CSEC 19 et 20 janvier 2021 : stratégie de l’entreprise ; questions du CSEC au CA sur cette stratégie.
Rédigé par Frédérique Limido-Milesi le . Publié dans Economie et Réglementation des Télécoms.
consultation triennale (Bloc 1, volets 1 et 2)
Il s’agit de valider le plan Engage2025 (CR juillet 2020) et la stratégie de l’entreprise, ainsi que d’obtenir des réponses aux questions posées par le CSEC au Conseil d’Administration d’Orange concernant :
Volet économique :
- des marges de manœuvre financières pour quoi faire
- Détourage des activités et conséquences pour le Groupe
- Orange Concessions
- Projet TowerCo
- Cotation d’Orange CyberDéfense et d’OMEA
- Objectifs financiers
- Stratégie de croissance
- OMEA comme moteur de croissance
- Développer la Recherche & Développement technologique pour redevenir une entreprise réellement innovante
- Saisir les opportunités du "monde d’après"
- Réviser la stratégie de distribution en France
Volet social
- Orange SA et la filialisation
- La fracture territoriale
- Les nouveaux défis en termes de compétences et de formation
Stratégie immobilière du Groupe
Position de la CFE-CGC Orange
La consultation récurrente obligatoire sur les Orientations Stratégiques de l’entreprise coïncide cette année avec trois changements et évènements majeurs :
- La mise en œuvre d’un nouveau plan stratégique Engage2025 qui fait suite aux plans Conquètes2015 et Essentiels2020 ;
- L’application de l’Accord du 13 mai 2019 sur le dialogue social qui rend triennale l’information-consultation sur les Orientations Stratégiques de l’entreprise au sein de la nouvelle instance centrale de l’UES ;
- Enfin, une crise sanitaire sans précédent qui impacte durablement l’économie, les conditions de travail, la marche des affaires de l’entreprise et très surement l’exécution du plan Engage2025.
Trois éléments structurels illustrent la situation des opérateurs télécoms et particulièrement celle d‘Orange :
- L’essentiel de la valeur produite dans l’industrie du numérique échappe aux opérateurs télécoms depuis 20 ans.
- Le secteur télécom est à la croisée des chemins, chaque acteur doit inventer et construire sa diversification en trouvant des relais de croissance ou accepter la commoditisation de son cœur business de connectivité en focalisant son action sur la recherche de gains de productivité.
- Le groupe Orange ne trouve pas de relais de croissance significatifs, investit lourdement dans le futur de la connectivité et optimise sa gestion financière.
Les choix conduits par la Direction du Groupe Orange qui ont visé dans un premier horizon stratégique à étendre et défendre l’activité principale (notamment en investissant sur les réseaux), conduisent en France :
- à plusieurs projets d’ouvertures de capital (desserrer la pression financière, améliorer l’exploitation de ses actifs) ;
- à l’attrition du nombre de personnels de l’UES au profit de la création de filiales et de la sous-traitance ;
- à la baisse d’activité dans la maison mère et à des transformations profondes des conditions de travail et de la répartition de l’emploi sur les territoires ;
Par ailleurs, les conséquences de la crise sanitaire ont révélé, au-delà d’une résilience certaine de l’entreprise, l’importance vitale de l’opérateur historique Orange et de ses réseaux dans le soutien à l’économie, la souveraineté numérique du pays et sa responsabilité dans l’aménagement du territoire. La culture et l’histoire du Groupe Orange en France lui imposent un devoir d’exemplarité.
Gestion prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences pour « construire ensemble l’entreprise de demain » !
C’est pourquoi, pour construire l’avenir du Groupe Orange, les apprentissages des périodes difficiles des derniers mois obligent la Direction à remettre à plat, avec les partenaires sociaux, l’organisation et les conditions de travail des prochaines années, à travers notamment une meilleure localisation et une décentralisation des emplois d’Orange au profit des bassins d’emploi régionaux. Le développement d’une connectivité Haut-Débit sur le territoire, l’adoption des nouvelles façons de travailler par la Société, sont aussi l’occasion de repenser dans la Groupe, le schéma directeur immobilier et les conditions d’exécution du travail possiblement durablement hybride (distanciel/présentiel)…
Les métiers nécessaires au Groupe demain, le développement des compétences et plus globalement le volet sur l’emploi aux bornes du groupe (et notamment aux bornes du Groupe en France) font défaut dans les Orientations Stratégiques d’Engage2025 et ne révèlent pas une ambition en matière de compétences, de nature à servir les prochains horizons stratégiques.
