Fusion Orange / Bouygues Télécom, oui… mais sous conditions !
Rédigé par Hélène Marcy, Patrice Brunet, Sébastien Crozier le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
Fusion Orange / Bouygues Télécom, oui… mais sous conditions !
Sur la question d’un éventuel rapprochement entre Orange et Bouygues Télécom, la CFE-CGC Orange et l’ADEAS affichent une position plutôt favorable à l’opération… mais pas dans n’importe quelles conditions.
Le retour à 3 opérateurs : un retour à la raison
Dès l’annonce de l’arrivée d’un 4ème opérateur mobile en France, la CFE-CGC Orange et l’ADEAS se sont mobilisées afin d’alerter sur les risques majeurs, notamment pour l’emploi, que comportait cette application hasardeuse de l’idéologie de la concurrence.
Nous avions malheureusement vu juste : l’analyse des chiffres publiés par les acteurs et le régulateur des télécoms montre que depuis 2012 :
- plus de 7 000 emplois ont été détruits chez les seuls opérateurs, et ce chiffre est au moins doublé sur l’ensemble de la filière télécoms française ;
- le prix des communications mobiles (et seulement elles), a fortement chuté en 2012, entraînant une baisse massive des revenus, mais surtout des profits, qui n’ont jamais dépassé 8% du chiffre d’affaires, un recul contraint des investissements dans les infrastructures, et des politiques d’économies drastiques chez les opérateurs qui feront des dégâts sur le long terme.
Un retour à 3 opérateurs sur le marché français constitue donc un retour à la raison. Il est d’ailleurs à l’œuvre dans plusieurs pays d’Europe. Encore faut-il que quelques principes soient strictement respectés.
Préserver le personnel : notre priorité
Environ 7 500 salariés travaillent actuellement chez Bouygues Télécom. Chez Orange, près de 30 000 départs en retraite ou en Temps Partiel Seniors (TPS) sont prévus d’ici 2020 (22 900 équivalents temps plein de 2015 à 2019 inclus, dont plus de 10 000 pour les années 2016-2017).
L’intégration des personnels de Bouygues Télécom est donc réaliste. Plus jeunes que nous (40 ans d’âge moyen / 49 chez Orange), connaissant le métier d’opérateur, et implantés dans toute la France, leur accueil dans nos équipes nous paraît même souhaitable. La CFE-CGC Orange et l’ADEAS demandent pour ces personnels la négociation d’une garantie d’emploi au sein du Groupe Orange pour tous ceux qui le souhaiteront, y compris pour les équipes rattachées aux activités de Bouygues Télécom que les autorités de la concurrence pourraient nous contraindre à céder.
Nous serons également très attentifs à la gestion du recouvrement des métiers : les équipes d’Orange ne doivent pas se voir évincées de leurs légitimes prérogatives.
Une opération « socialement irréprochable », telle que promise par notre PDG dans les médias, ne peut se faire qu’à ces conditions.
Ne pas augmenter l’endettement d’Orange : une nécessité
Notre entreprise est déjà fortement endettée. Sans parler des 6 milliards d’euros d’obligations perpétuelles qui n’apparaissent pas en tant que dette… mais seulement grâce aux normes en vigueur pour l’affichage des comptes.
En parallèle, il est question d’acquérir pour 10 milliards d’euros (dont 8 en échanges de titres) - soit 2,5 fois son chiffre d'affaires et 2,5 fois le total de son bilan - une activité valorisée à 5,85 milliards d’euros dans les documents de référence de Bouygues, et aux résultats négatifs en 2014.
Ces données seront à analyser plus finement avec la valorisation des actifs de Bouygues Télécom dont les autorités de la concurrence demanderont la cession. Sont d’ores et déjà évoqués : tout ou partie du réseau mobile, 700 boutiques, l’activité sur le marché entreprise.
Mais quel que soit le prix final d’acquisition et le montage de l’opération, il ne serait pas acceptable qu’elle entraîne un accroissement de notre endettement.
Ne pas céder les actifs d’Orange : un impératif moral
Il n’est pas envisageable que des actifs actuellement propriété d’Orange soient cédés à des tiers dans le cadre de cette opération. Notre entreprise les a construits grâce au travail de ses collaborateurs : il n’est pas concevable qu’ils soient dépossédés de ce travail accompli depuis parfois 40 ans. La crise sociale a démontré l’attachement de notre personnel à son histoire.
Renforcer l’actionnariat salarié chez Orange : une sécurité indispensable
Le rapprochement avec Bouygues Télécom, s’il se réalise, bouleversera la structure de détention du capital d’Orange.
La part financière de l’État sera minorée, même s’il a indiqué vouloir conserver une part suffisante pour garder 3 sièges au Conseil d’Administration d’Orange, tandis que celle de la holding familiale de Bouygues sera substantielle (10 à 15 % ?)
Le doublement des droits de vote en Assemblée Générale pour les actionnaires détenant leurs actions au nominatif depuis 2 ans au moins s’appliquera dès 2016 chez Orange. Les personnels disposeront de près de 10% des droits de vote effectifs. Ce n’est pas suffisant pour garantir l’adoption des résolutions souhaitables pour l’entreprise. La situation de 2015, où les investisseurs étrangers ont fait échec au vote de résolutions dont la mise en œuvre serait utile dans le cadre du rapprochement avec Bouygues Télécom, pourrait se reproduire.
De longue date, la CFE-CGC Orange et l’ADEAS militent pour un renforcement de l’actionnariat salarié, au travers d’offres réservées aux personnels plus fréquentes et plus généreuses, à l’image de ce qui se pratique… chez Bouygues. Nous continuons de défendre cette position, pour que les personnels puissent maîtriser leur destin.
>>> À lire aussi : courrier CFE-CGC Orange et ADEAS au PDG d’Orange
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