Quand Ancrage à l'Ouest devient l'anagramme de carnage !
Rédigé par Vos Elus CFE CGC DOGO le . Publié dans DO-Grand-Ouest.
En cette rentrée, la CFE-CGC DOGO vous propose un décodage que vous ne trouverez peut-être nulle part ailleurs ! En effet, vous le constaterez, notre point de vue est hélas très éloigné de la vision idyllique décrite par nos dirigeants…
Le diagnostic de la situation
Chaque année, les chiffres le démontrent : nous constatons une désertification des régions. Avec la disparition programmée du maillage territorial, en trois ans, la région Grand Ouest perd plus d’un salarié sur 8. Ainsi, les estimations de ressources en 2025 font état, pour le périmètre DOGO, d’un besoin prévisionnel estimé à 3900 équivalents temps plein là où nous en comptabilisions encore 4800 en 2022.
A défaut d’avoir des idées pour dynamiser l’emploi dans notre région, notre entreprise se contente de gérer de la décroissance d’activité !
Le personnel, non concerné par les fins de carrière anticipées (Temps Partiel Senior = TPS), assiste avec désolation à cette baisse de la force au travail constatée partout sur notre territoire.
Un TPS qui n’est pas sans impact :
Pour les managers, il devient de plus en plus compliqué de parvenir à réguler la charge de travail des équipes restantes. Alors qu’en parallèle les revenus des hauts dirigeants augmentent toujours plus, le bon sens voudrait que l’équation des flux des départs et des entrées soit davantage régulée.
Prioriser l’allocation de ressources pour réduire les délais de production ?
Actuellement, un client Entreprises peut être fibré au bout de plusieurs centaines de jours (entre 6 et 8 mois très exactement pour une simple demande de FFTO). Par ailleurs, l’encours des commandes des clients internationaux, dits grands comptes, n’a jamais été aussi élevé avec des stocks toujours plus importants. Quelle réponse est apportée en interne ? Et bien : on appuie sur l’accélérateur des départs du Groupe alors qu’il faudrait prioritairement raccorder pour disposer de nouveaux gisements de chiffre d’affaires.
La boussole du client n’est même plus respectée : le regard de nos dirigeants est porté au mauvais endroit, c’est-à-dire exclusivement sur le pilotage de la masse salariale.
Des gains de productivité sous exploités
L’emploi pourrait être stimulé par des gains de productivité, mais notre quête de l’efficacité opérationnelle est en panne. Par exemple, sur le marché Entreprises le programme DELIVERY est au point mort depuis sa création en 2012. A date, nous constatons toujours 47% de RDV non respectés. Le plan de progrès 807 récemment mis en place, parviendra-t-il enfin à améliorer les délais de raccordement et la satisfaction clients ? Sur le marché grand public, la stratégie visant à faire « bien du premier coup » ne réussit que dans 64% tandis que la valeur de notre DELTA SAT stagne, contrairement à celle des opérateurs concurrents. La stratégie de différentiation « premium » n’est pas démontrée.
Face à la disparition du socle historique des télécoms, les relations avec les opérateurs tiers se complexifient, affaiblissant chaque jour un peu plus Orange. Une certitude cependant : vider la maison mère de ses salariés et de son expertise ne saurait être la solution. En misant sur l’externalisation et la gestion de la décroissance, bref de tout liquider en interne, notre belle entreprise risque de se transformer peu à peu en une coquille vide, dirigée par une multitude de hauts responsables déconnectés du terrain.
Peut-être qu’un jour, ces derniers ouvriront réellement les yeux ? A force de marcher sous la pluie, « passer entre les gouttes », ne dure qu’un temps.
Et dans la branche TELECOM : Regardons autour de nous !
L’exemple FREE
Sortons du cadre de la pensée unique et regardons autour de nous : notre principal concurrent fait le choix exactement inverse et créée en 2023 FREE PROXY. Cette organisation du travail déjà présente sur 22 villes du territoire Grand Ouest vise à mettre autour de la table toutes les compétences pour apporter une réponse au client sous 48h. C’est une organisation avec une très forte autonomie, en circuit court.
Tiens, tiens pendant ce temps-là, sur une majorité de bassins d’emploi, certains métiers tels que téléconseillers et techniciens SAV chez Orange disparaissent peu à peu en interne au profit d’une externalisation.
