Sébastien Crozier, vous êtes président du syndicat CFE-CGCUNSA de France Télécom. Quel est l'objet de votre visite à Amiens ?
J'effectue un tour de France des 22 villes où France Télécom pèse encore plus de 1 000 emplois et où se pose la question de la relocalisation. C'est le cas d'Amiens, où France Télécom a prévu de céder une partie de son patrimoine immobilier et où se pose la question du devenir des emplois hébergés dans ces locaux.
France Télécom a crié sur tous les toits que les délocalisations c'était fini et qu'une nouvelle ère sociale s'ouvrait France télécom c'est vrai, a mis fin aux fermetures de sites et aux mutations forcées. Cela étant, l'entreprise n'a pas de projet industriel et donc aucune vision sur ce que vont devenir les emplois qui demeurent en France. Ici à Amiens, je suis très surpris de voir que France Télécom qui a obtenu une délégation de service public (attribuée par le conseil général de la Somme avec Somme numérique, ndlr) ne s'est engagée à aucune contrepartie en termes d'emplois. C'est regrettable...
...France Télécom a choisi récemment de relocaliser des emplois à Abbeville. C'est une expérience intéressante ?
Elle reste limitée. Amiens est connue pour sa forte concentration de centres d'appels. Or il n'y a aucune création d'emplois envisagée, alors que chez France Télécom, un appel sur deux est un appel offshore. Ce qu'il faut dans un premier temps, c'est une autre répartition des emplois au sein de l'entreprise. L'Ile de France concentre 35 % des emplois de France Télécom. C'est beaucoup trop, alors que des plaques, dont celle d'Amiens, risquent d'être dévitalisées. ...
...France Télécom a annoncé la création de 10 000 emplois en France en 2010, dont plusieurs dizaines dans la région. Il s'agit de vraies créations ?
En fait, on vend plusieurs fois la même chose. Il y a des contrats d'apprentissage qui sont transformés en CDI et c'est bien. Il y a aussi des emplois chez les sous-traitants qu'on intègre, et quelques vraies embauches, dans les agences commerciales notamment ou les unités d'intervention, où nous étions tombés très en deçà des seuils raisonnables.
Les problèmes sociaux qui ont marqué ces cinq dernières années sont définitivement derrière vous ?
Oui et non. Le dialogue a repris, il n'y a plus cette violence sociale que nous avons connue. Mais les dirigeants qui étaient à l'origine de cette violence n'ont pas été sanctionnés et c'est très mal vécu. Enfin, il n'y a pas de projet industriel fédérateur, comme il y a eu le mobile dans les années 90, le haut débit dans les années 2000. Aujourd'hui, quand on demande ce qu'est le projet de France Télécom, personne ne sait répondre.
Extrait : Courrier Picard - Philippe FLUCKIGER - 16 décembre 2010
