GPEC et accord intergénérationnel : la CFE-CGC Orange refuse de sacrifier l’avenir.

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Photo : Kaz, via Pixabay

Deux accords d’entreprise étaient soumis à signature mardi 18 décembre : l’accord sur la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC), et l’accord Intergénérationnel.

La CFE-CGC Orange a émis le plus grand nombre de propositions structurées, dont une partie se retrouve dans le texte final des deux accords, mais ne les signe pas : alors que l’entreprise va faire face à un pic de départs en retraite sans précédent, les promesses d’embauches sont insuffisantes, tout comme l’accompagnement à la montée en compétences proposée aux personnels. La désertion des territoires hors Ile-de-France, qui concentre déjà plus du tiers des emplois pour moins de 20% de la population française, va s’accélérer, au détriment de la proximité clients et des conditions de travail de celles et ceux qui vont rester dans l’entreprise.

Au final, si l’accord intergénérationnel a, in extremis, recueilli suffisamment de signatures pour entrer en vigueur sans celle de la CFE-CGC Orange, l’accord GPEC n’est pas signé.


Au moins 10 000 suppressions de postes en 3 ans

Orange a perdu 40% de ses effectifs français en 20 ans, soit plus de 62 000 postes. Alors qu’il n’en restait plus que 92 000 fin 2017, les données communiquées par la Direction pendant la négociation des deux accords laissent prévoir au moins 10 000 suppressions supplémentaires sur la période 2018-2020 (- 14% en Equivalents Temps Plein ou ETP). Si l’on raisonne en force au travail, il n’y aura plus que 69 000 ETP au sein du Groupe en France fin 2020.

Dans la même période, il faudra pourtant déployer la Fibre à marche forcée, compléter la couverture des zones rurales en 4G, lancer la 5G… mais aussi renforcer le réseau de cuivre, vieux de 40 ans, fortement impacté cette année par le dérèglement climatique (impacts de foudre sans précédent et inondations), sous la menace d’une sanction de l’Arcep (régulateur des télécoms) qui pourrait atteindre 1 milliard d’euros.

Une régulation meurtrière…

La régulation du marché des télécoms n’est pilotée que par deux objectifs : faire baisser les prix par une concurrence exacerbée, et accélérer le déploiement des réseaux à très haut débit, via des engagements toujours plus contraignants pour les opérateurs… mais jamais sur l’emploi, singulièrement oublié en dépit de l’obligation légale de le développer, qui devrait pourtant s’imposer au régulateur comme au gouvernement.

La baisse du chiffre d’affaires (qui a chuté de 17% en 7 ans) et l’accélération des déploiements conduisent mécaniquement à une explosion de la sous-traitance, qui passera de 30 à 35% entre 2018 et 2020, qui, sous la pression des prix, favorise les délocalisations et le travail détaché.

… face à laquelle la Direction d’Orange a baissé les bras

Si le rythme des investissements ne faiblit pas (de l’ordre de 3,5 milliards d’euros par an pour les réseaux en France), la Direction d’Orange a cessé de se battre pour l’emploi. La flexibilité devient le maître mot : on veut des techniciens immédiatement opérationnels dont on pourra facilement se débarrasser dans 5 ans, lorsque l’essentiel des déploiements sera achevé. Sans savoir d’ailleurs si on disposera des compétences nécessaires à la maintenance desdits réseaux.

Le tout au détriment des conditions de travail pour les personnels Orange, sommés d’être les garants d’une « expérience incomparable » pour nos clients, et qui ne savent plus où donner de la tête, entre applications informatiques qui buggent (les développements sont sous-traités), la compétence qui fuit (les départs en retraite s’accélèrent et certaines équipes se vident à vitesse grand V) et la supervision des sous-traitants qui interviennent sur le terrain. Et au risque, demain, d’avoir perdu les savoir-faire nécessaires pour assurer la qualité de service et la différenciation qui font encore la marque Orange.

Pas de futur, pas de signature !

Qu’il s’agisse de l’accord intergénérationnel ou de la GPEC, la Direction a démontré qu’elle laisse filer des pans entiers d’activités, plus pressée de laisser partir les postulants à la retraite ou au Temps Partiel Seniors que de s’engager sur le recrutement et la montée en compétence de jeunes salariés susceptibles de prendre la relève.

La Direction n’ose même pas s’engager sur le remplacement des départs. Un départ sur trois serait remplacé… mais pas forcément par une embauche en CDI. Hors Ile-de-France ce ne sera même que 25%, accélérant la désertion des territoires, et abandonnant non seulement les équipes, mais aussi la proximité clients, au risque payer demain le prix fort de ces abandons successifs.

Veut-on vraiment faire entrer des jeunes dans l’entreprise ?

Comme son nom l’indique, l’accord intergénérationnel vise à organiser simultanément le départ des seniors (dispositifs de fin de carrière, aménagement du temps de travail, organisation du transfert des compétences) et l’entrée des juniors qui les remplaceront (accompagnement, formation, intégration des alternants en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, embauche et fidélisation).

