Loi Macron et épargne salariale : toujours plus pour les riches !
Rédigé par H.Marcy, P.Brunet & S. Crozier le . Publié dans Participation, Intéressement et Actionnariat.
La loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques » dite « loi Macron », a fait couler beaucoup d’encre. Que change-t-elle pour votre épargne salariale ?
Forfait social : une baisse en trompe l’œil
Ces dernières années, ce qui a le plus pénalisé l’épargne salariale, c’est l’augmentation du forfait social appliqué à l’intéressement, la participation, et aux abondements de l’entreprise pour le placement de fonds dans un Plan d’épargne Entreprise ou Groupe (PEE ou PEG) ou dans un Perco. Créé en 2009 par le gouvernement Fillon pour améliorer le financement de la sécurité sociale, le forfait social était de 2%. Augmenté chaque année depuis sa création, il a fait un saut brutal de 8 à 20% entre janvier et août 2012. Si ce sont les employeurs qui le règlent, les personnels en font les frais : les accords d’entreprise définissent les montants bruts... et le net perçu en matière d’intéressement, participation ou abondement a baissé de 20% par rapport à 2008.
Dès 2012, la CFE-CGC a demandé que le forfait social revienne à 8%, revendication qu’elle a continué de porter pendant la gestation de la loi Macron. Mais la nouvelle loi ne baisse le forfait social que dans deux cas très spécifiques :
- à 8% pendant 6 ans pour les sommes issues de l’intéressement et de la participation, pour les entreprises de – de 50 salariés qui mettent en place pour la première fois un dispositif d’intéressement ou de participation.
Le Groupe Orange n’est pas concerné. - à 16% pour les sommes issues de l’intéressement, de la participation et des abondements de l’entreprise, uniquement si elles sont placées dans un Perco à gestion pilotée investi dans un fonds comprenant au moins 7% de titres éligibles au PEA-PME & ETI. Dans l’état actuel, le Perco piloté proposé aux personnels d’Orange n’est pas éligible au forfait social réduit, il faut attendre les décrets d’application de la loi Macron pour pouvoir adapter la composition du fonds. Mais un rapide calcul montre que, chez Orange, le gain fiscal serait de l’ordre de 20 euros par collaborateur et par an. Pas de quoi déboucher le champagne !
Tout en faveur du Perco : vers la liquidation de la retraite par répartition ?
Le gouvernement Sarkozy avait déjà en 2011 instauré le versement, à défaut d’autre choix explicitement formulé par le salarié, de 50% du montant légal de la participation dans le Perco. Ce fléchage renforcé vers le Perco nous préoccupe à plusieurs titres.
S’agit-il « d’habituer » progressivement les salariés au basculement progressif de la retraite par répartition, dispositif solidaire, vers la retraite par capitalisation, plus aléatoire et surtout inégalitaire, puisqu’il favorise ceux qui ont les moyens d’épargner ? Il favorise aussi, évidemment, les établissements financiers : ils bénéficient non seulement de la collecte des fonds, mais également des frais de gestion associés, certes payés par l’employeur… mais qui, ne nous leurrons pas, sont bien présents dans l’esprit de la Direction lorsqu’il s’agit de négocier l’accord annuel sur les salaires !
Le point noir, c’est qu’il favorise les personnels les plus riches, qui peuvent bloquer les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation jusqu’à la retraite, au détriment des plus modestes, dont la situation économique aggravée par le contexte global et le gel des rétributions leur impose souvent de demander le versement immédiat en numéraire pour boucler leurs fins de mois. Ceux-là voient leur intéressement et leur participation immédiatement imposés au titre de l’impôt sur le revenu, et ne bénéficient pas des abondements de l’entreprise… sauf si Orange saisit la possibilité nouvelle d’alimenter régulièrement le Perco même en l’absence de versement des personnels. La CFE-CGC demandera 400 €/an pour tous lors des prochaines négociations Perco.
La liberté entravée
La CFE-CGC revendique un abondement global de 1000 € / an, dont les personnels pourraient bénéficier quelle que soit la source des fonds et leur destination.
Une telle formule, plus simple et plus équitable, laisse à chaque salarié le choix de ses placements, dans le PEE/PEG ou le Perco. Mais un tel dispositif devient beaucoup plus complexe à mettre en œuvre si chaque réceptacle de placement a une fiscalité propre, comme c’est le cas avec la loi Macron… et la Direction risque fort de nous opposer un nouveau refus !
Actions gratuites : on ne donne qu’aux riches !
La distribution d’actions gratuites est nettement favorisée, par un assouplissement des règles d’attribution et de conservation, et une fiscalité plus avantageuse. L’imposition sur le revenu interviendra désormais sur les plus-values de cession et non plus d’acquisition, avec un abattement conséquent selon la durée de conservation (50% pour les actions détenues entre 2 et 8 ans, 65% au-delà de 8 ans).
Les contributions sociales sont supprimées pour les salariés (sauf pour les stock-options) et ramenées de 30 à 20% pour les employeurs. Surtout, ces derniers ne les paieront qu’au moment de l’acquisition effective des actions par les bénéficiaires. Jusqu’à présent, elles étaient exigibles dès le lancement de l’opération… et restaient dues même si au final les actions n’étaient pas distribuées. Chez Orange, le plan « Partageons », élaboré en juin 2011, prévoyait la distribution de 133 actions gratuites à chaque collaborateur en juillet 2015, à condition que le cash-flow opérationnel cumulé atteigne 27 milliards d’euros entre 2011 et 2013. L’objectif n’ayant jamais été atteint, la distribution gratuite n’a pas eu lieu. Mais l’opération a généré le paiement à l’État d’une contribution fiscale de plus de 20 millions d’euros qui ne sera jamais restituée. Sur ce point, les nouvelles modalités de taxation constituent donc un retour à la raison.
La CFE-CGC, attachée à l’actionnariat salarié, salue l’effort fait pour stimuler l’attribution gratuite d’actions aux personnels des entreprises. Cependant, ces mesures ne permettent de dégager aucun pouvoir d’achat supplémentaire immédiat pour les plus bas salaires, et privilégient au contraire ceux qui ont les moyens d’épargner à long terme, l’abattement fiscal augmentant avec la durée de détention des actions. On ne prête, voire on ne donne, qu’aux riches… Tout cela ne nous semble pas aller dans le sens de « l’égalité des chances économiques » annoncée dans le titre de la loi…