La CFE-CGC dénonce les discriminations subies par les fonctionnaires - Réponse embarrassée d'Orange SA
Rédigé par Christian TRUONG NGOC le . Publié dans Conseil des Questions Statutaires d'Orange.
Partant du constat de l'habitude récurrente d'Orange SA de toujours choisir la mesure la moins favorable possible aux fonctionnaires (par exemples jours de carence, calcul de l'aide à la complémentaire santé des fonctionnaires, capital décès, etc.), le syndicat CFE-CGC d'Orange SA a pointé trois domaines où, de politique délibérée, Orange SA fait subir des discriminations en matière de rémunération aux fonctionnaires, parce qu'ils sont fonctionnaires.
Un récent décret ayant ouvert la possibilité d'action collective devant la juridiction administrative en matière notamment de discrimination, par le courrier ci dessous du 9 juin 2017, le syndicat CFE-CGC d'Orange SA a fait part de ses constats à Orange SA et lui a proposé d'ouvrir très rapidement des négociations à ces sujets (la négociation sur le contrat de groupe des fonctionnaires est en cours).
Objet : discrimination salariale entre salariés et fonctionnaires d’Orange SA
Monsieur le Directeur des Ressources Humaines d’Orange SA,
Lors des récentes réunions des Commissions de rémunération des comités d’établissements (CE), il a été exposé aux représentants du personnel que les SGB (salaires globaux de base) des salariés d’Orange SA étaient en moyenne supérieurs de 20 à 25 % aux SGB des fonctionnaires d’Orange SA. Ces écarts ressortent clairement des bilans égalité professionnelle des comités d’établissement (CE) d’Orange SA.
Par ailleurs, les primes de départ en retraite servies aux salariés (jusqu’à 60 % du SGB annuel), inexistantes pour les cadres fonctionnaires, sont très supérieures à la prime de fin de carrière des fonctionnaires non-cadres (environ 2439 €) jamais réévaluée depuis juillet 1999 (Décision n° 11/99 du 28 juillet 1999 du DRH de France Télécom).
Enfin, les fonctionnaires d’Orange sont les seuls « salariés » à ne pas disposer d’un contrat collectif de complémentaire santé et de prévoyance et l’indemnité spéciale provisoire de 37.50 € à titre d’aide à la complémentaire santé, créée sur proposition de la CFE-CGC, n’est pas au niveau de l’avantage consenti par Orange pour ses autres salariés.
Ces discriminations en matière de rémunérations se soldent en fin de carrière par un manque à gagner de l’ordre de 7 années de rémunération au détriment des fonctionnaires d’Orange SA par rapport à leurs collègues salariés de mêmes niveaux.
Nous vous saurions gré de bien vouloir premièrement exposer au syndicat CFE-CGC d’Orange SA les raisons qui ont conduit Orange SA à poursuivre cette politique de discrimination salariale entre salariés et fonctionnaires placés dans des situations d’emplois similaires, deuxièmement ouvrir d’urgence des négociations afin de prévoir le comblement de ces écarts et évaluer une juste indemnisation des préjudices subis, troisièmement mettre un terme à ce qui apparaît comme une discrimination contraire au principe « à travail égal, salaire égal » afin d’éviter l’inauguration par notre entreprise de la nouvelle possibilité d’action de groupe ouverte par le Décret n° 2017-888 du 6 mai 2017.
Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur des Ressources Humaines, les assurances de notre haute considération.
La réponse de M. Jérôme Barré enregistrée le 18 juillet 2017 est la suivante :
Syndicat CFE-CGC Orange
Monsieur Patrice SEURIN Délégué Syndical Central
Monsieur Christian TRUONG-NGOC Représentant Syndical au Conseil des Questions Statutaires
10/12, rue Saint-Amand 75 015 Paris
Paris, le 13 Juillet 2017
Messieurs,
Je fais suite à votre courrier du 9 juin relatif à la situation salariale des salariés et des fonctionnaires
d'Orange SA.
