Transformations sans vision, déclaration en CSEE
Rédigé par Stéphanie CRESPIN le . Publié dans INNOV.
Une transformation de fond « furtive », perçue comme « transitoire », se décline au sein d’Orange Innovation sans qu’une vision partagée des objectifs soit effective, notamment en termes d’activités et d’effectifs embarqués dans les évolutions officiellement ou non programmées.
La CFE-CGC entend ce jour revenir sur trois sujets qui occupent de façon très importante l’esprit des salariés :
- la réorganisation permanente d’Orange Innovation,
- l’emploi des séniors dans un contexte de réorganisation,
- les alertes de la médecine du travail sur les effets des réorganisations.
1 - La réorganisation permanente ou « institutionalisée »
Différentes réorganisations sont pensées. Elles mettent salariés et managers sous pression face à une vision à très court terme. Elles ne disent le plus souvent pas leur nom et sont présentées comme :
- des ajustements d’organisation (qui ne tiennent pas compte des rôles et des missions possiblement impactés),
- la mise en œuvre de nouvelles gouvernances dans certaines entités (plaquées sans prise en compte des expertises, rôles et missions des salariés et non mises en perspective par rapport à une vision)
- le déploiement de nouvelles méthodes de travail (qui sous couvert de concertation sont établies de façon arbitraire)
- de nouveaux rattachements à des équipes au service de performances opérationnelles (qui sous couvert de missions inchangées transforment les responsabilités de certains)
- des affectations qui ne tiennent pas compte des expertises et des compétences,
- des missions et/ou rôles qui évoluent en fonction de besoins préalablement non expliqués dans un contexte ou les fiches de poste ne sont pas mises à jour,
- une absence de visibilité sur des nominations dans les pays et les BU qui masque un doublonnage de certaines responsabilités déjà portées au sein d’Orange Innovation, et dont les conséquences en termes d’emplois semblent ni évaluées, ni accompagnées,
Tout un « arsenal » à disposition de l’entreprise pour accompagner sa transformation, comme peut l’être aussi le PDV évoqué récemment par Monsieur Zerbib dans le cadre de sa prise de parole du mois de novembre dernier (Let’s Talk du 5 novembre).
Un arsenal aussi pensé pour contourner un droit du travail qui, du reste et au passage, n’a plus pour finalité la protection du droit à l’emploi. « Face aux défis de la transition technologique et environnementale, le droit du travail est confronté à une réorganisation permanente. À cause de ces mutations, les risques de l’activité économique reposent désormais de plus en plus souvent sur les salariés » (Sic : Hélène Nasom-Tissandier, maître de conférences HDR à l’Université Paris Dauphine - PSL, membre du Centre de Recherches Droit Dauphine (CR2D).
Tout un arsenal au service de la transformation qui sert aussi à contourner le dialogue social :
- l’entreprise soumise à une transformation permanente évite ou peut refuser de proposer en CSE des informations et/ou consultations,
- l’entreprise, pour toute évolution d’organisation, cherche à éviter la contrainte visant à produire des analyses d’impacts auxquelles sont associées des plans d’accompagnement salariés appropriés.
Le tout dans un contexte où les pressions budgétaires sont régulières, répétées à un rythme de plus en plus élevé, marquant au passage la déstabilisation ou la remise en cause de nombreux projets.
Les salariés sont inquiets et partagent leurs doutes quant à l’avenir professionnel qui peut leur être réservé. Face à ce constat, que leur répondez-vous ?
2 - L’emploi des séniors
« La question des moyens que le groupe pourrait ouvrir pour susciter une nouvelle vague de départs s'est invitée dans les négociations sur les parcours professionnels entre la direction et les partenaires sociaux », tel est le chapô de l'article publié dans Les Echos par Florian Dèbes le 9 octobre dernier, et repris dans notre revue de presse.
Cet article, qui fait référence au cycle 2025/2028 de la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels - GEPP), met en avant, dans le contexte d’un plan d’économie, la nécessité pour Orange en France (73 000 personnes), de prendre en compte des milliers de salariés en fin de carrière. A ce titre le Directeur général d’Orange France (Jean-François Fallacher) précise « qu'il fallait 3.000 départs par an et recourir davantage aux sous-traitants en laissant ainsi entendre qu’il fallait aussi faire place aux jeunes ».
