Manager chez Orange n’aurait plus la cote !
Rédigé par Stéphanie CRESPIN le . Publié dans INNOV.
Or, actuellement, il semblerait que chez Orange, ces reconnaissances ne soient plus effectives dans l’esprit de bon nombre de managers… Manager chez Orange n’aurait plus la cote !
Regardons aujourd’hui d’un peu plus près quelle est la vie d’un manager.
Prenons par exemple : Madame Y.
Madame Y arrive chaque matin dans un open-space vide… Il est encore tôt, mais elle sait que sa journée va commencer par devoir recenser les membres de son équipe : ceux qui travaillent en présentiel et ceux qui sont en distanciel, ceux qui sont en ASA, ceux qui sont en vacances, ceux qui sont en déplacement, ceux qui sont en formation, ceux qui sont malades.
Elle n’ose pas imaginer les conséquences de l’arrivée prochaine sur son plateau du flex-office…
Madame Y ouvre sa boite mail et se rend compte qu’elle est déjà bien remplie alors qu’elle a fermé son ordinateur il y a à peine 12H.
Nous sommes en plein période d’EI.
Elle se prépare au premier entretien qu’elle doit faire avec un salarié qu’elle estime « difficile ».
Elle espère pour cela que la troisième session de formation du cursus « je deviens manager » qu’elle a suivie à Orange Campus lui permettra de mener un entretien constructif avec lui. Bien qu’axée sur des moments de partages de bonnes pratiques entre managers, cette formation ne donne pas toutes les solutions lorsqu’on est face à quelqu’un fermé à toute communication. Heureusement, c’est le seul cas dans son équipe ; ce n’est toutefois pas gagné !
Elle entre dans l’appli « My Job » qui a eu le mérite de concentrer depuis peu de nombreux outils RH. Elle n’ose pas imaginer comment c’était avant…
Néanmoins, il reste encore beaucoup d’outils différents lorsqu’il s’agit de valider les congés ou encore pour les formations… pour ne citer que ces domaines. A cet égard, Madame Y se demande combien d’appli peuvent bien exister aujourd’hui pour les managers dans notre entreprise dite digitale …
Disposant d’un peu de temps avant que l’EI ne démarre, elle jette un œil rapidement à son emploi du temps. Elle enchainera avec une salariée qui lui a demandé des informations sur le dispositif du TPS 2022. Cette salariée est fonctionnaire et Madame Y n’a pas encore eu le temps de tout digérer malgré les « call managers » consacrés à cet accord.
Elle a d’ailleurs noté les suggestions de son directeur pour accompagner avec insistance la mise en œuvre de ce dispositif auprès de certains salariés de son équipe.
Elle n’est pas favorable à cela et ne souhaite vraiment pas se séparer de qui que ce soit. Les objectifs à atteindre sont déjà exténuants et elle ne voit pas comment se priver des compétences de son équipe.
Elle enchaine ensuite avec un salarié accueilli dans son équipe dont la bande est supérieur à la sienne.
Elle est consciente du potentiel de cette personne.
Elle s’étonne encore du fait qu’il n’ait pas été prévu un rattachement fonctionnel au sein de son équipe et un rattachement hiérarchique auprès d’une personne dont la bande est équivalente à celle du salarié accueilli comme moyen de limiter un sentiment de dé-positionnement.
Elle devine aussi qu’à terme l’organisation de son entité sera revue puisqu’on ne la laissera pas à la tête d’une équipe de 5 personnes si tous les salariés taggués comme « tpsiables » partent.
Elle préfère ne pas y penser… De toutes les façons, personne ne lui demandera son avis…
Son premier RV a du retard. Du coup, Madame Y regarde à nouveau ses mails…
Elle voit une relance des RH pour un reporting qu’apparemment ils n’auraient pas reçu alors qu’elle est certaine de le leur avoir envoyé.
Quelle perte de temps ! se dit-elle.
Après vérification, elle constate que les documents ont bien été adressés dans les temps comme d’habitude.
En revanche, elle se souvient qu’elle doit demander à sa RH de proximité comment établir un contrat de portage pour un jeune qui arrive au bout des périodes de CDD et qu’on ne peut pas recruter. Rapidement, la RH lui a dit que ce n’était pas dans ses compétences. Madame Y se demande vraiment quelle solution elle va bien pouvoir trouver cette fois-ci…
Elle se demande aussi quel soutien légitime elle peut attendre des RH…
Tout au long de la journée, Madame Y a enchainé les réunions pour expliquer, partager, aider, accompagner les membres de son équipe ou leur offrir un soutien dans un contexte où les nécessaires synergies avec d’autres équipes du Groupe ne seraient pas effectives/optimisés par rapport à une feuille de route établie, pour faire en sorte que les tâches soient accomplies dans des délais raisonnables, ou encore pour valoriser les travaux individuels ou collectifs de son équipe.
Elle est aussi sollicitée de nombreuses fois par jour par son « N+1 » à qui il faut bien souvent répondre « tout de suite maintenant » aux questions sur toute sorte de sujets, ou à qui il faut présenter des reporting réguliers dont bien souvent l’analyse ne lui est pas retranscrite, laissant un verre vide à présenter à son équipe dont la motivation se désagrège faute de sens donné aux livrables des opérationnels.
Le soir, parfois, sur le chemin de son domicile, Madame Y se demande avec nostalgie comment elle parviendra à retourner à son métier technique et à entretenir son expertise. Faute de temps, elle a du mal à se former ou à garder un lien avec son réseau interne et externe. Tant bien que mal, elle essaye aussi de tracer des opportunités de poste, mais elle se sent dépassée… Pourtant Madame Y le sait, il va falloir qu’elle évolue professionnellement : manager est un métier bien trop épuisant aujourd’hui chez Orange.
La CFE-CGC souhaite faire écho à l’actuel mal-être des managers au sein d’Orange Innovation. Différentes alertes sont posées, quelques exemples :
* L’exercice d’un management peut être aujourd’hui associé à une perte d’expertise. A ce titre, d’ailleurs, disposez-vous d’un indicateur mesurant le pourcentage de managers qui ne veulent plus manager ? Ceux notamment qui rejoignent avec enthousiasme, quand ils le peuvent, la grande famille des chefs de projet.
* L’exercice d’un management intermédiaire peut souffrir d’une information descendante qui n’est plus effective, polluant la motivation du management intermédiaire et des opérationnels pourtant engagés, et dont l’activité, faute de visibilité, perd au quotidien du sens.
A ce titre, d’ailleurs, quelles solutions sont envisagées pour accompagner la transformation de manière à respecter la reconnaissance de l’investissement de chacun ? Quelles solutions en outre envisagées pour garantir à chacun un projet professionnel ?
* L’exercice d’un management est un exercice d’équilibriste étouffant face au contexte de départs à la retraite et de recours au TPS, du non-remplacement de ces départs avec pertes d’expertise associées, de déport de certaines activités via des recrutements dans les BUs et pays ou via un recours à la sous-traitance, de manque de fluidité d’une entité à l’autre, etc. A ce titre, quelle grille d’impacts est établie pour limiter les risques associés au nouveau modèle économique visé au sein de l’entreprise ?
* Enfin, l’exercice d’un management est aujourd’hui challengé par une volonté de limiter les strates managériales et par des méthodes de travail qui poussent l’entreprise à disposer d’un vivier de consultants affectés en fonction des besoins à des activités en interne Orange Innovation ou au sein du Groupe. Quel accompagnement est pensé pour évoluer vers ce nouveau monde de travail ?
Par Véronique Garnier et Ghislaine de Salins,