Les enjeux et objectifs des projets de création de filiales sur le cœur de métier (FiberCo, TowerCo) ne sont pas clairement compris par toutes les parties prenantes (personnels, actionnaires, analystes…) et conduisent à un démantèlement par appartements de l’opérateur intégré dont l’avenir ne devient pas plus lisible pour autant et fait peser de nouvelles hypothèques sur l’emploi, sans expliquer comment ce modèle réinventé d’opérateur « désintégré » crée de la valeur pour Orange à court, moyen et long terme !
L’avenir d’Orange Middle East Africa (qui pourrait servir une consolidation sur le continent) se construit avec toujours plus d’indépendance, alors qu’il sert un second horizon stratégique : construire des activités émergentes pour le Groupe ; mais finira, sans doute, sans autre lien avec Orange maison mère qu’un lien capitalistique (sous la forme de participations) et sans synergies industrielles !
De la même manière, l’éventuelle introduction en Bourse des activités d’Orange Cyberdéfense, l’une des rares activités de croissance forte du Groupe, interroge dans son calendrier et son rôle dans l’accélération des territoires porteurs de croissance, alors qu’il s’agit d’une diversification en plein développement !
Le Groupe Orange crée-t-il les options viables d’un troisième horizon stratégique ?
Les services financiers mobiles, s’ils démontrent un premier succès avec la ligne de produit Orange Money (en MEA essentiellement), et une stratégie d’Orange Bank plus maîtrisée, devront montrer sur le long terme leur capacité à générer du chiffre d’affaires et de la marge significatifs dans les comptes du Groupe.
A contrario, quatre sujets du plan Engage2025 interpellent quant à leurs capacités à créer des options viables d’un troisième horizon stratégique :
- la stratégie d’Orange Business Services (hors Cyberdéfense) interroge sur sa capacité à se différencier de la concurrence, à soutenir son développement sur l’IT, sur un marché dont les acteurs sont mondiaux et verticalisés, sans modifier son organisation ;
- la place et le rôle de l’Intelligence Artificielle qui semblent limités dans l’ambition du plan à servir l’optimisation de processus et services internes ; sans ambitions de revenus ;
- la recherche & développement et l’innovation, dont la baisse inexorable des moyens, du degré d’ambition et de sa conduite aux bornes du Groupe ne cesse d’être dénoncées dans cette instance, ne semblent plus de nature à empêcher une totale dépendance technologique d’acteurs non européens ;
Les réflexions sur le sujet, avec les pouvoirs publics et les acteurs européens du secteur autour d’initiatives et de coordination d’actions communes, impactant la mise en commun de moyens, l’emploi des filières, la souveraineté technologique sont trop absentes du plan Engage2025 ;
- les compétences pour construire, faire fonctionner et assurer la pérennité de l’entreprise sont à la fois un enjeu et un défi quant à la manière de doter le Groupe des compétences technologiques nécessaires ; Engage2025 sur ces points ne définit ni les ambitions détaillées ni les cibles, ni les moyens détaillés mis en œuvre (notamment d’accompagnement, de motivation à l’engagement, des personnels) pour servir l’ambition de construire ensemble l’entreprise de demain.
Devant la transformation de la Société et la prééminence grandissante d’enjeux environnementaux et sociétaux dans les préoccupations des citoyens, la position que construit Orange sur la problématique de Responsabilité Sociétale d’Entreprise, si elle est sincère et inscrit des actions au-delà d’une posture de communication pourrait être un solide levier de création de valeur à long terme.
Pour finir, nous avons le sentiment d’un plan Engage2025 dont les ambitions semblent dictées par une approche court-termiste trop influencée par le cours de Bourse, et qui enferme les décisions stratégiques dans le seul enjeu financier de rendement pour les actionnaires au détriment d’une ambition industrielle à long terme fondée sur une vision de ce que pourrait devenir le groupe Orange.
L’histoire du Groupe démontre le rôle primordial des personnels qui le font, et de l’innovation technologique dont il a pu être à l’origine…
Les orientations stratégiques du plan Engage2025, telles qu’elles ont été présentées à date, ne semblent plus vouloir leur faire jouer un tel rôle pour construire l’avenir du Groupe.
Vote des élus
- Contre : CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, STC, SUD
- Abstention : CFTC