Vous faites référence aux bilans égalité professionnelle des comités d'établissement d'Orange SA afin
d'établir une comparaison salariale entre les salariés et les fonctionnaires .
Ces bilans présentent,depuis ces dernières années, des indicateurs de rémunération distinguant les statuts. Orange SA s'est en effet conformée à la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris (27 mars 2012) enjoignant l'entreprise à transmettre au CE VMF, un rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes qui comporte, s'agissant de la rémunération, une ventilation selon les statuts.
Suite à cette décision, Orange SA a étendu cette distinction à l'ensemble des CE.
A cet égard, je souhaite vous rappeler les attendus explicites du juge , à savoir que:
d'une part " pour apprécier l'égalité de traitement au regard de la rémunération au sein de l'établissement concerné entre les femmes et les hommes, il est pertinent de comparer les rémunérations en distinguant selon les fonctionnaires et les salariés de droit privé ,,
d'autre part " que cette distinction ne tend pas à établir une comparaison entre les statuts des fonctionnaires et des salariés de droit privé (...] mais à comparer les situations des femmes et des hommes.,,
L'utilisation faite par la CFE-CGC des données portant sur l'égalité professionnelle en comparant les statuts n'est ainsi pas conforme aux attendus du juge .
Par ailleurs, je vous rappelle que la rémunération des salariés et celle des fonctionnaires ne sont pas directement comparables du fait de cotisations et contributions sociales différentes . La comparaison que vous avez effectuée à l'appui des bilans égalité professionnelle n'est de ce fait aucunement valable sans un préalable technique consistant en un re-calcul théorique de la rémunération des fonctionnaires afin de la porter en « équivalence ,, de celle des salariés.
Plus généralement , les salariés et les fonctionnaires d'Orange bénéficient de la même politique de reconnaissance des compétences , de la performance , de partage de la valeur créée, d'épargne salariale, d'accès aux produits et services à des conditions préférentielles, d'aménagement de la fin de carrière ,.... Cette politique est définie et adaptée dans le respect des statuts qui s'imposent à l'entreprise, comme c'est le cas, par exemple, de l'indemnité légale attachée à la cessation du contrat de travail des salariés à l'occasion du départ en retraite, ou encore du calcul de la pension des fonctionnaires établie sur l'indice détenu durant les 6 derniers mois d'activité.
L'entreprise s'est engagée à plusieurs reprises auprès des pouvoirs publics dans le but de faire évoluer des dispositions législatives afin d'œuvrer dans le sens d'une politique RH intégrée, en particulier concernant les fonctionnaires. La possibilité de mettre en place un contrat collectif de couverture santé pour les fonctionnaires en est un exemple récent.
Comme vous le savez, une négociation avec les organisations syndicales représentatives est en cours. La direction d'Orange vise à ce que cette négociation aboutisse à un accord dont l'équilibre économique et social soit respectueux de l'équité pour l'ensemble du personnel.
Plus généralement, la Direction d'Orange s'est toujours refusée à opposer le personnel sur le critère du
statut, attitude qui ne saurait être que préjudiciable à l'intérêt commun.
Au contraire, la politique Ressources Humaines a, de façon continue, considéré l'ensemble du personnel comme une seule et même communauté de travail au service du développement de l'entreprise.
Pour ma part, j'entends poursuivre dans cette voie en privilégiant un dialogue constructif avec les
Organisations Syndicales.
Je vous prie de croire en l'expression de mes sincères salutations.
Cette réponse appelle de la part du syndicat CFE-CGC d'Orange SA les remarques suivantes :
Orange SA relève que les statistiques salariales sur lesquelles s’appuie le syndicat CFE-CGC n’avaient pas pour but de permettre la comparaison des salaires des salariés et de ceux des fonctionnaires.
Pour la CFE-CGC d’Orange SA, elles révèlent cependant une incontestable discrimination au détriment des fonctionnaires qui aurait très bien pu être évitée par Orange SA, dans des conditions tout à fait légales et réglementaires, en utilisant le complément salarial.
