LinkedIn muscle son journalisme taillé sur mesure
Rédigé par Hélène MARCY le . Publié dans Numérique.
Le réseau social de Microsoft emploie plus de cinquante journalistes au sein de son équipe éditoriale et veut continuer à recruter.
LinkedIn est bien déterminé à se faire une place dans le monde du journalisme. Le réseau social pour professionnels, racheté par Microsoft en 2016 , a doublé son équipe éditoriale en 2017- dont deux CDI en France -, et emploie aujourd'hui une cinquantaine de journalistes, répartis dans dix pays. Et une prochaine vague de recrutements se profile, assure le groupe.
Issus de grands médias comme « Reuters », « Harvard Business Review », ou encore « The Wall Street Journal », ces journalistes sont d'abord chargés de la curation des deux millions de contenus partagés quotidiennement sur le réseau social. « On essaye de faire remonter à la surface les publications qui ont le plus de pertinence pour nos membres, explique Isabelle Roughol, directrice adjointe de la rédaction internationale de LinkedIn.
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Cette approche rappelle une règle bien connue : pour développer l'audience, il faut des contenus de qualité. Elle invite aussi à une analyse des transformations opérées par l'avènement du numérique dans le domaine de la production d'informations... et peut-être à une réflexion plus large.
Il y a maintenant environ 15 ans, l'avènement du web ouvert et du "users content" (contenus créé par les internautes) a notamment fait les beaux jours des blogs, donnant l'occasion aux experts du fond de s'exprimer publiquement, de créer leur propre audience et d'échanger avec leurs lecteurs, dans des conversations parfois tout à fait passionnantes. Les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène, augmentant le nombre de contributeurs et de contenus partagés. Leur qualité est cependant devenue disparate : tout le monde n'est pas expert d'un sujet, ni un expert de la communication.
En parallèle, les journalistes, challengés par le développement du numérique et des supports conversationnels, ont été en partie évincés des médias traditionnels allégeant leurs équipes pour reconstituer leurs revenus. Ils reviennent aujourd'hui par la fenêtre, pour structurer et professionnaliser les contributions des internautes dans les réseaux sociaux. Il est plutôt rassurant de constater que les algorithmes n'ont pas suffi à faire le travail, ne serait que pour réaliser une curation pertinente de l'information à mettre en avant.
Restent les sempiternelles questions, auxquelles les tenants de la "destruction créatrice" ont bien du mal à répondre de manière convaincante, mais qui sont la préoccupation principale de celles et ceux qui se sont donné pour mission la défense des travailleurs :
- Est-ce que tous les journalistes qui ont perdu leurs emplois dans les médias classiques retrouvent une place ? Leurs nouvelles missions sont elles aussi intéressantes ? Aussi bien rémunérées ? Avec le même type de statut ? Bref, qu'ont-ils in-fine perdu ou gagné ? Et pour combien de temps ? (ie. est-ce que bientôt l'intelligence artificielle (IA) parviendra à faire le job ?)
- Assisterons-nous au même type de phénomène dans tous les métiers impactés par le numérique ? Les espoirs et menaces agités autour d'une IA qui pourrait supprimer des millions de postes feront-il finalement partie des "attentes exagérées" régulièrement observées dans le "hype cycle" (qu'on pourrait traduire par "cycle de l'innovation") de Gartner, qui finissent par retomber comme un soufflé et à se transformer en une mutation plus lente et plus raisonnable ?
Enfin, question plus politique et sociétale, comment sont accompagnés celles et ceux qui perdent leur emploi en raison des mutations accélérées de l'économie ? Combien de temps restent-ils "le bec dans l'eau" ? Avec quels moyens de subsistance, et quel soutien à une réinsertion harmonieuse dans le monde du travail ?
C'est ce sur quoi feraient bien de se pencher ceux (parfois celles aussi) qui réfléchissent dans des bureaux douillets, dans les Ministères ou les Universités notamment, et semblent la plupart du temps considérer comme un dommage collatéral ponctuel et négligeable des transformations souvent brutales qu'ils insufflent ou soutiennent...