Parce que nous le valons bien …
Rédigé par Vos Elus DOGO CFE CGC le . Publié dans DO-Grand-Ouest.
Je faisais encore récemment partie de ces femmes qui pensaient que l'égalité se gagnait par l’exemplarité. Démontrer que l’on peut tout mener de front : les grossesses, l’éducation des enfants et des postes à responsabilité avec des amplitudes de travail très importantes.
Mais l’égalité parfaite est un vœu pieux car égaux nous ne le sommes pas et nous ne serons jamais complètement.
Dans le Rapport annuel de situation comparée femmes / hommes d’Orange SA, et uniquement dans celui-ci, il y a un chapitre santé très succinct. Dans l'accord égalité professionnelle, nous sommes amenés à évoquer la parentalité et la vie sexuelle et reproductive, un peu. Pourtant cette question est cruciale. Si les jeunes générations d'époux et de pères sont heureusement plus investies dans la sphère familiale, la prise de conscience de l'impact de la vie sexuelle et reproductive de la femme sur sa vie professionnelle ne progresse guère et l’actualité internationale nous prouve que rien n’est jamais acquis dans ce domaine.
Lorsque les hommes peuvent être quasi uniquement concentrés à leur tâche, une femme sera lestée de sa condition de femme toute sa vie professionnelle durant. Lestée physiquement, mentalement mais aussi financièrement.
Chaque mois pendant 3 à 5 jours la fatigue et la douleur parfois, la gestion de la contraception, la plupart du temps seule, avec l’épée de Damoclès de l’avortement en catimini, les possibles fausses couches en silence, les grossesses bien sûr, plus ou moins sereines, et l’allaitement parfois. Et puis, le temps partiel, forcément, car entre le coût de la garde d'enfants, l'indemnité CAF et 20% du salaire, le calcul est vite fait. Et surtout, les rendez-vous chez le pédiatre, l'orthophoniste, le dentiste ou l'allergologue, les conduites aux activités ou aux anniversaires ne sont plus compatibles avec une activité à plein temps. Mais nous, les mères, avons l’illusion de penser que c’est avant tout pour profiter de nos enfants.
Côté professionnel nous assurons aussi.
Les managers qui sont mères font en 4 jours ce que leurs homologues font en 5 avec, bien sûr, 20% de rabais sur la feuille de paie à la fin du mois.
Les années passent, les enfants grandissent, quittent le nid, et après un coup de blues presque inévitable, la charge mentale diminue fortement…enfin ! Nous pouvons réinvestir plus intensément le travail mais malheureusement cela coïncide aussi avec un âge où nous sommes moins « bankables » et puis c'est sans compter l’arrivée de la ménopause, ses bouffées de chaleur et ses nuits hachées, encore... Et bien sûr, les parents vieillissent et qui mieux qu’une fille pour les accompagner et assurer la logistique ?
N'oublions pas non plus toutes ces tâches qui, selon le principe des vases communicants, chargent l’emploi du temps tout en allégeant le portefeuille : le coiffeur, l’esthéticienne, les achats vestimentaires… L’importance de notre apparence physique est encore un sujet : être ni trop, ni pas assez.
Là aussi les mentalités évoluent mais j’entends encore trop souvent des remarques peu bienveillantes sur l’apparence des femmes bien plus que sur celle des hommes.
Alors certes nous ne pourrons jamais partager nos menstruations, nos grossesses, l'allaitement, la ménopause avec les hommes. Mais chacun peut agir pour que ces sujets deviennent naturels et non plus tabous. Que chacun prenne la mesure de cette charge mentale conséquente qui est celle de leurs collègues femmes, leur mère ou leur compagne.
Que l’on soit homme ou femme, employé(e), manager ou membre de direction, chacun doit contribuer à l’évolution du regard sur ces problématiques. Il est urgent de bien intégrer ces spécificités féminines et les risques associés.
Au-delà des initiatives qui seront négociées dans le futur accord égalité professionnelle, équilibre vie privée / vie professionnelle et lutte contre les discriminations (qui trop embrasse mal étreint) peut-être faudrait-il parler d’équité plutôt que d’égalité. C’est-à-dire viser une égalité de droit mais en tenant compte des inégalités de fait.
J’ai par ailleurs du mal à comprendre la frilosité des Ressources Humaines à travailler l'analyse genrée des Documents Uniques d’Evaluation des Risques Professionnels et la prévention des Risques Psycho-Sociaux (RPS). Secret médical oblige, nous n’avons pas de statistiques sur les burn-out et épuisements psychiques mais en avons-nous vraiment besoin pour reconnaître que c’est un vrai problème de société, chez Orange et ailleurs, et qu’il faut tout mettre en œuvre pour prévenir ces atteintes à la santé mentale des salariés ? Un burn-out est d’une très grande violence. Il met en pause brutale le travail pendant de longs mois mais ses conséquences ne se limitent pas à la sphère professionnelle.
Et même avec les meilleures prises en charge médicales, il laisse des séquelles durables : troubles mnésiques, confiance en soi, sentiment de culpabilité. Sans compter la peur du regard des autres, d’être définitivement classé dans la catégorie des « fragiles » et par conséquent d’obérer ses opportunités d’évolution professionnelle.
Dans un podcast sur France Culture, un certain Bruno Mettling évoque le paradoxe des employeurs. Ils s'accordent tous à reconnaître que la santé et la performance se jouent dans la prévention primaire mais ils investissent surtout dans la prévention tertiaire.
Des ateliers de gestion du stress plutôt qu’un vrai travail amont sur la mesure de la charge de travail.
L'entreprise serait la première bénéficiaire si elle prévenait ces risques auxquels sont encore plus exposées les femmes pour toutes les raisons précédemment évoquées. Revendiquer une excellente qualité de vie et conditions de travail avec un bon équilibre vie privée / vie professionnelle serait en outre un vrai avantage concurrentiel pour recruter les rares femmes au profil innovation / tech que nous recherchons.
Alors soyons audacieux, responsables et attentionnés en investissant enfin ce chantier de la prévention des risques psychosociaux. Transformons l’essai pour en faire un cercle vertueux, au bénéfice de tous, salariés, managers et direction.
Pour finir, il est indispensable que les hommes investissent aussi le sujet de l’égalité professionnelle. L’équilibre vie privée / vie professionnelle nous concerne tous et tout ce qui améliore la santé et les conditions de travail des femmes profite aussi directement ou indirectement à celles des hommes. Le combat de l’équité ne se gagnera pas sans les hommes.
Laurence Le Bott
Présidente de la commission égalité professionnelle CSEC
Membre de la commission égalité professionnelle CSEE DOGO
Membre de la CSSCT DOGO Etat-Major