Le Don, une lecture de la coopération en entreprise - Message posté sur le Blog de Stéphane Richard
Rédigé par Pascal Courtin le . Publié dans Emploi Métiers.
"Bonjour à tous les visiteurs de ce blog, et à vous-même, Monsieur le Directeur Général.
Le terme de co-construction employé depuis quelques mois dans les pages de l'intranet et par certains dirigeants de l'entreprise est porteur d'espoirs. Il s'agit bien d'une philosophie appliquée à la gouvernance d'entreprise qui semble émerger, notamment au travers de votre reprise de la célèbre citation de Marc Aurèle. "La douceur est invincible", certes, mais elle se doit, pour respecter l'éthique prônée par cet empereur Romain, d'être sincère. Elle doit s'affranchir de toute attitude biaisée, manipulatrice ou déloyale.
Ne vous méprenez pas, il ne s'agit pas dans mon propos de sous-entendre que vous puissiez ne pas être sincère ou loyal. Il s'agit au contraire d'espérer que vous saurez communiquer rapidement à l'ensemble des acteurs du dialogue social, comme aux autres dirigeants de France Telecom Orange, cette conviction que la voie de la coopération raisonnée, loin de verser dans la cogestion ou l'accompagnement résigné, peut être une source de développement pour le collectif que constitue l'entreprise.
A toutes fins utiles, et pour alimenter une réflexion commune aux dirigeants, acteurs du dialogue social et salariés du Groupe, je renverrai à la lecture de cet ouvrage : Norbert Alter "Donner et prendre. La coopération en entreprise".
Le lien suivant permettra d'en connaître plus.
http://www.journaldumauss.net/spip.php?article509&var recherche=norbert%20alter "
Pour information, Norbert Alter tenait une table ronde au siège de la CFE-CGC, 59 rue du Rocher à Paris, le 21 septembre dernier.
Sur la question de la terminologie "co-construction", bien qu'universitaire de renom et ancien sociologue à France Telecom, il déclare que "la co-construction n'est pas un concept défini"... "La coopération ne doit pas générer plus de contraintes qu'elle n'apporte de solutions"..."Les nouvelles règles élaborées actuellement par l'entreprise, écrites, évolueront-elles vers de nouvelles normes reconnues, non écrites ?"..."Il faut autoriser l'existence de pratiques relationnelles autrefois reconnues, et pour cela évaluer où se niche le lien social"... "Le risque, c'est de voir se mettre en place un 'chef de département Lien Social', ce ne serait pas une bonne idée..."
Dans son ouvrage édité en 2009, Norbert Alter définit la recherche de la compétence collective, le renforcement du lien social, par le don et le contre don. Les informations échangées de façon informelles par les collègues, le temps passé ensemble à la machine à café, les tâches réalisées en dehors des procédures, le temps passé au travail au delà des heures de service, autant de dons réalisés par les salariés. L'entreprise, au lieu de les considérer comme des richesses gratuites, de les reconnaître, les traîte comme des handicaps. Au lieu de reconnaître ce "cadeau", elle fait tout pour interdire le lien social, ou pour le contrôler, l'encadrer.
Conséquence, le salarié développe des attitudes d'opposition, de retrait, se retrouve sujet à de l'anxiété, voire "plus"... La sur-rémunération de certains dirigeants peut aller, selon Norbert Alter, jusqu'à dégoûter ceux qui voudraient s'investir dans le don. Il en déduit un risque de violence contre soi, à terme une violence qui peut se retourner.