La CFE-CGC remarque qu’avec une moyenne d'âge de 55 ans chez Orange en France, et après plusieurs plans suffisamment généreux pour avoir fait partir 40.000 salariés en fin de carrière en quinze ans (cf article des Echos cités précédemment), la question des moyens que le groupe pourrait ouvrir pour susciter une nouvelle vague de départs est très sensible, comme peuvent l’être aussi les sujets de formation et de mobilité interne.
La fin de la négociation sur la GEPP est attendue en début d’année 2025.
Un sentiment anxiogène affecte les salariés dans un contexte de transformation et de réorganisations permanentes. Les salariés attendent qu’en toute transparence la Direction d’Orange Innovation partage dès à présent sa vision pour demain en termes d’activités.
Il s’agit d’éclairer toutes décisions des salariés face à une volonté de réduction des effectifs avec des grilles d’impacts (risques et opportunités) pour toutes les évolutions engagées et à engager afin de considérer avec respect les engagements professionnels des salariés.
Il s’agit aussi d’anticiper les charges de travail et l’acquisition de compétences de tous ceux qui restent au sein de l’entreprise.
Les salariés méritent en effet toute transparence sur les sujets de reskilling/upskilling à envisager dans un contexte où un gel des mobilités est ressenti et dans un contexte où une liste de métiers fait en particulier l’objet de la négociation GEPP (sans surprise et dans la droite ligne de précédents plans, les fonctions transverses de l'entreprise, comme la communication, les ressources humaines, la finance, l'informatique et la relation-client font partie des sujets de discussion).
Face à ces constats, et aux difficultés qui en résultent, la CFE-CGC vous demande de préciser le plan d’actions que vous envisagez en 2025 et au-delà.
3 - Les alertes de la médecine du travail sur les effets des réorganisations
D'après des rapports remis en avril dernier, des médecins et psychologues d'Orange ont relevé des conditions de travail dégradées, sources de stress et de pression pour les salariés et les managers. Certains praticiens appelaient la Direction à une vigilance renforcée en 2024.
Voir dans notre lettre d'avril
Les professionnels chargés de la santé au travail et de la prévention des risques psycho-sociaux soulignent par exemple que sur le terrain, la restructuration permanente est déstabilisante et source de RPS. Ils font état de nombreux signaux d'alerte et révèlent par exemple "un effet TPS fortement ressenti en 2023" et présentent des recommandations telles que "durant l'année 2024, il apparaît nécessaire de suivre avec une vigilance toute particulière les salariés impactés par ces changements qui ont été très rapides".
La CFE-CGC, comme d’autres syndicats, vous ont mis en garde dès la fin 2022 en pointant des contrecoups possibles du départ, bien qu'étalé dans le temps, de centaines de salariés en retraite progressive. Les professionnels de santé ont vérifié ces contrecoups et soulignent que le TPS a conduit à " une augmentation de la charge de travail et de la charge mentale pour des salariés restants ». Ils précisent en outre que les managers peuvent être exposés à un climat de tension renforcée par une gestion des équipes dispersées sur plusieurs sites.
A l'heure où l'ouverture d'une négociation d'un nouveau plan TPS a démarré, l'avertissement de 2022/2023 résonne toujours aussi fortement. D’autant plus que la déstabilisation s’accentue avec des réductions de coûts de plus en plus importantes, la formation à de nouveaux métiers qui devient une exigence, ou que les m2 de bureau sont de plus en plus réduits.
Il y a danger dans ce contexte ou le manque de visibilité par rapport à l'avenir, le manque de transparence quant aux projets en cours induisant possiblement des injonctions contradictoires, un sentiment de qualité qui semble empêchée et générant des conflits de valeur, ou encore le manque de marges de manœuvre pour les salariés et les managers.
La CFE-CGC vous demande une présentation du processus de prévention sur lequel vous êtes en responsabilité. Fort des constats jusqu’alors posés par les professionnels de santé, la prévention primaire est indispensable et aucune excuse ne pourra justifier un plan de prévention que ne serait que secondaire ou pire tertiaire. Elle insiste à nouveau sur la nécessité au quotidien de partager les grilles d’impacts des évolutions en cours.
Par Ghislaine de Salins et Véronique Garnier