Modification des horaires de travail à SCOF : le management « ancien régime » est toujours là
Rédigé par AM Minella le . Publié dans SCE.
Rien, donc, ne vient justifier un tel changement. Difficile dans ces conditions de ne pas y voir la poursuite d'un management type « ancien régime », obsédé par la mise en place d'une standardisation excessive et le contrôle abusif des équipes, quelles qu'en soient les conséquences. Dans l'intérêt de tous, nous demandons l'ouverture de négociations locales.
HISTORIQUEEn 2008, la direction de SCOF avait ouvert des négociations pour modifier les horaires de travail collectifs dans les Unités de services clients ; ces unités assurent la commande, la facturation, la production et le service après-vente pour les grands comptes. La direction avait suspendu les négociations en 2010 considérant qu'un accord avec les syndicats était impossible et décidé, seule, d'appliquer son projet. C'est dire si ce dossier est ancien, contestable et s'il souffre d'une absence de dialogue avec les représentants du personnel. Cependant, comme la loi l'y oblige, elle a du le présenter au CE et aux CHSCT concernés. Le CHSCT du site de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) a souhaité disposer d'une expertise externe pour identifier les conséquences de cette réorganisation sur les conditions de travail et sur la santé des personnels. Entrons avec cette expertise dans les détails du projet.
LES CHANGEMENTS
1. Passage d’horaires variables à des horaires fixes
Cette évolution concerne le service client et les équipes de production.
Objectif avancé par la direction
Il s’agit de garantir la disponibilité des équipes vis-à-vis des clients.
Constat
Cette disponibilité est déjà garantie par la souplesse des horaires actuelle. Dans les équipes de production concernées, le personnel prend lui-même les rendez-vous avec les clients. Aucun document n’a été fourni prouvant une éventuelle insatisfaction des clients dans le fonctionnement en cours.
Ce passage d’horaires variables à des horaires fixes s’accompagne d’un tableau de service pour les équipes de production en horaires ouvrés et non ouvrables (HNO). Actuellement, ces équipes interviennent en fonction des besoins du client, avec un délai de prévenance de 15 jours, et chez des clients dont ils connaissent bien le réseau.
Objectif avancé par la direction
Organiser de manière fluide la production.
Constat
Rien ne montre que l’organisation actuelle de la production en horaires variables n’assure pas cette fluidité. Pourquoi plannifier ces travaux dans des tableaux de service puisqu’ils sont déjà programmés et en tenant compte des besoins du client ?
Avec l’obligation de définir leurs interventions 3 mois à l’avance dans le tableau, il sera très difficile pour les techniciens de faire leur choix en fonction de la nature de l’intervention et du client, car ces travaux ne sont pas définissables 3 mois à l’avance. Cette organisation risque de dégrader la qualité du service, de mettre les techniciens en difficulté face à leur méconnaissance des clients et de perturber leur conscience professionnelle. Ce type de situation est typiquement celle qui génère un stress chronique.
Conséquences négatives
Ces évolutions d’horaires variables en horaires fixes introduisent une rigidité dans la gestion du temps qui ne représente aucune valeur ajoutée pour le client.
Elles déplacent la responsabilité de la souplesse d’adaptation sur les managers, sans règles définies : elles entraînent donc un risque d’injustice entre les collaborateurs.
Elles imposent également au manager un temps de gestion des plannings important sans bénéfice réel puisque le système actuel fonctionne bien.
Elles lui imposent de contrôler le temps de présence des membres de son équipe
Elles créent une perte d’autonomie pour l’équipe qui risque de répondre à la rigidité par la rigidité.
Elles entraînent une perte de souplesse dans la relation vie professionnelle-vie privée.
2. Réduction des horaires décalés pour le SAV
Le service après vente qui travaille en horaires décalés voit sa plage horaire réduite de 3 heures : elle passe de 6h-22h à 7h-20H. Le changement est bien perçu car il permet d’augmenter les effectifs sur les créneaux où les clients sont plus nombreux et de commencer et terminer le travail dans une plage horaire plus standard pour les équipes. Il améliore la vie privée. Mais il ne concerne qu’une trentaine de salariés.
3. Evolution des heures non ouvrables (HNO) pour le SAV
Ces équipes travaillent actuellement en horaires de nuit de 22h à 6h. Cette plage horaire va s’étendre sur le créneau 20h-7h, en phase avec l’évolution de l’équipe de jour qui, elle, voit son créneau se réduire (7h-20h). L’activité étant très différente sur les plages horaires de jour – avant 22h - les salariés craignent de ne pas avoir les compétences pour y faire face. Cette évolution supprime la soirée en famille ou en activité personnelle et les équipes travaillent une heure de plus en horaire de nuit (de 6 à 7h). Les experts rappellent que les horaires de nuit ont d’autant moins d’effets néfastes sur la santé qu’ils ont été choisis.
