Lutte contre les discriminations à France Telecom - Orange : un plan « com » qui fait mal!
Rédigé par Anne-Marie Minella le . Publié dans Conditions de Travail et Santé.
Depuis le 6 septembre 2010, Orange propose à son personnel ce qu’elle appelle un « dispositif complet à l’écoute de tous ».
L’élément nouveau c’est la cellule externe dont on apprend qu’il s’agit d’un service de conseils juridiques auquel l’entreprise s’est abonnée.
Mais si elle ose évoquer le problème de la discrimination, elle reste très évasive sur le périmètre couvert par ce dispositif. Le flou dans la communication et les interlocuteurs mis en avant servent à orienter les salariés vers des solutions qui sont loin d’être exhaustives et une fois encore à noyer les responsabilités de France Télécom - Orange en tant qu’employeur.
La généralité du dispositif (« en France » « complet » « pour tous ») laisserait-elle entendre qu’il inclut la sphère privée ? Mais le bon sens perçoit quelque chose qui cloche : si la discrimination est hors du travail, cela ne regarde pas l’entreprise et s’il y a discrimination au travail, c’est qu’il y a un problème avec le management (même si la discrimination est entre collègues) ou avec les ressources humaines.
Manager et ressources humaines sont les interlocuteurs désignés pour le résoudre, puisqu’il s’agit d’une obligation de l’employeur, mais ils sont très mal placés pour une écoute et une analyse objective. La cellule externe étant proposée en 3e position, doit-on en conclure qu’elle intervient quand le recours aux deux premiers – manager et RH - s’est avéré inefficace ? Cela signifie-t-il que la seule solution est un recours juridique ?
Un dispositif orienté
Pourtant ce service qui se prétend « complet », «oublie» beaucoup d’autres interlocuteurs, tels que le Service Social du Travail, les représentants du personnel, la HALDE - Haute Autorité de Lutte contre les Discrimination et pour l'Egalité - dont le numéro n’est même pas rappelé… (08 1000 5000). On s’aperçoit ainsi qu’il s’agit d’une solution partielle totalement contrôlée par l’entreprise, y compris la cellule externe. Car, si le respect du secret professionnel des avocats ne peut être mis en doute, la réduction de la discrimination à une question juridique est déjà un parti pris qui occulte les autres modalités de régulation sociale.
Ce choix prive les salariés d’une recherche de mobilisation de leur entourage professionnel, qui, lui, a d’autres critères pour une reconnaissance sociale de la discrimination, tout comme elle le prive du recours à d’autres appuis externes.
Encore une cellule d'écoute...
La cellule externe permet également à l’entreprise de se dédouaner de ses responsabilités. Elle rappelle fâcheusement ses cellules d’écoute psychologique supposées traiter le stress au travail comme un dysfonctionnement personnel. Dans l’un et l’autre cas, l’écoute est mise en avant, comme si elle suffisait à résoudre les problèmes. Dans l’un ou l’autre cas, le problème est retiré du champ professionnel et collectif et évacué dans le domaine individuel. Mais c’est quand il est seul, que l’individu est précisément le plus démuni. .
La Halde
Enfin, France Télécom - Orange choisit d’ignorer la Halde dont la vocation est pourtant la lutte contre les discriminations. Un article paru dans les Echos en juin dernier rappelle qu’elle dispose de nombreux pouvoirs : saisie par un salarié ou un syndicat, par exemple, elle peut pousser très loin son enquête à l’intérieur même de l’entreprise, elle assiste les victimes dans la constitution de leur dossier, elle peut jouer le rôle de médiateur ; enfin, elle peut, dans un procès devant les prud’hommes présenter elle-même ses observations. Un rôle fort que la cour de cassation vient de confirmer dans une récente décision. Tous ces éléments font d’elle un allié puissant des salariés.
Trop gênante pour l’entreprise ?