Secteur des télécoms : changement de cap de l’État.
Rédigé par Hélène MARCY le . Publié dans Communiqués de Presse.
Secteur des télécoms : changement de cap de l’État.
Ira-t-il jusqu’à la suspension du dividende d’Orange ?
La période des vœux est traditionnellement celle des bonnes résolutions. Les vœux du Ministère du redressement productif, de l’Arcep (JL.Silicani – F.Pellerin), et de la Fédération Française des Télécoms ont mis en évidence les priorités du gouvernement pour le secteur des télécoms : emplois, relocalisations, investissements et mutualisation des réseaux pour accélérer la couverture du territoire en très haut débit. Le Ministre du redressement productif annonce sa volonté de reprendre en main l’organisation d’une politique industrielle des télécommunications françaises.
La CFE-CGC ne peut que s’en féliciter. Mais elle alerte sur la nécessité de suspendre le dividende versé par Orange, sous la pression de son actionnaire principal… l’État ! Dans le contexte économique et concurrentiel auquel notre entreprise est confrontée, c’est le seul moyen de trouver les moyens financiers nécessaires pour, simultanément, investir et préserver les emplois.
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CDP CFE-CGC Orange changement-de-cap-du-gouvernement 4fevrier2014.pdf
Les voeux d'Arnaud Montebourg à la Fédération Française des Télécoms
Voeux 2014 de la FFTélécoms : Discours de... par FFTelecoms
Fréquences contre emplois, relocalisations et investissements
En 2014, la bande des 700 Mhz sera libérée par l’audiovisuel pour être attribuée aux télécommunications mobiles. Pour l’allocation de ces nouvelles fréquences, appartenant au domaine public, Arnaud Montebourg a indiqué que l’État demanderait des contreparties, en emplois, en investissements - notamment dans les zones rurales et les petites villes, et en relocalisation des centres d’appels.
C’est ce que la CFE-CGC réclame depuis 2009, qu’elle a sans succès rappelé au précédent gouvernement en 2011. Nous ne pouvons que nous féliciter d’être enfin entendus.
S’agira-t-il de réelles obligations, ou d’engagements volontaires permettant aux opérateurs d’obtenir un meilleur score lors des enchères ? Cela ne semble pas encore déterminé. La CFE-CGC souhaite évidemment que l’emploi en France constitue un critère déterminant. Pour l’attribution des licences 4G, il était pondéré à 5% de la note globale affectée aux engagements des opérateurs pour l’obtention des licences. Tout le monde a pu constater que cela n’avait pas empêché la destruction de 12 500 emplois en 2013 dans le secteur des télécoms (équipementiers, centres d’appels et distribution spécialisée inclus).
Mutualisation, mais pas concentration
Lors des vœux de l’Arcep, Fleur Pellerin a clairement indiqué qu’il n’est pas question d’envisager une fusion entre opérateurs sur le marché français, arguant que cela générerait certainement des suppressions de postes. Dans le contexte actuel, c’est probable, et il vaut sans doute mieux rester prudent.
En revanche, l’Arcep campe sur ses positions dogmatiques et se félicite d’avoir créé un marché hyperconcurrentiel en introduisant le 4ème opérateur mobile… ce qui a généré une destruction d’emplois massive et rapide. Il semble seul à n’avoir pas compris qu’en temps de crise, le concept des « destructions créatrices » est dévastateur, et que ce n’était sûrement pas le bon moment pour introduire un 4ème acteur sur le marché français. Le mandat de Monsieur Silicani se terminant fin 2014, on ne peut qu’espérer un futur président plus clairvoyant !
Pour le moment, gouvernement et régulateur semblent d’accord pour privilégier la mutualisation des réseaux dans les zones peu denses en population, pour optimiser simultanément la couverture et les investissements, notamment en très haut débit. Le projet de Bouygues et SFR est donc regardé avec bienveillance.
« La concurrence, c’est l’absence de politique »
C’est devant les opérateurs de la Fédération Française des Télécoms qu’Arnaud Montebourg s’est montré le plus virulent. Au nom de sa légitimité démocratique, il revendique le pouvoir d’organiser la politique industrielle des télécommunications, marginalisant le rôle de l’Autorité de la concurrence et de l’Arcep, qui ont fait la pluie et le beau temps ces dernières années.
Sa volonté d’engager Orange et Free Mobile dès cette année dans la préparation de la fin du contrat d’itinérance sur la 3G (qui interviendra de plein droit en 2018, mais qui peut être interrompu dès 2016), montre une détermination à rétablir un peu de symétrie dans les conditions d’exercice de la concurrence. La CFE-CGC a suffisamment dénoncé en leur temps les conditions incroyablement favorables offertes à Free Mobile pour ne pas s’en féliciter. Il est vraisemblable que face à l’obligation d’accélérer ses déploiements et ses investissements, Free mettra la pédale douce sur la casse tarifaire… ou verra fuir ses clients si la couverture n’est pas au rendez-vous.
Pouvoir de sanction du régulateur restauré
Néanmoins, dès fin février, le régulateur verra son pouvoir de sanction restauré, par ordonnance gouvernementale. Il pourra notamment sanctionner « ex-ante » les opérateurs dont les déploiements ne suivraient pas une trajectoire conforme aux engagements de leurs licences.
L’Arcep veut également obliger les opérateurs à davantage de transparence dans leur communication, notamment sur les cartes de couvertures, trop peu précises à son goût.
Pourquoi pas, si cela permet de mieux faire la différence entre les opérateurs qui investissent vraiment dans leurs réseaux, et ceux qui se contenteraient de communiquer ? Reste à voir si le régulateur se dotera vraiment des moyens nécessaires pour faire les vérifications qui s’imposent : lors des premiers déploiements de Free Mobile, la CFE-CGC avait malheureusement constaté que les outils et la méthodologie n’étaient pas à la hauteur des enjeux !
L’État est-il prêt à s’engager aussi sur la baisse du dividende d’Orange ?
La CFE-CGC se félicite que l’État souhaite privilégier l’emploi, l’investissement et l’innovation dans les télécommunications françaises, et que deux des propositions que nous avons présentées au Ministère de Fleur Pellerin en novembre 2012 soient désormais à l’ordre du jour.
Cependant, alors que le contexte économique reste préoccupant, et que la concurrence continue d’être féroce sur le marché français, comment résoudre l’équation des emplois et de l’investissement, alors que le chiffre d’affaires et les marges des opérateurs, et notamment d’Orange, sont en net repli ?
Orange a détruit 3 500 emplois en 2013, et les perspectives des prochaines années sont encore plus alarmantes : les embauches auxquelles l’entreprise s’est engagée seront loin de couvrir les 30 000 départs prévus d’ici 2020 (essentiellement des départs en retraite).
Nombre d’économistes, et le gouvernement lui-même, s’insurgent contre le niveau exorbitant des dividendes versés par les grandes entreprises françaises en cette période de crise économique. A juste titre ! Pour faire redémarrer l’économie et l’emploi, intimement liés, il faut que tout l’argent disponible soit consacré à l’investissement, dans les ressources humaines comme dans les infrastructures ou l’innovation, et non versé aux actionnaires.
Il est plus que temps de suspendre le dividende versé par Orange sous la pression de son actionnaire principal, comme la CFE-CGC le réclame régulièrement… sans avoir été entendue jusqu’alors ! Il en va de la pérennité de notre entreprise… et par contrecoup, de la filière française des télécommunications, dont Orange reste le principal donneur d’ordres et le premier investisseur en valeur absolue.
Même si la période des vœux est terminée, nous formulons celui que Bercy entende enfin notre message de raison !