Objectif avancé par la direction
offrir la même qualité de service aux clients quelles que soient l’heure et leur localisation géographique.
Constat
Le projet ne présente pas de qualité de service supplémentaire pour le client.
Il supprime 5 soirées en famille sur une période de 6-7 semaines
Il risque de susciter un sentiment d’injustice comparativement aux gains des collègues en horaires de jour.
Il réduit sévèrement le personnel sur certains créneaux horaires.
CONCLUSION : quels objectifs en réalité ?
Au final, l’analyse de Technologia montre que le projet ne répond pas à la plupart des objectifs avancés par la direction.
1. Simplifier les horaires de travail en réduisant le nombre de régimes horaires et garantir pour chacun le plafonnement de son volume d’horaires spécifiques
Le projet propose un régime supplémentaire et le plafonnement est déjà garanti, que ce soit en horaires fixes (sur la semaine) ou en horaires variables (sur le mois)
2. Harmoniser les horaires des USC sur toute la France
Des décisions managériales sur certains sites empêchent cette harmonisation nationale
3. Garantir l’adaptation des ressources humaines aux demandes des clients, pour assurer une qualité de service exemplaire
A part une meilleure adaptation du SAV de jour (plage horaire réduite à 7h-20h) pour une trentaine de salariés et à condition que le nombre de salariés soit maintenu, c’est l’inverse qui se produit. D’autant plus qu’au SAV HNO en particulier, le nombre de salariés va sévèrement diminuer dans les plages extrèmes (6h-7h et 20h-22h).
4. Répondre aux attentes des salariés et leur permettre de concilier vie professionnelle et vie personnelle
Non seulement aucun document fourni, aucun entretien ne permet de dire que les salariés ont manifesté des attentes, mais une pétition a été lancée pour le maintien des horaires actuels. Encore une fois, si le projet entraîne un mieux pour une trentaine de salariés, il a l’effet inverse pour les autres. Les horaires actuels leur permettent très bien d’organiser leur vie personnelle.
Le projet est en complète contradiction avec la nouvelle politique de l’entreprise déclinée dans le programme « Conquêtes 2015 » où elle « s’engage à être un groupe où il font bon travailler ». Il ne respecte pas les accords récemment signés pour l’amélioration des conditions de travail et la prévention du stress : l’accord pour de nouveaux principes généraux d’organisation du travail signé le 27 septembre 2010, l’accord sur l’évaluation et la prévention des risques psycho-sociaux signé le 6 mai 2010, l’accord sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle du 5 mars 2010.
Extraits du rapport Technologia
Avis des salariés
« Il faut conserver notre capacité à s’adapter en permanence aux besoins clients, ce que nous faisons aujourd’hui et ce qui sera bien plus difficile si ces horaires sont mis en place. »
« On ne fait confiance ni au management de proximité, ni à nous-mêmes, on veut nous enfermer dans des contraintes rigides pour mieux contrôler nos heures alors qu’on ne les compte pas aujourd’hui. On veut remettre en cause notre autonomie ».
« Que cherche la direction en ressortant ce projet qui remonte à plusieurs années, qui avait été gelé pour cause de crise dramatique par ailleurs, qui a dépassé sa date de péremption, dont le côté technocratique n’a plus sa place aujourd’hui ? ».
« Puisqu’on ne nous fait plus confiance, on veut nous fliquer avec ce projet alors qu’on ne compte pas nos heures, on va se mettre à les compter ».
« Ce projet est trop marqué « ancien régime » pour illustrer la volonté de « mettre l’humain au cœur de la stratégie de l’entreprise ».
Les salariés mettent en avant non pas des revendications d’horaires, mais de moyens pour mieux se former face à la vitesse d’évolution des technologies, mieux transmettre leurs compétences, donner plus de moyens à l’équipe Outils et systèmes qui les dépannent, notamment en matière de SI.
Avis des managers
Le projet est perçu « en décalage, voire en contradiction avec les nouvelles orientations de la direction générale ».
« Ce projet remonte à la mise en œuvre du lean management en 2006, ce n’est plus d’actualité sous cette forme et selon cette méthode aujourd’hui ».
« Ce projet va créer plus de problèmes qu’il ne va en résoudre ».
« Aujourd’hui, mes équipes font en moyenne 15h de plus par semaine, soit 2 jours sans comptabilité, sans compensation ; avec ce qui se profile, ce sera fini et nous aurons une baisse de la productivité, des conflits entre personnes… l’entraide disparaîtra ».
Pour améliorer leur service, ils souhaitent eux aussi la formation continue pour leurs équipes, pour connaître les nouveaux réseaux, les nouveaux clients, et également un travail sur les process. Ils souhaient disposer de plus de moyens humains.