CSEC du 17, 18 et 19 novembre : situation économique et financière, et stratégie de l’entreprise
Rédigé par Frédérique Limido-Milesi le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
Situation Eco-Fi : expertise Syndex (3 tomes)
Tome 1, rapport sur l’environnement et l’Innovation : principaux impacts de la crise sanitaire sur le secteur, position d’Orange sur ses marchés, synthèse sur l’innovation dans le Groupe.
1 Dynamiques du marché : écosystème numérique qui croit à grande vitesse, taux de pénétration de la téléphonie mobile très élevé, marché des services télécoms peu dynamique, en Europe et Amérique du Nord et des opérations de consolidation en Europe en 2019/2020 qui s’accélèrent…
2 Télécoms et crise sanitaire : les télécoms, infrastructures critiques, ont été fortement sollicitées par les pouvoirs publics, pour autant, besoin croissant de capacités Vs baisse des revenus ; hausse de demande de bande passante, et de digitalisation et volontés d’économies des clients...
3 Orange et la concurrence : recul dans le classement des principaux opérateurs, (11ème opérateur mondial en 2019). Faibles free cash-flows Vs concurrents mais endettement plus réduit…
4 Equation toujours difficile : réductions d’OPEX dans une série de domaines et conséquence de ces réductions de coûts qui devraient être la poursuite de la baisse des effectifs…
5 Mutations technologiques : rôle croissant de l’IA dans les réseaux et essor du cloud, de l’informatique aux télécoms
6 Innovation chez Orange : dépenses en baisse depuis plusieurs années qui continuent de se contracter en 2020 ; dépenses d’innovation concentrées en France à plus de 90%. Des sujets qui montent, 6 G, IA non centralisée au plus proche du client, sécurité / cryptographie / comportements anormaux, communication quantique et traitement du langage naturel. Enfin, financement de l’innovation via le capital-risque…
Tome 2, comptes Groupe 2019 et prévisions : comptes consolidés 2019 et différents segments (pays) sur budget 2019, partiellement budget 2020, analyses d’environnements économiques liées à la crise sanitaire.
Tome 3, ensemble des problématiques relatives à Orange France : analyse des données 2018 – premiers mois 2020 (CA, marges, marchés GP et entreprises), réorganisation «ancrage territorial», zooms sur RIP, TowerCo, Orange Concessions.
Information/consultation triennale sur la stratégie de l’entreprise : expertise Syncea
Avant la présentation, une déclaration de la commission économique, présidée par la CFE-CGC Orange
Contre l’avis de la commission économique qui préconisait dès le printemps dernier un décalage à 2021 de la réalisation de cette expertise et donc de l’information consultation récurrente obligatoire sur les orientations stratégiques devenue triennale, décision a été prise de la conduire cette année.
Trois arguments militaient pour une décision de décalage du calendrier :
- Le caractère triennal de l’expertise justifie à lui seul la nécessité pour l’instance de réfléchir à la méthodologie et aux objectifs d’un accompagnement par un cabinet de conseil ou d’expertise comptable et sociale au-delà de la simple reconduite des « us et coutumes » ;
- Le fait que le nouveau mandat du CSEC et ces nouvelles prérogatives, moyens et limites d’action coïncident avec le lancement d’un nouveau plan stratégique quinquennal ;
- Enfin, l’argument plus conjoncturel de la crise sanitaire, dont les premières mesures de sa gestion mises en œuvre dès mars ont chamboulé les priorités de l’instance et conduit à une inflation de travail pour toutes les parties prenantes à son fonctionnement (23ème séance du CSEC sur 35 jours). Egalement la réalité des conséquences sur la marche des affaires du Groupe, sur son plan stratégique et sur son exécution était prévisible.
C’eut été l’opportunité pour l’instance d’affirmer les prérogatives qui sont les siennes et de se poser en partenaire social responsable de la Direction.
Ce jugement sévère de la première année de l’exercice du droit syndical dévolu au CSEC de l’UES (dont les commissions sont l’un des acteurs) trouve dans cette 23ème séance l’une de ses illustrations les plus malheureuses. Le dénouement des informations-consultations récurrentes obligatoires qui sont l’un des piliers majeurs (sinon le principal) du rôle que le droit du travail donne au CSE Central prend place lors d’une séance pour laquelle 1 200 pages de documents sont portés à la connaissance des élus, 8 jours avant celle-ci.
Quel en est le sens ?
C’est pourquoi, encore une fois, un retour d’expérience partagé devra permettre à l’instance centrale du l’UES de réinterroger son rôle premier, les priorités de ses actions, le calendrier et la méthodologie mis en œuvre, ainsi que la nature et le niveau d’expertises techniques nécessaires…
Analse Syncea
Des grands agrégats du Groupe, croissance, marges, poids de l’investissement et comparabilité avec les concurrents d’aujourd’hui et de demain, en passant par la difficulté des opérateurs à capter la valeur produite…
… De l’investissement dans les réseaux/infrastructures comme levier de création de valeur pour les clients Retail&Wholesale, à l’ambition de valoriser les infrastructures auprès des marchés financiers…
… De la diversification vers les services adjacents pour créer de la valeur auprès des clients BtoC, au développement du marché MEA comme moteur de croissance BtoC…
… De la question de savoir si OBS est en ordre de marche pour capter la valeur du marché de l’IT, à la transformation des compétences comme principal enjeu…
… De la question du modèle de R&D et de l’innovation d’Orange (désormais centrée sur l’IA et la data) pour capter la valeur de demain, à la RSE, comme solide levier de création de valeur pour Orange à long terme…
…Toutes ces thématiques et questionnements permettent à Syncea de formuler les éléments de synthèse suivants :
Dans un environnement en mutation et avec un marché des télécoms très concurrentiel et soumis à des risques de désintermédiation, étendre son horizon stratégique et en développer de nouveaux est nécessaire :
Horizon 1 : étendre et défendre l’activité principale ; investir sur les réseaux, desserrer la pression financière par le biais d’ouvertures de capital, améliorer et industrialiser l’exploitation des actifs, fidélisation et valorisation des clients…
Horizon 2 : construire des activités et marchés émergents ; MEA, services adjacents de connectivité, se renforcer sur les services IT et défendre une vocation d’OBS, consolider OCD ?
