Sexisme au travail : un nouveau risque professionnel
Rédigé par Avelino MARINHO le . Publié dans Conditions de Travail et Santé.
Sexisme au travail : un nouveau risque professionnel
Publié le 08/01/2020 à 06:41 par la rédaction des Éditions Tissot dans Sécurité et santé au travail.
Un an après le déclenchement du mouvement #MeToo, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) a diffusé un cycle de 4 webinaires intitulé « Sexisme au travail : comment réussir sa démarche de prévention », soutenu par le Secrétariat d’Etat à l’Egalité et à la lutte contre les discriminations. Florence CHAPPERT, responsable du département « Expérimentations et développement des outils et méthodes », nous en dit plus !
Sexisme au travail : pourquoi l’ANACT a-t-elle souhaité communiquer sur cette thématique maintenant ?
Aujourd’hui, l’entreprise s’empare de ce sujet du sexisme au travail pour au moins trois raisons :
- la première est réglementaire depuis que la loi Rebsamen relative à la modernisation du dialogue social a, en 2015, inscrit dans la loi l’interdiction des agissements sexistes. Aujourd’hui, suite à l’affaire Weinstein et au mouvement #MeeToo, il y a eu une prise de conscience du fait que tout le monde est concerné : femmes et hommes peuvent être tour à tour cibles ou victimes, auteur-e-s ou témoins ;
- jusqu’ici, ce sujet était considéré sous l’angle juridique et se traitait entre deux individus. Or, compte-tenu de l’obligation de prévention et d’action qui incombe à l’entreprise en matière de santé et sécurité, c’est devenu un sujet collectif qui embarque les représentants du personnel, avec le référent harcèlement sexuel du CSE, et les managers ;
- jusqu’alors, on considérait que c’était une question de comportement uniquement avec des « profils types » pour les auteur-e-s ou les victimes. Or, plusieurs études révèlent que c’est aussi un sujet d’environnement voire d’organisation de travail. Par exemple, les milieux de travail non-mixtes à prédominance féminine ou masculine surexposent au sexisme. Enfin les conditions de travail telles que le travail de nuit, le travail isolé, la relation avec le public, patient, client, la pression, la dépendance hiérarchique etc. ont une influence sur le sexisme.
Sexisme au travail : est-ce un nouveau risque professionnel ?
Si les actions pour lutter contre les environnements de travail sexistes semblent progresser en France, elles n’intègrent pas encore les fondamentaux de la prévention des risques (ni l’évaluation de ce risque, ni la dimension collective, ni le lien avec l’organisation du travail).
Il est temps de considérer ces agissements et actes - qui concernent en priorité les femmes mais aussi les hommes - comme des risques professionnels comme les autres !
Une fiche outil téléchargeable dans le 2e webinaire du 14 novembre « Comment évaluer le risque et agir en amont ? » permet de réaliser un premier diagnostic de la situation de sa structure : ressources existantes, facteurs de risques organisationnels. Le plus adapté, est de le réaliser avec des membres du CSE et les référents « agissement sexiste et harcèlement sexuel » du CSE ou de l’entreprise (obligatoire dans toute entreprise d’au moins 250 salarié-e-s), ou tout du moins collectivement. Cet autodiagnostic apporte une base utile pour intégrer les risques de sexisme au travail dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et définir ensuite, des actions de prévention.
Sexisme au travail : comment évaluer ce risque ? Comment agir en prévention ?
La loi pour l’égalité réelle, du 4 août 2014, précise dans le Code du travail : « l’évaluation des risques professionnels doit tenir compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe ». Ainsi, les risques liés au sexisme au travail doivent être inscrits dans le DUERP et dans les actions de prévention.
Une autre fiche-outil du 2e webinaire décrit la démarche à suivre pour analyser les risques d’agissements sexistes et de harcèlement sexuel dans l’entreprise, et inscrire cette évaluation dans le DUERP pour des actions de prévention.
Parmi les mesures de prévention figurent des actions de prévention tertiaire de type dispositifs d’alerte, d’écoute et de suivi, ou secondaire comme les obligations légales d’information au niveau du règlement intérieur ou des sessions de sensibilisation et de formation. Elles permettent d’informer, de former au repérage des situations et de les traiter quand elles surviennent.
On note en revanche encore très peu de mesures de prévention primaire dans les entreprises, c’est-à-dire des mesures visant à réduire durablement les risques d’agissements sexistes par des actions sur l’organisation du travail et des actions collectives : faciliter le travail en binôme à certains postes, renforcer les mesures de vigilance concernant les postes en horaires du soir ou en relation avec public, informer le personnel intérimaire, les stagiaires et alternant-e-s, les nouvelles ou nouveaux arrivé-e-s, les candidat-e-s à un poste de ces risques et des mesures mises en œuvre, rendre possible la parole sur les dysfonctionnements du travail et les comportements inappropriés… c’est aussi cela agir pour prévenir durablement le sexisme au travail !
Sexisme au travail : quels sont les conseils pour le traiter ?
C’est dans le dernier webinaire du 28 novembre « Sexisme au travail : comment traiter un cas ? » que l’ANACT a, avec le service des droits des femmes et de l’égalité, la Fédération Nationale des CIDFF, Opcalia et l’Aract Centre Val de Loire, partagé des recommandations pour recueillir une plainte et alerter, informer et orienter, savoir reconnaître et évaluer une situation, mener une enquête interne sérieuse et impartiale, protéger, faire cesser les faits, sanctionner.
Ce qui ressort, c’est la nécessité de dispositifs et de mesures pour accompagner toutes les parties prenantes : victime, auteur-e, témoins, collectifs de travail, manageur-e. Les sanctions disciplinaires doivent être explicitées et les entreprises gagnent à -par exemple- s’engager à muter l’auteur-e plutôt que la victime. Le dispositif de prévention tertiaire doit permettre, par l’analyse des situations à risques et des postes exposés, d’améliorer le dispositif de prévention primaire.
Suite aux quatre webinaires de novembre 2019, l'ANACT met à disposition les replays et un ensemble de ressources afin de mener une démarche de prévention des risques d'agissements sexistes, de harcèlement sexuel et des agressions sexuelles.