Analyse du suicide intervenu le 28 septembre 2009 à Annecy
Rédigé par Hélène Marcy le . Publié dans Communiqués de Presse.
Le 28 septembre 2009, un téléconseiller du 1016 à France Télécom - Orange se jette du haut d'un viaduc et laisse dans sa voiture un courrier accusateur pour l'entreprise. Le CHSCT a demandé à un cabinet externe de mener une enquête sur ce drame. Après l'enquête nationale du cabinet Technologia en décembre, c'est un deuxième rapport accablant pour l'entreprise.
Mais pour le personnel rien n'a encore changé.
Des causes clairement identifiées...
Le rapport dénonce les éléments de contexte qui ont provoqué ce suicide. Des conditions de travail malheureusement largement répandues dans le groupe France Télécom - Orange :
- les mobilités forcées qui contraignent les salariés soit à vivre leur situation familiale dans l'éclatement géographique soit à changer totalement de métier pour rester proche de leur environnement personnel
- les conditions de travail inhumaines dans les centres d'appel : les open-spaces déshumanisés qui ne respectent pas les normes, les pressions incessantes et contradictoires entre des objectifs de vente inatteignables et une impossible satisfaction des clients
- une offre commerciale qui change en permanence sans formation, sans les outils nécessaires pour les téléconseillers
- une hiérarchie locale déboussolée qui n'a plus pour seule directive que d'ajuster sans cesse les moyens humains aux flux d'activité et une gestion des ressources humaines inexistante
- une médecine du travail impuissante, des médecins qui démissionnent, la suppression des assistantes sociales locales ;
- et surtout, la position officielle de l'entreprise qui considère que les suicides ont pour origine des problèmes personnels, s'épargnant ainsi toute vigilance et toute prévention des risques psychosociaux.
... mais des solutions concrètes qui tardent à venir.
Si les discours des dirigeants se veulent rassurants sur la crise sociale qui secoue le groupe depuis maintenant plusieurs mois, et en dépit des négociations ouvertes avec les syndicats, ce rapport d'expertise reste vrai : sur le terrain, il n'y a pas de changement visible pour les personnels. Tous attendent pourtant des réponses rapides, après s'être massivement exprimés au travers du questionnaire Technologia, auquel ils sont 80% à avoir répondu, et dont le rapport d'enquête dresse le même constat alarmant.
La question des mobilités forcées pourrait se résoudre via un accord d'entreprise en cours de finalisation pour éviter les dérives sur ce thème dans l'avenir. Stéphane Richard a par ailleurs annoncé l'arrêt des fermetures de sites et une organisation d'entreprise plus stable. La CFE-CGC/UNSA restera cependant très vigilante sur les modalités de mise en œuvre des nouvelles règles de fonctionnement en la matière.
La question des conditions de travail, domaine traditionnellement réservé de l'entreprise, est un sujet éminemment plus délicat, sur lequel la direction de France Télécom peine à faire des propositions concrètes et structurées, continuant de camper sur des positions régulièrement inférieures à la Convention Collective des télécommunications, voire au droit du travail ou à celui des fonctionnaires, qui a été appliqué de manière pour le moins fantaisiste ces dernières années.
La nouvelle gouvernance d'entreprise n'est pas encore en place, et certains changements prendront probablement du temps pour produire tous leurs effets. Pour la CFE-CGC/UNSA, il est cependant urgent que la culture de l'entreprise change.
La reconnaissance des suicides en tant qu'accidents du travail dans plusieurs cas où les éléments d'enquête montrent bien leur relation avec les conditions de travail pourrait constituer un premier signal fort à l'attention des personnels.