L’emploi en danger à TGI/Innovation
Rédigé par Stéphanie CRESPIN le . Publié dans INNOV.
Des baisses drastiques en France et la délocalisation en hausse
Le contexte actuel de l’emploi dans le groupe Orange et à I'Innovation en particulier, est pour le moins morose.
Le bilan emploi de la division Innovation met en évidence des baisses drastiques de l’emploi en France, atteignant -5,8% entre fin 2021 et fin 2022 avec 237 CDI en moins. En revanche, sur la même période, la hausse de l’emploi hors France connait une croissance de +7,6% avec 117 CDI en plus, principalement dans les pays « moins-disant sociaux » comme la Roumanie, la Pologne, la Tunisie, l’Inde.
L’Entreprise accroît ainsi la délocalisation des activités et des emplois dans des filiales et des entités d’Orange hors France.
Certes, selon l’Entreprise, la délocalisation concernerait plus l’exploitation des réseaux que les phases de conception et d’ingénierie, mais les compétences disparaissent en France, notamment celles de l’exploitation, au profit de sites hors France qui souvent ne les maintiennent pas, du fait d’un turn over très élevé.
L’emploi par sites géographiques
Pour nos sites en France, que se passe-t-il ?
La pérennité des petits sites Innovation ne semble pas vraiment assurée. Nos grands sites sont par ailleurs, de moins en moins dédiés à l’Innovation et à la R&D (Orange Gardens, Atalante, Meylan…) pour regrouper d’autres divisions au gré des optimisations financières de l’immobilier et non pour favoriser la transformation ou la coopération inter-entités.
Ces baisses que nous évoquons s’illustrent par les projections intégrant les entrées en TPS en 2022 vs les effectifs CDI en 2021.
Sur la région parisienne, 15%, dont 14,7% à Châtillon et 23,5%, à Montigny. Ces chiffres ne tiennent compte ni des démissions, ni des départs en retraite, entre 2023 et 2027.
Les démissions augmentent également : 43 en 2022, contre 17 en 2021. Quelle conclusion doit-on en tirer ?
Hors région parisienne, les sites ne sont pas épargnés par ce phénomène, avec 20,1% de baisse, dont 16,9% à Lannion, 14,8% à Cesson-Sévigné, et jusqu’à 19,4% à Meylan, 25% à Caen, 17,8% à Blagnac et 33,8%à Biot (Sophia-Antipolis).
Détails sur cette bascule de l’emploi hors de France
Il y avait 4422 effectifs CDI actifs à fin 2019 et 4302 à fin 2020, ce qui correspond avec la projection à fin 2027, à environ 24% de baisse des effectifs.
Dans le même temps, 9 recrutements seulement ont été réalisés en 2022 sur le périmètre Innovation, soit quasiment rien.
En revanche, les effectifs hors France ont augmenté, entre décembre 2021 et décembre 2022 de 1489 à 1602, soit 117 équivalents CDI de plus. Les compétences clé quittent la France...
La part des personnels innovation hors France représente désormais 40% au 31 décembre 2022, contre 36% en 2021. Cette part atteint plus de 60% à la direction Networks.
Au niveau macroéconomique, qu’en est-il de la souveraineté française dans le numérique ?
Que signifie ce recentrage sur ses réseaux, cœur de métier de l’opérateur comme annoncé par Christel Heydemann lors de la présentation du plan stratégique au 16 février 2023 ?
Ce même plan stratégique, ‘Lead the future’, qui ne prononce ni le mot emploi, ni innovation. Alors qu’attendre de l’audit Innovation demandé à Pascal Viginier, inspecteur général d’Orange, à échéance du 31 mai, selon la lettre de mission ?
Vos représentants CFE-CGC demandent à être consultés lors de la réalisation de cet audit et demandent également la présentation des résultats au CSEE Innovation.
Quelle est la stratégie d’Orange Innovation ? Quelle priorisation d’activités pour les personnels restant actifs ? Et enfin, quel peut être le futur d’Orange sans innovation ?
Des exemples d’action du syndicat CFE-CGC Orange
Les premières actions syndicales sont, avec l’aide des personnels, de proposer des alternatives aux propositions de la direction pour négocier en position aussi forte que possible.
L’action peut prendre d’autres formes comme faire appel au gouvernement, au ministre de l’Économie notamment, à l’ARCEP, aux députés et aux autorités locales, à l’Europe.
Le syndicat CFE-CGC Orange garde à cœur de sensibiliser, voire d’interpeler les responsables politiques et le Ministre de tutelle, celui de l’économie Bruno le Maire, sur leurs responsabilités d’actionnaires d’Orange à 22% (30% des droits de vote et 3 représentants au CA) et sur celles de garants du développement économique de la French Tech et de la souveraineté numérique. C’est ce qu’a fait, Sébastien Crozier, le Président de la CFE-CGC Orange dans un courrier en avril 2023, concernant le projet de suppression de 669 postes à Orange Business. Sujet dont la presse avec laquelle nous travaillons également s’est emparé rapidement.
Autre stratégie d’action, faire appel à la responsabilité économique des gouvernements, et agir pour ne pas laisser des fleurons économiques disparaître comme cela a été fait pour les équipementiers comme ALCATEL
Autre axe d’action : faire appel aux députés pour qu’ils proposent des lois limitant les délocalisations. Ceci requière du temps et de l’énergie, avec des résultats incertains. Par exemple l’échec relatif du Crédit impôt recherche (CIR), en France, qui ne s’applique plus uniquement aux équipes de recherche en France, mais s’étend désormais aux équipes localisées dans toute l’Europe entrainant une perte de souveraineté numérique française.
Nos actions auprès de l’ARCEP sont une autre voie, pour que cesse la politique d’étranglement de l’opérateur historique au nom de la « sacro-sainte concurrence », avec des opérateurs qui n’emploient pas autant en France, ni en emplois directs, ni en emplois induits, et n’assurent pas non plus autant de développement économique en la France ou ailleurs. Que penser également des 150 opérateurs européens, à comparer avec 4 opérateurs aux Etats-Unis, comment peuvent-ils rentabiliser des infrastructures demandant des dizaines de milliards d’euros d’investissement avec 150 opérateurs ?
Mais la véritable concurrence, ne se situe-t-elle pas au niveau des GAFAMs, auxquels on peut ajouter NETFLIX, qui prennent avec des services innovants la valeur ajoutée des réseaux, tout en monopolisant 57% du trafic de données*, et qui utilisent les données personnelles notamment des européens ?
Pour mener nos actions de manière efficace, nous avons donc besoin du soutien de toutes et de tous.
*(source rapport ETNO publié en mai 2022 ‘Europe’s internet ecosystem: socio-economic benefits of a fairer balance between tech giants and telecom operators’)
Par Sophie Nachman