Malheureusement, la Direction a préféré se focaliser sur le départ des plus anciens… sans pour autant leur proposer des conditions de départ plus attractives que par le passé. C’est au contraire un accord dégradé par rapport aux versions précédentes : suppression des formules de Temps Partiel Seniors (TPS) sur 4 et 5 ans (en dépit des engagements du PDG sur un TPS 4 ans), opacité totale sur les primes d’accompagnement qui restent à la main de la Direction et totalement individualisées, sans qu’on puisse en vérifier l’équité. En parallèle, nul ne sait quel sera le résultat de la réforme des retraites, dont les prémices laissent penser qu’elle tendra surtout à diminuer le revenu des futurs retraités, rendant l’équilibre économique périlleux pour celles et ceux qui auront opté pour un départ anticipé de l’entreprise. Mais la Direction n’en a cure : la dégradation des conditions de travail liée notamment aux baisses d’effectifs suffit à motiver les postulants, tandis que les départs en retraite s’accélèrent. Ce sera particulièrement sensible en région, où l’âge moyen du personnel est supérieur, et servira de prétexte pour fermer les petits sites (plus assez de personnel pour justifier leur maintien), accélérant la désertion des territoires les moins peuplés.

Dans le même temps, presque rien n’est fait pour favoriser le maintien des seniors qui le souhaitent, ou ne peuvent économiquement faire autrement, dans des conditions favorables de formation, reconnaissance (augmentations et promotions) ou aménagement des conditions de travail. Hors le TPS, qui contraint à s’engager sur une date de départ en retraite, rien n’est proposé.

Alors même qu’Orange peine à recruter, rien n’est fait pour retenir les alternants !

Orange accueille 4 000 alternants chaque année. Pour la CFE-CGC Orange, c’est une belle opportunité pour susciter des vocations et renouveler les compétences au sein de l’entreprise. Il reste du chemin à faire : selon Epoka, Orange se classe 43ème sur les 50 entreprises préférées des jeunes diplômés.

Malheureusement, rien n’est fait pour les retenir. Outre l’absence d’engagement écrit sur un taux de recrutement des alternants à l’issue de leur contrat, l’accompagnement est loin d’être à la hauteur. Alors que les conventions collectives précisent que les diplômés de l’enseignement supérieur, tels les alternants en master, doivent bénéficier du statut cadre pendant leur alternance, ils n’en disposent pas tous chez Orange. Insuffisamment accompagnés et formés, ils sont trop souvent utilisés pour combler des postes qui devraient faire l’objet de CDI.

Alors que l’entreprise peine à recruter des jeunes, notamment lorsqu’il s’agit de combler des postes en urgence, aucun vivier national des alternants n’est mis en place pour permettre aux recruteurs de contacter les profils susceptibles de répondre aux besoins… et qui connaissent déjà l’entreprise. Inconcevable dans une entreprise du CAC40… mais malheureusement vrai !

Un employeur qui renonce à son obligation de maintenir l’employabilité

Côté GPEC, c’est aussi l’absence d’engagement qui prime, et même de prospective claire et transparente pour identifier les postes et métiers dont l’entreprise aura besoin dans les 3 années qui viennent. C’est pourtant cette visibilité qui permettrait aux personnels d’anticiper, notamment pour engager des formations, afin de faire évoluer leur carrière vers les métiers en demande dans les prochaines années. Mais elle n’est pas donnée, alors même que l’accord indique explicitement que chacun doit devenir (sic) un « salarié-acteur » responsable de son propre maintien dans l’emploi et de son évolution professionnelle, au mépris des obligations faites à l’employeur de maintenir l’employabilité de ses personnels et de viser le maintien dans l’emploi.

Une mise en tenaille que nous ne pouvons cautionner

Face aux conditions de travail de plus en plus dégradées, particulièrement en raison des baisses d’effectifs, nombre de seniors expriment le souhait de quitter l’entreprise le plus tôt possible. Mais une organisation syndicale responsable ne peut se contenter de valider la poursuite d’un Temps Partiel Seniors, au demeurant dégradé, sans s’assurer qu’il y aura suffisamment d’embauches pour compenser les départs, assurer l’activité, maintenir et renouveler les compétences nécessaires.

Nous sommes garants d’un juste équilibre, qui doit à la fois assurer la pérennité d’Orange en France, et garantir aux personnels des conditions de travail viables. L’histoire de notre entreprise ne peut que nous inviter à une extrême vigilance en la matière.

Constructifs, mais pas serviles

La CFE-CGC Orange est l’organisation syndicale qui a formulé le plus de propositions constructives et étayées, dont certaines, saluées même par les autres organisations syndicales, ont été retenues dans la version finale des accords. Elle a négocié pied à pied sur tous les items, dans le but d’obtenir des accords équilibrés qui préparent le futur, garantissant à la fois la capacité de l’entreprise à remplir ses missions, une charge de travail soutenable pour ses personnels, et un accompagnement réel des équipes vers les nouveaux métiers qui se profilent dans un monde des télécommunications en pleine mutation. Mais le compte n’y est pas. Les textes proposés à la signature ne dessinent aucun futur désirable pour celles et ceux qui devront le mettre en œuvre.

Dans ce contexte, ne pas signer, c’est afficher clairement que nous continuerons de nous battre pour obtenir mieux.

Dans l’intervalle, les personnels ne perdront aucun des faibles avantages consentis par le nouvel accord intergénérationnel : même sans nous, il est signé. Celles et ceux qui le souhaitent pourront opter pour le TPS.

Emploi & Métiers Seniors, TPS, Fin de carrières Juniors, Apprentis, Stagiaires


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