Intéressement : Travailler plus … pour que ceux qui partent gagnent plus!
Rédigé par Nicolas Triki le . Publié dans Participation, Intéressement et Actionnariat.
L’accord d’intéressement permet de récompenser chaque année les efforts fournis par les personnels. Ces efforts sont mesurés par une formule de calcul qui définit le montant global de l’intéressement en pourcentage de la masse salariale. Cette somme est ensuite répartie entre l’ensemble des personnels d’Orange SA selon des critères définis par l’accord d’intéressement négocié entre la Direction et les organisations syndicales.
Nouvel accord 2015-2017 Orange SA :
de moins en moins pour ceux qui créent la richesse
Diminution de l’assiette d’intéressement
L’intéressement est calculé sur la masse salariale globale de l’entreprise (2014 : 4,2 Milliards €). D’ici 3 ans, 15 000 départs sont prévus pour seulement 3 500 recrutements. Les départs sont des salaires dits de « fin de carrière », donc plus élevés que les recrutements prévus sur des salaires « d’entrée de carrière ». Une partie non négligeable de la masse salariale disparaîtra, diminuant mécaniquement l’enveloppe d’intéressement à partager.
La surperformance moins bien rétribuée qu’avant
L’intéressement en 2015 par les personnels d’Orange SA au titre des résultats 2014 était de 5 %, pour un objectif atteint à 105%. Le nouvel accord prévoit qui faudra désormais atteindre 110% des objectifs pour gagner ces mêmes 5% d’intéressement : il va falloir travailler plus pour avoir le même pourcentage global d’intéressement… et un montant individuel en euros plus faible que précédemment !
La Direction a donc atteint son premier objectif : diminuer le montant global de l’intéressement, et récupérer ainsi le peu qu’elle a lâché sur la négociation annuelle des salaires (qui favorisait déjà les personnels les mieux payés, l’un des motifs pour lesquels la CFE-CGC Orange n’a pas signé l’accord 2015). En terme de climat social, c’est plus rentable : la majeure partie des personnels n’ayant pas le temps de se pencher sur le calcul complexe de l’intéressement, et encore moins de suivre les indicateurs qui permettent de savoir s’il sera ou non déclenché, chacun s’est finalement habitué à considérer l’intéressement comme un « bonus », et rares sont ceux qui se plaindront de sa baisse… alors que nous avons tous les yeux rivés sur la fiche de paie mensuelle dont il est plus aisé de suivre l’évolution.
La loi et l’accord Orange SA
- L’intéressement n’est versé que s’il existe un accord d’entreprise
- Texte complet de l’accord sur anoo
- Compte rendu du CCUES sur l’accord d’intéressement
- Plafonnement global
L’article L3314-8 du Code du travail prévoit que le montant global des primes distribuées est limité à 20 % du total des salaires bruts versés aux personnes concernées.
Chez Orange, le maximum accordé est de 5 % (obtenu en 2014 pour versement en 2015). - Plafonnement individuel
La prime d’intéressement versée à chaque salarié est plafonnée à la moitié du plafond annuel de la Sécurité Sociale, qui s’élève à 38 040 € pour 2015, soit un intéressement maximum de 38 040/2 = 19 020 € - Répartition de l’intéressement entre les salariés
Les critères de répartition sont limitativement énumérés par l’article L3314-5 du Code du travail et peuvent prévoir :
- soit une répartition uniforme ;
- soit une répartition proportionnelle au salaire ;
- soit une répartition proportionnelle à la durée de présence ;
- soit une répartition utilisant conjointement plusieurs de ces critères.
Chez Orange, les critères retenus sont la durée de présence, le salaire, et la « durée d’appartenance » (qui tient compte des entrées et sorties de l'entreprise au cours de l'année).
Répartition plus équitable ? À vous de juger !
Il s’agissait ensuite pour la Direction de s’acheter une bonne conduite. Et quoi de mieux que d’obtenir, pour la première fois dans l’histoire d’Orange, la signature de SUD, réputée réfractaire à toute rétribution variable ? Une belle victoire pour une Direction qui ne cesse de rechercher les symboles d’un dialogue social hors pair !
Les intentions affichées peuvent apparaître louables : l’ajout du critère « durée d’appartenance à l’entreprise » pour calculer la répartition de l’intéressement permet de donner davantage aux salaires les plus faibles, et surtout aux personnels « éloignés du service » pour diverses raisons (maladie ou TPS). En réalité, SUD a choisi de privilégier son électorat, en grande partie parmi les collègues en TPS, au détriment des jeunes qui rejoignent l’entreprise, et plus globalement de ceux qui produisent la performance économique que l’intéressement est censé rétribuer ! Un clientélisme pragmatique beaucoup moins reluisant ! Quant à la signature de FO et de la CFDT, no comment…
Pour sa part, la CFE-CGC Orange a refusé de signer un tel accord d’intéressement… ce qui est aussi une première !
Non par intérêt électoraliste ou catégoriel : tous accords confondus (négociation sur les salaires + accord d’intéressement), les personnels les moins bien rémunérés qui restent en activité sont les plus pénalisés par les nouveaux accords, et la CFE-CGC prône avant tout l’équité.
Tous les jours, nous constatons que la décrue brutale des effectifs pose des difficultés concrètes aux collègues qui doivent assurer une surcharge d’activité de plus en plus porteuse de risques pour leurs conditions de travail et leur santé (potentiellement aussi pour la qualité des services que nous pouvons rendre à nos clients, et donc pour la pérennité de notre entreprise).
Effets pervers
La négociation de l’accord a mis en évidence deux conséquences négatives du nouveau dispositif d’intéressement :
- la Direction, forte de la communication des organisations signataires sur l’augmentation de l’intéressement pour les personnels en TPS, exploitera cet argument pour gérer à la baisse les prochaines primes de départ ;
- la Direction met également la pression sur les cadres, dont elle aimerait bien diminuer la proportion dans ses effectifs. Effondrer leur capacité d’épargne est un moyen pour les inciter au départ… et diminuer au passage le poids d’actionnaires salariés jugés trop remuants, notamment en termes d’intervention sur la stratégie financière de l’entreprise.
Alors, demander aux personnels de travailler plus pour prétendre mieux rétribuer ceux qui partent, nous avons trouvé que c’était vraiment trop cynique !
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