Résultats 2019 : aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain ?
Rédigé par Laurence Dalboussière et Hélène Marcy le . Publié dans Participation, Intéressement et Actionnariat.
Interpréter les résultats d’Orange est un exercice de plus en plus difficile : changement de normes (passage à l’IFRS16) avec un EBITDA qui devient EBITDAal (on intègre les contrats de location longue durée dans les actifs), indicateurs spécifiques à Orange (le eCAPEX, qui reflète la valeur des investissements, intègre les cessions d’actifs dans les calculs d’Orange, mais pas chez la plupart des autres acteurs), le Cash-Flow opérationnel (EBITDAal – CAPEX) est remplacé par le Cash-Flow organique (on déduit d’autres éléments tels les taxes et impôts ou le besoin en fonds de roulement, pour approcher de plus près la réalité de l’argent disponible, notamment pour distribuer des dividendes)… Vous avez le tournis ? Alors détachons-nous de ces indicateurs aux noms barbares, parfois contestés jusque dans la communauté financière, pour tenter d’approcher plus concrètement la réalité économique de notre entreprise et ses perspectives d’avenir.
Objectifs atteints, mais croissance ralentie
Tous les objectifs annoncés aux marchés financiers ont été atteints. Cependant, la croissance ralentit. Le chiffre d’affaires (CA), de 42,2 Mds€, n’a augmenté que de 0,6% en 2019 (+1,8% en 2018), tandis que le parc total de clients atteint 265,7 millions (+0,7% en un an). La marge EBITDAal croît de 0,8%, à 12,9 Mds€ (+ 2,7% en 2018).
Les investissements, dont le pic avait été annoncé pour 2018, n’ont pas connu de baisse et ont même légèrement augmenté, en passant de 7,248 Mds€ à 7,293 Mds€.
Le résultat net a fortement progressé, à 3,2 Mds€ (+49% par rapport à 2018)… mais c’est une progression en trompe l’œil : baisse des coûts de financement de la dette et baisse des provisions passées pour le financement de l’accord Temps Partiel Seniors (TPS) (6 m€ en 2019, contre 773 m€ en 2018) font l’essentiel de la différence.
Le dividende proposé au titre de l’exercice 2019 reste à 0,70€ par action.
Le CA baisse en France et en Espagne…
La France pèse 41,4% du CA du Groupe. Le CA y est en baisse de 0,3%, malgré les très bonnes performances commerciales du T4 2019. Le parc clients progresse grâce au déploiement de la Fibre (16 millions de prise et 3,3 millions de clients) et à la conquête de clients sur nos offres convergentes. Pour la neuvième fois, le réseau mobile Orange a été reconnu comme le premier en qualité. Et pour la première fois, Orange est devant la concurrence en Expérience Client.
En Espagne, le marché est mis sous pression par les petits acteurs et les offres low-cost, hébergés sur notre réseau. Après plusieurs années de croissance exceptionnelle, le CA perd 1,5%. Le reste de l’Europe se porte bien, tirée notamment par la Belgique et la Pologne, qui signe un retour à la croissance.
Orange Bank compte au total plus de 500 000 clients, dont 390 000 en France, et a lancé l'offre en Espagne. La banque continue d’enregistrer des pertes, qui étaient prévues au budget : il faut lui laisser le temps de construire son portefeuille de clients. Déjà, des synergies pertinentes avec le reste de nos activités (distribution, crédit à la consommation…) se développent.
…il progresse en Afrique et sur le marché E
Le moteur de la croissance du Groupe s’est déplacé vers la zone Moyen-Orient et Afrique (MEA), dont le chiffre d’affaires dépasse aujourd’hui celui de l’Espagne. La base client 4G a progressé de 43 %, le CA global de 6%. Les revenus d’Orange Money, à 425 m€, croissent de de 27% et représentent désormais 1% du CA du Groupe.
Le segment des entreprises enchaîne son 5ème trimestre de croissance du CA, poussée par le développement du cloud (+22 %), où le Groupe reste un acteur mineur, et de la cyberdéfense (+24%), où nous faisons partie des leaders européens. Cependant, le taux de marge sur les services de l’IT, très inférieur à celui des télécoms, ne permet pas de compenser la baisse de nos activités traditionnelles.
Rien de neuf en 2020… sauf de nouvelles économies !
L’annonce des résultats 2019 a été l’occasion de confirmer les engagements évoqués au lancement du plan stratégique Engage2025. Seule nouveauté pour 2020 : un plan d’économies supplémentaires pour 1 Mds€ ! Orange est le telco qui investit le plus en Europe, ce qui explique en partie pourquoi ses charges sont supérieures à celles des autres acteurs… mais les marchés ne veulent pas en entendre parler.
S’extraire de la pression des marchés financiers
La présentation du plan Engage2025 lors de l’Investor Day du 4 décembre 2019 avait fait chuter le cours de l’action Orange. Il est remonté avec la publication de résultats en ligne avec les prévisions… avant d’être entraîné dans la chute des indices boursiers, liée aux inquiétudes face au Covid-19.
Il est très dangereux de piloter l’entreprise l’œil rivé au cours de bourse et l’oreille vissée aux attentes des fonds d’investissement, qui cherchent avant tout de la performance financière. Ils ont boudé le nouveau plan stratégique d’Orange, déçus par le manque d’ambition et la faible croissance annoncée. Sous l’influence des analystes, qui demandent une baisse des investissements et la hausse du dividende, ils sont aussi demandeurs d’une cession de nos actifs réseaux (TowerCo)… pour en toucher immédiatement l’équivalent cash en dividendes ou en rachats d’actions faisant artificiellement monter le cours de bourse.
Une telle stratégie priverait le Groupe de toute marge de manœuvre pour préparer son avenir et piloter sa transformation. Nos infrastructures préparent l’acquisition de nouveaux clients et le chiffre d’affaires de demain. La formation des personnels, le recrutement de jeunes diplômés et l’investissement dans l’innovation permettent de prendre pied dans les nouvelles activités du numérique, qui évoluent très rapidement (objets connectés, données, intelligence artificielle, cyberdéfense…). Quant à la préservation du cash, y compris par la diète du dividende, les GAFAM nous ont montré qu’elle permet de saisir les opportunités de croissance externe susceptibles d’accélérer notre capacité d’implantation sur de nouveaux marchés ou de nouvelles activités pertinentes. C’est pourquoi, et nous y reviendrons lors de nos prochaines éditions consacrées à l’Assemblée générale des actionnaires, nous refusons toute stratégie financière de court terme.
Pour nous, la priorité, c’est la pérennité et la croissance durable d’Orange.