activités télécoms, ce qui plombe l’EBITDAal, jusqu’à bloquer la conclusion de certains contrats, qui deviennent non rentables unitairement, sans que les impacts collatéraux soient analysés.
Il reste donc à faire pour optimiser le modèle économique. Souhaitons que la « poursuite des actions de transformation » indiquée dans la présentation des résultats ne consiste pas en un nouveau plan social !
Extrait de la Lettre de l'Epargne et de l'Actionnariat salariés #1/2025