Horizon 3 : créer des options viables ; RSE, politique RH et R&D ambitieuses ?
Quelles différences avec un GAFAM et comment pivoter vers un modèle d’investissement davantage axé sur la R&D et les compétences ?
Modèle économique Entreprises Télécom
- Investissements essentiellement axés sur les infrastructures de réseau
- Licences d’exploitation = barrière à l’entrée
- Marchés limités aux géographies Orange
- Bénéficier de l’image d’acteur de confiance
- S’appuyer sur le rôle clé d’entreprise de souveraineté pour appuyer un rôle industriel à l’Etat en faveur d’une plus grande consolidation et un investissement massif sur les technologies d’avenir pour éviter une éviction du marché ?
- Réinvestir le cash (baisse des investissements en infra, ouvertures de capital/IPO) dans les RH & R&D et vers quelle physionomie du groupe ?
Modèle économique Entreprises du digital/Numérique
- Investissements essentiellement axés sur la R&D et les compétences
- Pas de protection juridique,
- Logiques de plateforme
- Marché du digital/ numérique géographiquement illimité
Pivoter vers une logique de plateforme, avec une détention majoritaire du groupe ? Accueillir des parties prenantes diverses dans une logique de plateforme unie et intégrée :
- Une plateforme multiproduits et multiservices s’appuyant sur des actifs forts (réseau, compétences IT, engagement RSE, sécurité et souveraineté …),
- Une plateforme ouvrant des opportunités d’investissement et d’équipement pour des partenaires publics (Collectivités, Orange Concessions),
- Une plateforme multi-marchés en mesure d’industrialiser et amortir des coûts sur des espaces régionaux (Europe, Afrique, Moyen Orient …) et partenaire industriel et stratégique (souveraineté numérique) des pouvoirs publics,
- Une plateforme ouvrant des opportunités d’investissement pour des fonds intéressés par des actifs sécurisés et rentables qui resteraient majoritairement détenus par le groupe : Fonds Infrastructures, TowerCo, FiberCo,
- Une plateforme ouvrant des opportunités de consolidation pour des acteurs de la cybersécurité en France et en Europe,
- Une plateforme technologique et innovante capable de saisir les opportunités actuelles du marché (Cloud, IA, Edge Computing…) et concevoir, commercialiser les produits et services de demain
- …
Pour voir la position de la CFE-CGC Orange, cliquer
Position de la CFE-CGC Orange concernant la politique Economique et Financière de l'entreprise
La CFE-CGC retient 3 points conjoncturels :
- Les télécoms sont plus résilientes que d’autres secteurs.
- Orange est moins exposée géographiquement que d’autres opérateurs européens aux crises économiques qui découlent des crises sanitaires.
- Le portefeuille d’activités d’Orange limite également les impacts négatifs de la crise…
Et 3 points structurels :
- L’essentiel de la valeur produite dans le numérique échappe aux opérateurs télécoms depuis 20 ans.
- Le secteur télécom est à la croisée des chemins, chaque acteur doit inventer et construire sa diversification ou accepter la commoditisation de son cœur business.
- La structure financière saine d’Orange permet de dégager des marges de manœuvre pour investir dans des opérations de croissance, organiques ou externes.
Quelques questions et remarques…
Plusieurs dizaines de Mds€ ont été consacrés ces 10 dernières années aux investissements […] sur des marchés matures et très fortement régulés sur lesquels il est difficile de dégager de la marge, voire de conserver nos parts de marché
- À quel horizon envisage-t-on de rentabiliser pleinement ces investissements massifs ?
Sur la même période, 6 Mds€ d’acquisitions ont été réalisées
- avec quel impact sur le chiffre d’affaires et sur les marges ?
Avec un ratio dette nette/EBITDA parmi les plus faibles des opérateurs télécoms européens et le maintien d’un niveau de liquidités élevés (11 Mds), Orange possède des capacités financières :
- pour servir quelle stratégie ? Notamment quelle stratégie de consolidation des acteurs ou des infrastructures ?
En 10 ans, le groupe a procédé au versement de 27 Mds€ dividendes et rachat d’actions, soit l’équivalent de la capitalisation boursière actuelle d’Orange. Sur la même période, la capitalisation boursière s’érode de 40% : cela démontre qu’un dividende élevé ne soutient pas le cours de l’action. La doxa du Groupe évolue-t-elle sur ce point ?
… et d’autres questions concernant la croissance du CA et de la marge, le détourage des activités, la R&D technologique / innovation et interrogations complémentaires sur des sujets financiers d’actualité du Groupe Orange.
Vote des élus
- Pour : 0
- Contre : CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, STC, SUD
- Abstention : CFTC
Malgré la résistance de certains indicateurs financiers qui pourrait valoir un satisfecit à certaines décisions financières de la Direction…
- les résultats de l’exécution des diversifications entamées,
- la politique de sous-traitance,
- la trop faible ambition et la nature de la politique Innovation,
- tout comme les choix de partage de valeur ajoutée produite entre les différentes parties prenantes,