Eligibilité au dispositif de retraite anticipée pour certains travailleurs handicapés
Rédigé par Joël Despoulain le . Publié dans Handicap.
Éligibilité au dispositif de retraite anticipée pour certains travailleurs handicapés 13 ème législature
Question écrite n° 16449 de M. Jacky Le Menn (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée dans le JO Sénat du 16/12/2010 - page 3243
M. Jacky Le Menn appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la situation des travailleurs handicapés dont l'éligibilité au dispositif de retraite anticipée est impossible faute de pouvoir présenter, pour la durée d'assurance requise, les pièces justificatives visées par l'article D. 351-1-1 du code de la sécurité sociale et énumérées par la lettre ministérielle du 20 février 2006.
Sont victimes de cette situation les personnes en situation de handicap qui n'ont pas cherché à faire reconnaître leur état, soit pour ne pas se couper de leur collectif de travail, soit par crainte de perdre leur emploi. Or le fait d'être atteint d'un taux d'incapacité de 80 % ou d'un handicap de niveau comparable est un fait juridique qui, en vertu de l'article 1348 du code civil, doit pouvoir être prouvé par tout moyen. Ceci a d'ailleurs été admis par certaines juridictions comme le tribunal aux affaires de la sécurité sociale de Bobigny qui a considéré que le handicap pouvait être prouvé par tout document (jugement en date du 2 février 2008) et le tribunal aux affaires de la sécurité sociale de Paris qui a ordonné, pour le dossier dont il était saisi, une expertise médicale pour constater le handicap.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour faire entrer dans le champ de la loi la situation de ces travailleurs handicapés qui ne peuvent présenter, pour la durée d'assurance requise, les documents justificatifs nécessaires, mais dont le dossier médical, le versement d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail démontre l'antériorité et la permanence de la situation dans les bornes d'âge imposées par la loi.
En attente de réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé Personnes handicapées : restons vigilants Rapport du Médiateur de la République annuel 2006 (référence à la lettre ministérielle du 20 février 2006 ci-dessus)
Retraite anticipée :encore des lacunes
L'attention du Médiateur de la République a été appelée,au titre de son pouvoir de proposition de réformes, sur deux lacunes du dispositif de retraite anticipée des personnes handicapées.
Pour exemple, le cas de Monsieur L.Titulaire d'une rente d'accident du travail, il s'est vu refuser sa demande de liquidation de retraite avant l'âge de 60 ans car il n'avait jamais saisi la Cotorep,seul organisme à même d'accorder la reconnaissance du taux d'incapacité de 80 % indispensable pour accéder au dispositif de retraite anticipée, conformément à l'article L.351-1-3 du Code de la Sécurité sociale.
Cette disposition a pour conséquence de réserver ce dispositif aux seuls assurés pouvant produire le document de la Cotorep justifiant du taux d'incapacité de 80 %. Le justificatif de Monsieur L. indiquant sa rente accident du travail,quel qu'en soit le taux,ne pouvait être pris en compte.
En juillet 2006,le Médiateur de la République a donc émis une proposition pour améliorer le dispositif de retraite anticipée des travailleurs handicapés. Certaines conditions d'accès apparaissent en effet trop restrictives,et risquent de priver du bénéfice de cette mesure nombre de travailleurs handicapés qui, tels Monsieur L., n'ont pas fait reconnaître leur handicap par la Cotorep.
Il conviendrait donc d'adapter cette disposition afin de reconnaître à toutes les personnes présentant un même niveau de handicap le droit de partir plus tôt en retraite.
Une réforme discrètement menée
La lettre d'instruction du 20 février 2006 diffusée par le ministère de la Santé auprès des organismes concernés, relayée par une circulaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) du 21 août 2006, prend encompte ce problème en élargissant notablement les catégories d'assurés handicapés éligibles à ce dispositif pour mieux garantir le droit à l'information des assurés sur leur retraite.
Il apparaît cependant nécessaire au Médiateur de la République que ces innovations soient introduites au niveau réglementaire adéquat...
Autre iniquité :la loi du 11 février 2005 a institué une majoration de pension applicable aux assurés sociaux handicapés bénéficiant de l'abaissement de l'âge de la retraite.
Paru le 30 décembre 2005, le décret relatif à cette disposition prévoit la validation gratuite d'un trimestre supplémentaire pour quatre trimestres réellement cotisés (de sorte que 120 trimestres cotisés valent 160). Toutefois, ce mode de calcul très avantageux n'est applicable qu'aux pensions de retraite prenant effet postérieurement au 31 décembre 2005.
Le gouvernement a cependant permis,dans le cadre de la lettre précitée,que cette majoration soit accordée, sur leur demande, aux personnes handicapées parties en retraite anticipée depuis le 1er mars 2005, mois d'entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005.
Néanmoins, le gouvernement a estimé impossible d'étendre la rétroactivité de cette mesure aux pensions de retraite anticipée servies depuis le 1er juillet 2004, date d'entrée en vigueur du décret relatif à l'abaissement de l'âge de la retraite pour les assurés sociaux handicapés,au motif qu'on ne pouvait revenir sur une pension déjà attribuée.
La non rétroactivité de cette majoration pose cependant un réel problème d'équité. Le Médiateur de la République a donc demandé aux ministères compétents de reconsidérer leur position sur ce point,afin d'assurer un traitement équitable de l'ensemble des travailleurs handicapés éligibles à une retraite anticipée