Une stratégie paradoxale dans la gestion des effectifs
La masse salariale de la branche TELECOM continue de croître, malgré la réduction massive des effectifs chez Orange qui représente pourtant la moitié du secteur. Autre indicateur qui ne trompe pas : en interne, nous investissons dans la formation en mobilisant nos meilleurs salariés pour transmettre leur expertise aux apprentis. Cependant, ces jeunes talents ne se voient pas offrir de CDI, ce qui contraste fortement avec la dynamique de recrutement chez nos concurrents.
En effet, lors des réunions de branche nous constatons que les concurrents directs, comme Bouygues, embauchent massivement sur les postes de Technicien(ne) Service Client et Conseiller(e) Client Entreprise, postes que nous supprimons par milliers chez Orange. Bizarre, non ? Cette incohérence est frappante.
Ailleurs, les dispositifs de formation et de reconversion sont bien plus aboutis. Ainsi, le service clients de Bouygues, reconnu pour sa qualité en croissance constante, propose par exemple à ses alternants, une embauche dès le début de la formation.
Ce que les salariés vont devenir à moyen terme ? : « on s’en moque ! »
Autrefois, Orange savait dynamiser les villes moyennes. Ainsi, nous avons connu la création de centres de compétences mutualisés : Lorient/Lanester était l’atelier central pour la conception des centraux téléphoniques, Orléans/Fleury s’occupait de l’impression des factures, Lannion était le berceau des transmissions, le Finistère et la Vendée étaient réputés pour l’atterrissage de câbles sous-marins transcontinentaux, le climat tempéré de l’agglo de Rouen a abrité un datacenter de dernière génération à Val de Reuil.
Comme nous l’indique un commercial de la Manche : « Il est difficile pour les salariés situés en dehors des grandes villes comme Nantes et Rennes d’avoir avenir clair au sein de notre Groupe ? ».
L’absence de stratégie claire et de produits ou services réellement innovants, laisse dans le flou la question des compétences requises localement. L’introduction d’événements tels que le « Perspective Tour » pour discuter de la dynamique d’emploi reste peu convaincante et ne fait que masquer un manque de vision stratégique.
A ce sujet, un autre collègue demeure très dubitatif sur de tels shows en région et ajoute avec une grande ironie : « Les salariés ne devraient pas avoir besoin de s’équiper d’un décodeur, ils ont juste besoin d’y voir clair sur le déroulement de leur propre carrière. »
Le parallèle avec Boeing
Ou les dangers d’une stratégie axée sur les coûts !
Alors qu’Orange se contente de gérer la décroissance et la baisse de ses activités historiques TELECOM au lieu de définir une stratégie industrielle, nos experts CFE-CGC Orange ont analysé à quoi peut conduire une stratégie de réduction des coûts dans le secteur de l’aéronautique.
Le cas de Boeing est édifiant. En cherchant à réduire ses couts à tout prix, l’avionneur a sacrifié la qualité et la fiabilité de ses avions, conduisant à une série d’accidents tragiques qui ont cloué au sol les 737 MAX. Cette approche destructrice s’est traduite par la sous-traitance de l’assemblage des pièces, la création de filiales pour maximiser les marges, la réduction du nombre de contrôles de sureté, et l’accélération des cadences de production, tout en ignorant les avertissements des partenaires sociaux.
Ce triste exemple doit nous alerter !
Au travers de cette étude de cas sur la stratégie de l’avionneur et de ses conséquences très nombreuses, souhaitons-nous demain être dans un tel niveau de difficulté ? Voulons-nous notamment :
- Une perte de confiance avec nos clients ?
- Une marque synonyme d’insécurité ?
- Un carnet de commandes au plus bas ?
- Un titre boursier en chute libre ?
Les ressemblances entre Boeing et des situations existantes dans notre Groupe ne sont pas fortuites. Le personnel d’Orange est de moins en moins convaincu de la pertinence de la stratégie actuelle.
Le discours convenu de grands chefs qui pilotent l’externalisation n’as plus autant de prise au sein des collaborateurs.
Le baromètre VOICE UP est révélateur :
Au regard des résultats du dernier baromètre social, paru en mai 2024 : « nous avons confiance dans les décisions prises par les dirigeants », seulement 39% de nos collègues DOGO émettent un « OUI » sans équivoque.
