"Beaucoup de salariés d'Orange ne voient pas le sens stratégique d'un rachat de Bouygues Telecom"
Alors que les discussions se poursuivent entre Orange et Bouygues, Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC d'Orange craint que son groupe s'endette au détriment des salariés.
Capital.fr : Comment accueillez-vous l’éventuel rachat de Bouygues Telecom par Orange ?
Sébastien Crozier : La situation actuelle est d’abord la preuve de l’échec des politiques de droite et de gauche. Les prix sont descendus en dessous des niveaux de rentabilité. Ce qui a eu pour effet de détruire les capacités d’investissement des opérateurs. L’Etat et les régulateurs ont failli à leurs missions. En interne, beaucoup ne voient pas encore le sens stratégique du rapprochement. Pour certains, il valait mieux attendre qu’un des acteurs meure.
Capital.fr : Les discussions semblent achopper sur les modalités financières de l’acquisition. Quelle serait la meilleure solution selon vous ?
Sébastien Crozier : Les salariés peuvent accepter la concentration s’il n’y a pas de sortie de cash de la part d’Orange (NDLR: Orange ne paierait alors Bouygues qu’en actions). Comme c’était prévu dans le schéma initial. Mais si finalement il faut sortir du cash, cela va augmenter la dette de la société, qui le fera payer aux salariés in fine.
Capital.fr : Si Orange ne réalise l’acquisition qu’en actions, cela augmenterait le poids de Bouygues au capital au détriment de celui de l’Etat. Vous êtes prêt à l’accepter ?
Sébastien Crozier : Les personnels n’ont de toute façon plus confiance en l’Etat qui vend ses titres petit à petit, a laissé arriver la crise des suicides sans réagir aux alertes lancées par les organisations syndicales et impose des technocrates souvent sans expérience du monde de l'entreprise comme Ramon Fernandez (directeur général délégué) ou David Kessler (directeur général d’Orange Studio). Les dirigeants de Bouygues au moins ne sont pas des bureaucrates. Ils ont appris à vivre dans l’adversité.
Source : Capital.fr - 16 février - propos recueillis par Gilles Tanguy
