Réorganisation du marché Entreprises : attention danger !
Rédigé par Frédérique Limido le . Publié dans Emploi Métiers.
Le mois dernier avait été fait le point sur la réorganisation du marketing et des services Client du marché Entreprises, entre Orange France et France Télécom.
Simultanément la Direction veut réorganiser l’activité commercialisation ;
Les objectifs officiels affichés :
- Augmenter la pression commerciale sur les clients à potentiel.
- Augmenter les ventes réactives (sur le modèle du 1016).
- Généraliser le recours aux réseaux indirects.
Les caractéristiques du projet :
La Direction a décidé de lancer deux pilotes au sein des AE : Les agences AERM (Agence Entreprises Rhône Méditerranée) de la DT Sud Est et ISE (Ile de France Sud Est) de la DT Paris. Ce pilote, si l’on peut dire, a pour vocation à être généralisé à l’ensemble des AE.
La Direction part du constat que notre environnement évolue : la disparition de la concurrence a stoppé la baisse des prix et a permis au marché Entreprises France de renouer avec la croissance. Les années à venir vont néanmoins être, encore plus que par le passé, marquées par le tout IP : le taux de pénétration des ventes sur le domaine IP est effectivement passé de 10% en 2006 à 35% en 2008 et passera probablement à 100% en 2010.
Comment l’entreprise compte-t-elle répondre à ce défi ? Selon la Direction : « En se focalisant sur le vrai potentiel de croissance des clients en créant une nouvelle segmentation bâtie sur des critères clients (CA externe de l’entreprise, nombre de salariés et de sites, dimension internationale) assorties de données internes » et « en améliorant notre efficacité commerciale, ce qui implique une évolution de notre modèle de vente […] avec une meilleure répartition des clients et plus de vendeurs en face à face ».
La nouvelle segmentation commerciale censée tenir compte à la fois du potentiel de vente et des critères tels que le nombre de salariés, le caractère multi-sites et le niveau d’activité internationale, est en réalité un découpage à la hache tant les frontières entre Bas, Milieu et Haut de Marché sont souvent difficiles à cerner et à établir de manière pertinente.
Le haut de Marché dit HDM reprend près du quart des clients Grandes Entreprises et fonctionne en équipe intégrée (type Direction des Grands Comptes).
Le milieu de marché dit MDM reprend tous les clients nécessitant une relation en face à face, avec une sous-segmentation : Les « standards » et les « critiques » selon leur niveau d'engagement à notre égard;
Deux nouveaux profils de vendeurs apparaissent en lieu et place d'un Vendeur Responsable de Comptes (VRC) assisté de Vendeurs Spécialisés (VS) : le VIP (l'Intégration) et le VOP (la convergence); Ils travaillent sur le même portefeuille de clients main dans la main et partagent le résultat du CA; des mouvements de vendeurs sont en cours pour alimenter cette nouvelle catégorie.
De plus sur le marché des PME, il revient à la Direction des Ventes Indirectes de confier une délégation accrue à des partenaires externes.
Cette externalisation rampante des services commerciaux est profondément choquante.
Le début de la mise en mouvement de ce pilote a été planifié le 1er avril pour les 2 agences pour, selon la Direction, « tester ce nouveau modèle de vente et mesurer les impacts opérationnels notamment en terme de nombre de vendeurs, de soutien, de formation, et de gestion des portefeuilles… et en vue d’une généralisation en France »
Participent à cette phase pilote, les VRC, VS et managers vente des Bouches du Rhône (pour l’AERM) et les VRC, VS, VSI et managers pour l’agence Entreprises ISE, avec une règle, celle du « maintien au mieux de la continuité vendeurs/client avant et pendant la simulation », règle dont nous dénonçons l’irréalisme.
En n’associant pas les vendeurs à la réflexion, ni sur les aspects process ni sur les aspects cibles, la Direction s’est privée de leur précieuse expertise. Regrettable !
