CCUES 11/2016 : expertise sur les Orientations Stratégiques
Rédigé par Frédérique Limido-Milesi le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
Expertise sur les Orientations Stratégiques
présentation
La commission économique du CCUES a désigné le cabinet Sécafi pour réaliser une expertise dans le cadre de l’information-consultation sur les orientations stratégiques du Groupe et leur impact sur l’emploi.
Principales conclusions
Si le contenu d’Essentiels2020 paraît plus abouti, réaliste et convaincant que celui de Conquêtes 2015, le plan devra être exécuté dans un environnement chargé de contraintes, de risques et d’aléas nombreux et substantiels :
1. Un marché français qui reste façonné par des pressions et des ressorts déflationnistes, particulièrement pour le mobile avec des opérateurs engagés dans des logiques de très court terme et une dégradation évidente de la valeur.
2. Un environnement réglementaire et actionnarial facteur d’incertitude :
- L’attitude de l’État-actionnaire, entre tergiversations et volte-face, demeure un facteur de risque tant qu’une véritable logique industrielle ne prévaudra pas sur ce marché.
- L’Union Européenne continue à inscrire son action dans le cadre du maintien d’une concurrence maximisée aux bornes des marchés nationaux et ne manifeste aucune volonté de favoriser l’émergence d’acteurs puissants (télécom ou OTT) aux dimensions du continent, contrairement à la Chine (TENCENT, BAIDU, CHINA MOBILE…).
- L’attitude de l’autorité règlementaire vis-à-vis d’Orange se traduit par une multiplicité d’obstacles, de freins, voire de menaces, plus ou moins importants au développement de l’activité et à sa profitabilité,
3. Les nouvelles sources de valeur articulées autour de réseaux/relation client (nouveaux services, nouvelles offres, nouveaux contenus, nouvelles activités), requièrent des efforts de mise en œuvre importants
4. Un environnement mondial qui reste porteur de menaces et de ruptures :
- Les marchés convoités par Orange le sont par d’autres acteurs, étrangers au monde des télécoms, avec des moyens engagés importants.
- Orange n’indique pas renforcer sa R&D ni même réaliser d’autres opérations de croissance externe, alors que ce sont les modes de croissance des OTT, basés sur la diversification et plus récemment sur un retour à des formes d’intégration verticale.
Pour le cabinet SÉCAFI un risque social à trois niveaux menace la bonne exécution des choix stratégiques annoncés :
La volonté de préserver la profitabilité du Groupe et une certaine capacité d’investissement, ont suscité une politique volontariste d’économies : restructuration continue du réseau physique de distribution, nouveaux plans d’optimisation des organisations et baisse très sensible du nombre d’emplois ; pour autant :
1 Rien n’indique que la transformation numérique générera des gains de productivité correspondant à la baisse des effectifs.
2 Les situations de sous-effectifs risquent de freiner l’accomplissement des projets de transformation de l’offre en général.
3 L’intégration de 7 000 salariés n’est pas le moindre des défis pour un Groupe en pleine transformation, d’autant que le besoin d’intégration sera peut-être supérieur à 7 000. De fait, au bout de 18 mois en moyenne la moitié des personnes embauchées en CDI ne sont plus dans l’entreprise.
Conclusion :
La Commission Économique considère que les quatre à cinq années à venir présentent un risque social important :
- Toutes les contraintes reposent sur les personnels
- La transformation numérique des organisations de travail surestime les gains de productivité censés absorber la baisse des effectifs.
La Commission Économique demande entre autre que les fonctions-clés du déploiement de la Fibre (architecture du réseau, pilotage du déploiement, gestion technique réseau, gestion technique client…) soient internalisées, en favorisant la mixité des compétences entre Fibre et Cuivre, de telle sorte que le Groupe acquière la maîtrise de son réseau fibré sans perdre la maîtrise du réseau cuivre ; et qu’une réserve d’emplois, qui permettrait de « mettre de l’huile dans les rouages », soit constituée.
Par exemple, pour que le discours de l’ « Expérience Client incomparable » ne reste pas au stade de slogan, Orange doit calculer les besoins d’emplois au niveau des unités en intégrant un « coefficient d’intégration du changement » qui tienne compte de la charge courante et des évolutions à intégrer individuellement, à son poste de travail, au niveau d’une équipe, d’un projet… ce qui permettrait de redonner de la marge de manœuvre professionnelle aux personnels.
Analyse de la CFE-CGC
On peut considérer, au vu de la situation actuelle et des clignotants qui peu à peu se mettent au vert, qu’économiquement l’Entreprise va mieux sinon bien…
Socialement c’est autre chose lorsqu’on considère le volume des départs donc des suppressions d’effectifs et notre rôle bien évidemment est de se préoccuper du fait que lorsqu’une entreprise va mieux, il ne s’agit pas que ça soit une résultante du fait que ses salariés vont moins bien.
Par ailleurs, toutes ces considérations stratégiques peuvent assez rapidement buter sur le fait que les différents scénarios de consolidation de l’éco-système des télécoms risquent de buter un jour sur un scénario qui pourrait être celui de la vente de la part de l’État au sein d’Orange, par exemple à M. Bolloré, comme on a pu le lire dans la presse, en échange d’une participation ou d’une prise de contrôle de Canal+ et/ou de la part que possède M. Bolloré dans Telecom Italia.
En fonction de la concrétisation ou pas de ce schéma, ou d’autres, les modèles tenant à la stratégie de notre Entreprise seront susceptibles d’être impactés de façon importante, voire radicale.