Si l’ambiance au sein de l’entreprise se dégrade peu à peu, comment nos salariés peuvent-ils rester impliqués, au travers de leurs expertises, dans les opérations et dans les projets, au quotidien ? La valeur capitalistique se construit aussi, au travers de « la valeur ajoutée » apportée par les salariés, c’est-à-dire leur engagement pour satisfaire les clients.
Un salarié fonction transverse basé à Rouen, semble tellement pertinent dans son constat : « On essaie de nous vendre la pertinence d’une stratégie industrielle …. Qui n’existe pas ! » « Par le passé, n’avons-nous pas souvent entendu qu’il ne pouvait pas y avoir de performance économique sans performance sociale ? … mais l’inverse est tout aussi vrai ! »
La financiarisation à l’extrême : une stratégie à court terme qui échoue
Un dividende élevé, c’est le marqueur d’une absence de projet :
Nos actionnaires ne sont pas dupes, ils savent bien que nos dirigeants sont en panne d’idées... Ainsi, pour continuer à séduire les marchés (qui ne croient pas en notre stratégie), Orange est obligé de surrémunérer ses actionnaires. Ce faisant, notre capacité d’investissement est totalement anéantie !
Il nous est devenu impossible d’envisager une diversification sur des relais de croissance innovants, de consolider des segments en rachetant des concurrents, ou encore de disposer d’infrastructures nouvelles. On comprend pourquoi FREE, qui veut devenir le leader européen de l’IA, est sorti de la bourse.
Autre exemple, toujours en France avec ALSTOM. Pour rester un fleuron, ce dernier décide de faire une pause dans le reversement des dividendes à ses actionnaires. Pendant ce temps, Orange offre l’une des meilleures performances du CAC 40, avec un rendement de l’action qui nous classe en 5ième position (site Boursorama).
Un cours de bourse qui ne décolle pas !
Au cours de mois passés, les périodes de (petite) hausse du cours de l’action sont toujours provoquées à la suite d’annonces ou de mesures à court-terme mais jamais sur une vision stratégique : rumeurs de plans sociaux, hausse du dividende. Pour servir les enjeux financiers, l’emploi sert de variable d’ajustement. La disparition programmée des AD au profit des Boutiques Orange Store en est l’illustration.
Avec un modèle holding/filiale, le pilotage de la satisfaction clients n’en sera que complexifié et la structure de tête ne pèsera plus dans les décisions tant son socle de compétences TELECOM traditionnel que sont les DO sera anéanti. En fait le seul projet à peu près lisible de l’entreprise est de réduire sa masse salariale. Mais un tel projet ne peut conduire à garder une motivation au sein des équipes.
Une collègue technicienne approuve cette vision du risque et demeure très perplexe : « L’engagement individuel et collectif s’amenuise à la fois, ce qui provoque un peu plus une baisse de la productivité. A mon sens, c’est une autre spirale infernale qu’il faut surveiller de très près. »
CFE-CGC Orange, ne va pas s’accommoder de cette triste réalité… la combinaison liquidation des activités historiques / boursicotage approximatif / destruction des emplois sera un triptyque que nous dénoncerons avec la dernière de nos énergies.
2023 est assurément un point de bascule
Les effectifs externes et précaires (soit 4487 équivalents temps plein =ETP) sont équivalents à nos emplois internes (4567 ETP). Dans le Grand Ouest, cette allocation des emplois est totalement inédite dans l’histoire de notre entreprise !
Nous pouvons l’affirmer « Orange est de moins en moins là »
LA CFE-CGC ORANGE REVENDIQUE
- Un haut niveau de performance sociale, car seuls des personnels correctement traités peuvent produire de la performance économique et environnementale
- Un renforcement de l’actionnariat salariés, pour appuyer la construction d’un avenir d’Orange privilégiant le développement humain et le bon sens.
- Une réduction du dividende pour retrouver une vraie stratégie industrielle : actuellement, la totalité de la richesse que nous produisons collectivement est reversée aux actionnaires sous forme de dividende.
- La volonté de redevenir une entreprise qui innove, une nécessité pour assurer notre futur et retrouver l’effet « waouh » sur de nouveaux produits ou services développés par Orange.
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