CCUES 08 2019 : Rapport annuel de synthèse 2018 des Médecins du Travail
Rédigé par Frédérique Limido-Milesi le . Publié dans Conditions de Travail et Santé.
Alertes sur l'humain !
Managers, à l’ensemble des éléments soulevés l’an dernier, toujours d’actualité, s’ajoutent les difficultés :
- du déploiement de la réorganisation des DO via l’ancrage territorial: géographie des bassins d’emploi élargie, managers éloignés de leurs équipes…charge de travail augmentée.
- de l’accord sur la reconnaissance des compétences et des qualifications, ARCQ.
- de la généralisation des méthodes agiles àimportantes déformations des contours classiques du rôle des managers.
AD : les effets des plans d’action déjà initiés tardent encore à se concrétiser. De nombreux conseillers clients, adjoints ou responsables de boutiques expriment le souhait de quitter l’AD.
AE : poursuite des difficultés liées au programme DELIVERY :
- RAC: lassitude et résignation pour certains, en passant par la perte de repères professionnels, jusqu’à l’épuisement et l’arrêt de travail pour d’autres.
- Sentiment de travailler dans l’urgence, sous pression permanente, découragement et peu d’espoir dans une quelconque amélioration des conditions de travail.
- Au plan RH, volontés de départ anticipé à la retraite et de départs vers d’autres entités de l’entreprise, ainsi que des difficultés à recruter en interne.
- populations de la vente (ingénieurs technico-commerciaux, assistante commerciales, avant-vente) : ressenti de surcharge de travail, des difficultés de déconnexion et souvent des tensions avec les équipes de RAC voire des conflits.
- soutiens métiers : plusieurs alertes remontées concernant ces populations en particulier en lien avec une sur sollicitation les empêchant de répondre aux demandes des RAC ce qui génère là aussi des conflits. Ils sont également peu présents auprès des salariés car souvent en formation pour suivre les innovations technologiques des offres.
PME : pour les vendeurs sédentaires, pro actifs ou non, et vendeurs nomades, grosses difficultés dans leur travail, non pour la relation avec les clients, mais pour atteindre leurs objectifs. Généralement le chiffre d’affaire est atteint, mais les objectifs de « contact » sont plus difficiles.
Charge de travail importante, en raison des tâches annexes nombreuses qui les éloigne de leur « cœur de métier » qu’est la vente : tâches administratives, suivi des commandes et des dossiers, réponses aux clients puisqu’ils sont généralement leur premier interlocuteur, difficultés avec le SI, correction des erreurs. Les vendeurs nomades travaillent seuls.
Plus ou très peu d’assistantes commerciales qui pourraient les aider. Celles-ci ont également une charge de travail importante car elles suivent les dossiers de tous les commerciaux.
Difficultés supplémentaires à cause de Delivery (souvent des erreurs à corriger) et Compliance qui les coupe des acteurs de terrain (pas de renseignements sur l’avancée des commandes).
AgPro : les salariés des plateaux demandent le plus d’attention.
Conseillers clients : charge de travail forte mais surtout incivilité croissante des clients. Niveau de stress élevé, d’autant que les objectifs sont difficiles à atteindre, et l’évolution des métiers incertaine.
Soutiens formateurs : ont dû faire face à un contexte de multiplication de projets et de formations à dispenser sans en avoir les moyens en gestion et en temps, et sans être eux-mêmes bien formés…
Au niveau du back office, suivi de commandes SAV et pilotage, compliance pose de difficultés, et donne l’impression de travail approximatif : impression de rendre un travail imparfait, inachevé.
Baisse des effectifs sans remplacements des départs, augmentation de la moyenne d’âge …
UI : année 2018 marquée par la fusion de nombreuses UI. Le changement de manager, les délocalisations de sites, l’incertitude quant à l’avenir sont générateurs de stress, quand les directions des UI n’ont parfois elles-mêmes pas de réponse à apporter sur la visibilité à long terme des réorganisations :
- charge de travail importante ciblant plus particulièrement la population managériale et la population des CAFF terrain ;
- sentiment de qualité empêchée (techniciens, CAFF, conducteurs d’activité) ;
- sentiment de manque de reconnaissance et d’iniquité (concerne essentiellement les seniors) ;
- difficultés d’adaptation aux évolutions du métier pour certains (ex. : digitalisation, polycompétence E/RS) ;
- inquiétudes par rapport à l’avenir (recours à la sous-traitance, moins de SAV avec la fibre).
Analyse de la CFE-CGC
La forte augmentation de l’effectif salarié en surveillance médicale renforcée corrobore la demande d’ouverture de négociation sur la prévention de la pénibilité transmise récemment par la CFE-CGC Orange, sachant que le sujet de la prévention de la pénibilité n’a plus été abordé dans l’entreprise depuis 6 ans (en termes de plan d’actions, état des lieux, évolution, accord etc.). La législation ayant aussi fortement évolué ces dernières années, la prévention des risques chez Orange présente d’autant plus de lacunes.
La Direction, campée sur une position juridique, n’envisage pas de nouvel accord, alors que le rapport présenté tout comme l’enquête SECAFI triennale du CNPS confirment tous les deux la situation inquiétante entre autre du développement de la pénibilité en AD, de l’impact massivement négatif de la mise en œuvre de l’ARCQ ainsi que le malaise grandissant du management de proximité.
Bien que plusieurs voyants soient au rouge et malgré nos alertes, les plans de réorganisation, de fermeture ou de déménagement se poursuivent à marche forcée.
Du fait de ce rythme acharné de changement ne risque-t-on pas de voir se développer le Brown Out, cette baisse de l'engagement des collaborateurs par la perte de sens au travail, le manque de compréhension du pourquoi de leur mission et de l’absence de mise en perspective de leurs tâches. Un risque majeur pour demain !