Les conséquences prévisibles du projet :
France Télécom fait, en apparence, des économies de frais commerciaux mais en réalité ce projet entraînera une augmentation des coûts globaux liée à la (re)formation des vendeurs, à une déresponsabilisation dont ils vont faire les frais, à une déperdition d'énergie dans la compétition interne qu’ils vont devoir se livrer entre eux et à la perte en ligne dans le processus.
Du coup, on peut craindre une réelle démotivation des vendeurs, et ce d’autant plus que la nouvelle Part Variable Vendeur se caractérise déjà par une diminution des montants distribués. En effet, désormais France Télécom ne paye plus la fidélisation dans son plan puisqu’elle considère avant tout la Part Variable Vendeurs comme une charge à réduire… au détriment des vendeurs.
Autre risque : la rupture de la relation de partenariat avec le client. Le premier vendeur qui passe VIP ou VOP placera son produit phare sans s'occuper des besoins réels du client, plutôt en tenant compte, très prosaïquement, de ses propres « besoins » en PVV. Que se passera-t-il quand nous allons avoir (demain) des produits de « full-convergence » (fixe-mobile-data), qui va vendre la gamme : le VIP ou le VOP ?
On peut légitimement se demander comment se fera l'analyse des besoins des clients (formation sur laquelle nous avons beaucoup investi) alors qu'aucun des vendeurs ne maîtrisera nos solutions.
Vue « de l’œil du client » notre organisation va sembler encore plus obscure et perdre de son avantage relationnel. Regrettons également l’amoindrissement de la couverture client, amoindrissement fort dommageable puisqu’il constitue un des éléments les plus importants pour la vente...
Mais ce sont les conséquences en termes humains qui nous semblent les plus préoccupantes :
Les transferts entre segments de marché vont donner lieu à des redéploiements drastiques, incluant des suppressions de postes, surtout chez l’encadrement intermédiaire (Middle Management). 20 à 30% des acteurs commerciaux vont devoir se trouver un point de chute, soit entre 600 et 900 acteurs sur la France. Même fourchette de 20 à 30% pour le nombre d’équipes de vente et de managers qui devraient être supprimés. Sur les sites distants, les assistantes commerciales ne seront pas non plus épargnées.
En filigrane de cette réorganisation, s’inscrit donc la création de plateformes de vente sur le Bas de marché Entreprises entraînant la mise sur la touche d’un bon nombre de vendeurs.
Un changement massif de la relation commerciale est ainsi opéré sans une véritable analyse du risque :
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le binôme de vente (VIP et VOP) met à mal la notion d’interlocuteur unique ;
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Le renforcement de la vente indirecte non seulement remet en cause les emplois mais pire, nous éloigne du client qui, est censé être au cœur de nos préoccupations ;
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Les nouveaux modèles de ventes ne sont ni documentés ni cadrés
- France Télécom prend le risque de voir se dégrader ses indices de satisfaction, et nos clients se tourner vers de nouveaux concurrents Intégrateurs. Par exemple, nous sommes la seule entreprise à avoir 3, voire 4 personnes face au client : le VRC, le VS et le soutien technico-commercial et parfois un IA. La création des VIP et autres VOP ne fait qu’ajouter au problème
La CFE-CGC demande instamment à la direction :
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d’assurer une transparence amont auprès de tous les acteurs impactés et pas seulement auprès des Directeurs d’Agence Entreprise…
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de prendre en compte les situations individuelles et de stopper les départs forcés en particulier pour les quinquagénaires, la force de l’expérience n’étant plus considérée comme un atout par l’entreprise
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de mettre en place une véritable politique de développement des compétences ;
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de véritablement associer les CHSCT à cette démarche, et ce le plus en amont possible ;
- de mettre un terme à la politique d'externalisation de la vente auprès de tiers ;
Soulignons également le manque d'informations évident, au niveau national au moins, auprès des représentants élus du personnel et des organisations syndicales ; Toute cette absence de cohérence globale se fait au détriment des acteurs du terrain et de nos clients qui au final seront seuls juges !
Cette réorganisation massive qui met en péril la relation commerciale avec nos clients est uniquement dictée par une volonté de réduction des coûts commerciaux. Cette vision court-termiste sera lourde de conséquence sur le chiffre d’affaires.