.... Evitons le polémiques statistiques - Miroir Social
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Enjeux et tabous de la prévention des risques psychosociaux
Olivier Babeau, professeur à Paris-Dauphine, spécialisé dans la sociologie des organisations, a publié dans Les Échos du 3 mai, une tribune-choc intitulée « Non, France Télécom n'est pas une machine à tuer ». Cet universitaire s'attaque avec fougue à « l'irrationalité d'un mouvement de vindicte populaire à l'encontre d'une société (et d'une seule) ». Il entend « stigmatiser » cette attitude. Sur le sujet très sensible d'une éventuelle surmortalité suicidaire dans le groupe France télécom, Olivier Babeau conteste sur un ton particulièrement vif, des « jugements excessifs », évoquant des « déformations » ou des « caricatures ».
Il appelle néanmoins à une « réflexion dépassionnée ». Suivons-le sur ce chemin.
L'essentiel de l'argumentaire de cet universitaire est basé sur un rapport de 2010 de l'Institut de veille sanitaire, estimant à 16 pour 100 000 le taux de suicide moyen des salariés français en 2006, contre 19 en moyenne chez France Télécom, dans les années 2008 à 2010...
...Olivier Babeau a raison, « France-Télécom n'est pas une machine à tuer » ! La situation s'y améliore et le décompte macabre ne doit pas servir de raccourci émotionnel. Toutefois, quatre éléments doivent être pris en compte et relativisent la « banalisation » proposée par Olivier Babeau....
...Chez France Télécom comme ailleurs, le suicide a longtemps été perçu par la communauté du travail, comme un « drame privé », attribué le plus souvent par les collectifs de travail eux-mêmes comme résultante funeste de difficultés psychologiques, sentimentales, financières ou de santé. Aujourd'hui, la perception a changé et, à tort ou à raison, le travail, son organisation et ses modalités sont spontanément et largement données comme l'une des causes principales des actes désespérés. Cette modification de la perception collective, aussi subjective soit-elle, doit faire s'interroger chercheurs et universitaires....
....Ces différents éléments, parmi d'autres, montrent que les suicides liés au travail restent encore largement terra incognita. Pour éviter les pièges des dérapages d'une comptabilité funèbre ou les surenchères émotionnelles sur un sujet éminemment sensible, la publication de statistiques objectives, précises et détaillées permettrait d'apprécier plus finement le phénomène en entreprise et surtout de bâtir les modes de prévention nécessaires. De ce point de vue, on ne peut qu'approuver l'initiative de la création d'un « observatoire des suicides », souhaité par des chercheurs et spécialistes de la santé au travail .
Extrait : Miroir Social - Pierre Morville - 12 mai 2011