Ensuite, Orange SA rappelle que les rémunérations des salariés et fonctionnaires ne sont pas directement comparables du fait de cotisations et contributions sociales différentes.
A cet égard, le syndicat CFE-CGC d’Orange SA relève que les faibles charges pesant sur la rémunération des fonctionnaires ont dû être équilibrées suite à un recours juridictionnel d’un de nos concurrents par un versement par Orange SA à l’Etat d’une contrepartie pour les porter au niveau élevé payé pour des salariés.
L’article 30, 2°, c), de la Loi 90-568 du 2 juillet 1990 dispose que : « Le taux de contribution libératoire est calculé de manière à égaliser le niveau des charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales. »
L’argument d’Orange SA est donc doublement inopérant : les charges des fonctionnaires sont initialement plus faibles que celles des salariés et elles sont égalisées par détermination de la Loi.
Pour le syndicat CFE-CGC d’Orange SA, « égaliser » le niveau de charges sociales et fiscales ne veut pas seulement dire « augmenter » ce niveau, mais peut aussi vouloir dire « diminuer » ce niveau si Orange SA versait une contribution sociale supérieure pour ses fonctionnaires au titre par exemple du contrat de groupe pour la complémentaire santé ou d’un contrat de groupe pour la prévoyance d'une criante nécessité depuis la baisse du capital décès payé par l'employeur des fonctionnaires. Rappelons que ce capital décès à été réduit par Orange de un an de traitement brut à 13660 euros alors que les ayant droits des salariés d'Orange SA peuvent bénéficier d'une somme allant jusqu'à 7 fois la rémunération annuelle.
Enfin, Orange SA met encore en balance l’avantage de certains fonctionnaires de bénéficier du calcul de la pension sur l’indice détenu durant les 6 derniers mois d’activité et l’absence d’obligation légale d’Orange SA pour justifier l’absence ou la faiblesse de la prime de départ en retraite des fonctionnaires.
A cet égard, le syndicat CFE-CGC d’Orange SA constate que de très nombreux cadres partent sans aucune prime de départ en retraite et avec des conditions ayant l’effet d’une importante rétrogradation indiciaire, alors même qu’Orange SA a totalement la main pour améliorer la décision n° 11/99 du 28 juillet 1999 du DRH de France Télécom qui exclut les cadres de son bénéfice et qui n’a jamais été réévaluée depuis 18 ans.
Enfin, Orange SA prétend vouloir faire évoluer les lois en faveur d’une politique RH moins discriminatoire alors que le contrat de groupe des salariés date de 2001 et que l’entreprise a freiné des quatre fers pour empêcher que soit voté l’amendement proposé en 2011 par le syndicat CFE-CGC d’Orange SA rendant possible l’ouverture d’une négociation en vue d’un contrat de groupe au bénéfice des fonctionnaires.
A cet égard, le syndicat CFE-CGC d’Orange SA constate qu’Orange SA, qui dépense plus pour ses salariés que pour ses fonctionnaires en termes de salaires et de prime de départ en retraite, entend gagner sur tous les tableaux en limitant sa participation individuelle à la complémentaire santé des fonctionnaires au strict montant de celle qu’il verse déjà pour les salariés au titre de leur contrat de groupe.
L’équité revendiquée par Orange SA voudrait que l’entreprise applique l’esprit de la loi sur les contrats collectifs de complémentaire santé en contribuant sans discrimination à hauteur des besoins pour égaliser les conditions d’accès à la santé de tous ses agents salariés et fonctionnaires.
A ce stade, le syndicat CFE-CGC d'Orange SA invite tout le personnel d'Orange SA et leurs organisations syndicales à soutenir quotidiennement ces justes revendications auprès de tous les managers d'Orange SA.
Notre combat est juste et légitime et Orange SA le sait. Le choix est entre ses mains entre une solution globale négociée de compromis et à défaut un possible combat juridique jusqu'en Commission Européenne des Droits de l'Homme (qui soit dit en passant n'a strictement rien à voir avec l'Union européenne dont la Cour et le Tribunal sont pour le moins asociales).