« J’étais fier d’appartenir à Orange, je ne le suis plus ». La crise sociale est de retour.
Rédigé par Stéphanie CRESPIN le . Publié dans Communiqués de Presse.
Résultats de l’enquête triennale CNPS Orange 2024
« J’étais fier d’appartenir à Orange, je ne le suis plus ». La crise sociale est de retour.
L’enquête triennale est menée par le Comité National de Prévention du Stress (CNPS) depuis 2012. Le CNPS a été créé en 2010 à l’initiative de la nouvelle direction présidée par Stéphane Richard dans un esprit de réconciliation sociale d’analyse des risques psychosociaux lié au travail.
Il est l’héritier de l’Observatoire du Stress et des Mobilités forcées lancé par Sud et la CFE-CGC Orange lors de la crise sociale de la période « Didier Lombard » condamné pénalement pour harcèlement moral institutionnel le 21 janvier 2025.
Le CNPS est composé de 12 membres répartis à la proportionnelle de la représentation des organisations syndicales représentatives : 6 CFE-CGC Orange, 4 CFDT, 2 CGT. Les 12 membres ont élu à l’unanimité la secrétaire de CFE CGC.
L’enquête CNPS est réalisée par le cabinet d’expertise Secafi.
Alors que l’enquête 2021 avait été marquée par une baisse sensible de nombreux indicateurs en raison du Covid, les principaux indicateurs de risques psychosociaux sont tous orientés à la baisse entre 2021 et 2024.
C’est une sévère sanction de la politique sociale (et l’absence de stratégie) du nouveau tandem à la tête d’Orange depuis début 2022.
A l’évidence, le départ du Président de Jacques Aschenbroich en 2026 (limite d’âge statutaire), sera au plus tard l’occasion de changer d’orientation.
Quelques éléments saillants :
Un immense besoin de s'exprimer et d'être écouté.
Avec plus de 32 000 réponses des personnels du groupe Orange en France, le taux de participation global
2024 est en forte hausse 55% (au lieu de 45%) pour la maison mère et en légère baisse pour les filiales.
L’intérêt pour cette enquête illustre le besoin des collaborateurs de s’exprimer sur leurs conditions de travail. Les 2 500 pages de réponses à l’unique question ouverte soulignent une tension chez un nombre croissant de personnels.
La libération de la parole depuis l’alerte de la CFE-CGC en novembre 2024, sur la forte dégradation de la situation sociale depuis l’arrivée de la nouvelle Direction est un instrument indispensable pour éviter les drames humains. Cette enquête y contribue.
Une intensité du travail dans le rouge
Avec l’externalisation massive des tâches, les plus simples (délocalisation et sous-traitance jusqu’à 80%), les activités restantes,confiées aux salariés deviennent plus complexes. Cette complexité intrinsèque augmente au fil du temps et encore en 2024 : travail ralenti, procédures mal définies, manque de coopération entre services.
À ces difficultés organisationnelles, s’ajoute un dépeuplement aléatoire (et non géré par la Direction) lié aux départs en pré-retraite non remplacés et donc une surcharge de travail pour ceux qui restent.
Une aggravation spectaculaire de l'inquiétude pour l'emploi.
L’insécurité professionnelle en légère croissance en 2021 connait une accélération.
A la question « ma sécurité d'emploi est menacée », le score chute de manière spectaculaire de 33 points, ce qui le ramène en deçà des résultats de 2009. 67% des salariés considèrent « être en train de vivre ou s'attendre à vivre un changement indésirable dans leur situation de travail ».
La fierté d’appartenance à Orange chute de 19 points en 2024
La fierté d'appartenance, même si elle reste positive, connait une baisse importante par rapport à 2021. Comme dans la période Lombard…
Le phénomène trouve en partie seulement son origine avec la mise en place d’un Plan de départs volontaires (PDV) sur le périmètre OBS-SCE, une première dans l'histoire de l'entreprise.
Orange a également connu un certain nombre de situations suicidaires, et la requalification d’ores et déjà pour l’un d’entre eux en accident du travail par la CPAM, une première en depuis 13 ans. Face au déni de la Direction qui a agressé les représentants du personnel en les accusant de les instrumentaliser et faisant preuve d’un manque d’empathie, ils ont suscité une légitime émotion chez l’ensemble collaborateurs.
Le score de l’Autonomie au travail 2024 retombe au même niveau qu’en 2012
Cet indicateur est largement corrélé au niveau de diplôme. Or, l’amélioration continue du niveau de qualification des salariés d’Orange entre 2012 et 2024 aurait dû générer mécaniquement une amélioration. Pourtant, chez les collaborateurs, perdure le sentiment de perdre en autonomie.
Les rapports sociaux au travail restent favorables, mais les vécus individuels régressent
Le soutien entre collègues est largement plébiscité. Le collectif de l’équipe se renforce depuis plusieurs années. 84% des collègues partagent leurs savoir-faire. Sur le plan individuel, la reconnaissance au travail et les perspectives d'évolution s’ancrent dans le rouge. La rémunération demeure insatisfaisante pour 68% des répondants. 44% estiment que les entretiens individuels ne présentent aucune utilité. 20000 collaborateurs sont toujours non promus depuis plus de 10 ans et les NAO 2024 étaient caricaturales.
Un management de proximité, un pilier social reconnu
L'indicateur du soutien hiérarchique progresse régulièrement depuis 2012 et s’améliore encore en 2024. Au quotidien, les managers de proximité sont toujours appréciés (une partie d’entre eux avait refusé l’application de la politique du 0% d’augmentation salariale pour un tiers des personnels voulue par le DRH). Mais dans les moments où ils portent le plus la politique de l'entreprise, la relation se tend.
Globalement, les managers de proximité considèrent être écoutés de leur propre hiérarchie, mais leur ressenti de pouvoir influencer les transformations se réduit. Seulement 61% pensent que « leur avis est réellement pris en compte.
Le top management est déconnecté de la base.
Des réorganisations plus nombreuses et perçues comme moins bien accompagnées
Sur la période 2021-2024, les réorganisations se sont multipliées. La proportion des répondants ayant connu plus de deux réorganisations a triplé. La concertation autour des changements est toujours appréciée mais le sentiment que l’avis exprimé est réellement pris en compte est cependant négatif.
Le score d’accompagnement aux changements diminue de 12 points pour plusieurs directions. Des réorganisations de plus en plus nombreuses, mal accompagnées, génèrent une perte de sens.
Les suicides des dernières années ont eu lieu dans les périmètres où les réorganisations ont été les plus nombreuses.
Confiance accrue dans les représentants du personnel
Dans le contexte social dégradé et une moyenne d’âge qui diminue, la confiance dans les représentants du personnel en tant que « système de veille et d’alerte » progresse significativement de 5% (la CFE-CGC Orange ayant progressé de 27 à 33% pendant la période).
La situation actuelle dans l’entreprise est plus que préoccupante. Ils apparaissent comme les derniers protecteurs des personnels.