Le label Top Employeur 2012, des partenaires complaisants.
Rédigé par CIT Eco et A.M Minella le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
En février 2012, la Direction de France Télécom – Orange fait largement savoir qu’elle se voit décerner le label « Top Employeur » 2012 pour sa politique de ressources humaines en France. Renseignements pris par la CFE CGC-UNSA, il s’agit d’une certification délivrée aux seules entreprises qui la paient, au tarif de 8 500 euros par an, pour un engagement sur trois ans. Les réponses au questionnaire sont faites par la Direction des ressources humaines elle-même ; on imagine facilement qu’elle évitera de s’y discréditer. Enfin, le label, valable trois ans, lui avait déjà été décerné en 2009, au pic de la crise sociale et des suicides dans l’entreprise.
L’égalité femmes-hommes : un retour sur investissement
En juin 2011, France Télécom obtenait le premier label européen pour l’égalité professionnelle. Le prix, remis avec une certaine pompe au parlement européen à Bruxelles, était attribué à six groupes internationaux.
Cependant, on apprend sur le site de l’association Arborus créatrice du label, que le 8 avril 2010, ces mêmes entreprises « ont lancé le premier fonds de dotation pour l’égalité professionnelle en Europe. Et que la première réalisation concrète de ce fonds est la création du “Gender Equality-European Standard” ou label européen pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
Autrement dit, les entreprises qui sont les premières à bénéficier du label ont financé sa mise en place. De plus, un fonds de dotation est un outil de financement qui permet aux entreprises de verser des sommes destinées à un projet d'intérêt général avec un dispositif fiscal attractif : une réduction d’impôts de 60% du montant versé. C’est donc un coup double pour les six sociétés en question.
Le label Responsabilité sociale pour les centres d’appels
En 2009, France Télécom avait aussi reçu le label de Responsabilité sociale pour ses centres d’appel (1014 et autres numéros d’assistance ou de renseignements). Ce qui avait immédiatement suscité la réaction de deux syndicats, la CFE-CGC/UNSA et SUD, qui dénonçaient depuis des années les conditions de travail dans ces centres : précarité, management humiliant, écoutes et contrôles permanents, objectifs inatteignables, qui font du métier de téléconseillers un des plus stressants. Une situation reconnue quelques mois plus tard par le cabinet d’expertise Technologia appelé à l’aide par la Direction d’Orange pour faire face à la crise sociale qui venait d’éclater.
Ce label a été créé par l’Association française de la relation clients (AFRC). Et visiblement, la tentation est grande de donner un petit coup de pouce à certains candidats. Sur quatre critères en particulier, une seule note inférieure à soixante devrait empêcher la labellisation. Dans un document qui aurait dû rester secret, la CFE-CGC/UNSA a pu vérifier que sur ces quatre items, la note attribuée à Orange était en dessous du seuil requis… ce qui ne l’a nullement empêchée d’obtenir le label !
Le rapport RSE : à géométrie variable
Le prix du meilleur rapport de responsabilité sociale d’entreprise(RSE) attribué au Groupe pour l’année 2010 manifeste lui aussi de sérieuses limites dans le crédit qu’on peut lui accorder.
En France, la loi NRE (Article 116 de la loi sur « les nouvelles régulations économiques » ) de 2001, renforcée par l’article 225 de la loi Grenelle 2 (2010-2011) et l’article 12 de la loi Warsmann, d’avril 2012) incite les entreprises d’une certaine taille à publier des informations sur leur RSE. Le Centre Français d’Information sur les Entreprises (CFIE) s’est donné pour vocation d’évaluer leurs rapports et de les classer.
Selon le magazine Alternatives Économiques (Poche n° 041 - novembre 2009), France Télécom avait déjà obtenu la 2e place de ce classement en 2008 ; or, sur le plan social, 2008 fait partie des années noires du plan NExT mis en place par D. Lombard. Il est vrai que le CFIE prend la précaution d’avertir que son étude « n’a pas pour objet la véracité des informations sociales et environnementales [...] mais bien d’apprécier la transparence et la présence de ces données dans les rapports annuels. ». Autrement dit, le rapport ne garantit pas la réalité des faits dans l’entreprise.
Pour présenter leurs informations, les multinationales tendent à se conformer à des référentiels internationaux comme le GRI (Global Reporting Initiative. Référentiel privé). Mais si l’on étudie les deux derniers rapports de France Télécom – Orange sur 2010 et 2011, tous les indicateurs sociaux de ce référentiel n’y figurent pas : il manque 6 indicateurs sur 14 dans le rapport 2010, et 8 dans le rapport 2011. L’entreprise a fait une sélection sans en donner les raisons. On peut imaginer que le rapport s’améliorera dans les années à venir ; mais on comprend mal, compte tenu de son histoire récente, que la société n’ait pas d’éléments à communiquer sur des programmes de prévention des maladies graves comme le stress (indicateur 8), ni sur les accords signés dans le domaine de la santé (9), au moins en France.
Quant aux salaires de base des femmes et des hommes, (14), ils n’y figurent pas non plus. Et pour cause, c’est un élément « sensible » qui peut facilement prouver que l’inégalité de traitement perdure dans les entreprises, en dépit des labels obtenus par ailleurs. L’entreprise sélectionne ses propres indicateurs et ses objectifs, d’une année sur l’autre. Et il est difficile de s’y retrouver dans l’inflation rédactionnelle qui caractérise ses rapports RSE.
Fondamentalement, on s’étonne qu’un document qui a pour objectif de répondre aux attentes de tous les acteurs qui contribuent à la bonne marche de l’entreprise, soit sous la seule responsabilité des dirigeants, et que, dans le domaine social en particulier, ils ne jugent pas nécessaire de consulter les représentants du personnel .
Dialogue ou monologue social ?
Les informations sur lesquelles l’entreprise communique largement sont donc à relativiser.
On est alors tenté d’aller chercher des preuves plus fiables dans des formes plus discrètes mais plus contraignantes du dialogue social : les instances de représentation du personnel et les négociations, telles qu’elles sont définies par le Code du travail. Mais les résultats peuvent là aussi s’avérer décevants.