Projet TOM: réelle volonté d'optimisation ou étape préalable à l'offshoring ?

[French version here/English version below]

Dans le cadre du Comité de Groupe Européen extraordinaire d'Orange des 8, 9 et 10 janvier 2023 à Strasbourg, la Direction du Groupe a inscrit un point à l'ordre du jour relatif au projet d'évolution du modèle organisationnel Finance & Performance sur le périmètre européen, présenté par Corentin Maigné, Directeur Comptable du Groupe Orange.

En l’absence de relais de croissance déterminants pour améliorer la profitabilité du Groupe, la stratégie de maîtrise des coûts, et donc financière, y est implacable. Le projet Tomorrow (TOM) s’inscrit dans cette logique d’optimisation en essayant de concilier la préservation d’une filière professionnelle de qualité, de répondre au standard du marché et de faire face à l’accélération de l’attrition naturelle encouragée dans les géographies du Groupe.

Ce projet d’évolution du modèle organisationnel Finance & Performance, tel que présenté lors de réunions plénières successives du Comité de Groupe Européen les 14 décembre 2022, 12 janvier et 9 mars 2023, frappe tout d’abord par sa grande complexité, tant par la diversité des périmètres (Fonction Support et Finances, Orange France, Orange Business, WIN, Europe, Totem, ODV) et des géographies (Espagne, Pologne, Slovaquie, Belgique) concernés, que par le grand nombre de salariés (autour de 200) impactés sur une partie limitée de leur temps de travail.

Malgré les réorganisations effrénées accompagnées de réduction substantielle des effectifs ces dernières années sur cette fonction transverse au Groupe, la Direction partage le constat que le modèle d’Orange est aujourd’hui globalement en décalage défavorable de 16 points par rapport au secteur, et de plus de 30 points par rapport à sa propre situation de 2015.

Si la Direction s’inscrit initialement au travers de ce projet dans une volonté d’accroître encore l’optimisation organisationnelle et financière de cette entité pour mieux se comparer au standard du marché, l’expertise souhaitée par le Comité de Groupe Européen démontre qu’il s’agit en fait d’une réponse de la Direction pour faire mieux, ou a minima tout aussi bien avec moins de ressources, permettant d’éviter des stratégies d’offshoring de cette fonction corporate. Il s’agit en fait d’un projet supplémentaire de réduction des coûts.

Certes la méthodologie pour la conduite de ce projet hors norme est remarquable et intellectuellement bien construite, ainsi que le démontre notre expertise, les trois piliers sur lesquels doit reposer un centre de service partagé ayant bien été identifiés et analysés :

  • Regroupement d’activités standardisables uniquement 
  • Identification et analyse de processus de bout en bout 
  • Compétences et parcours professionnel

Cependant, les membres du Comité de Groupe Européen souhaitent vous rapporter les objections suivantes dans la conduite de ce projet :

Première objection : l’objectif d’un Centre de Service Partagé ne réside pas, dans un premier lieu, dans la recherche de gains de productivité, mais dans l’optimisation des processus standardisables conduisant à des gains de productivité. Or, le contexte du Groupe conduit, à l’instar de tous les projets en cours, à réagir à des départs massifs et à supprimer l’étape d’anticipation. Cette accélération conduit déjà à une détérioration des conditions de travail ainsi qu’à des surcharges de travail afin de faire face aux enjeux incontournables de la livraison des comptes d’une société du CAC 40.

Deuxième objection : derrière la mise en œuvre de solution d’automatisation, à grand renfort de scripts, d’algorithmes, dans le but de décharger les salariés concernés par des tâches à faible valeur ajoutée, il y a des femmes et des hommes investis et impliqués, qui auront besoin de moyens significatifs en termes de formation afin de faire évoluer leur mix de compétences et s’inscrire dans des perspectives d’évolution et de reconnaissance de leur parcours professionnel.

Troisième objection : derrière cette vision européenne de la fonction comptable nécessaire pour une entreprise multinationale, il y a des femmes et des hommes qui ont porté avec beaucoup de fierté des évolutions et optimisations en mode gagnant-gagnant avec leur management afin de conserver leur métier, leur site d’implantation et contribuer collectivement à la professionnalisation de la filière, et ce dans toutes nos géographies en France, en Pologne et en Slovaquie.

En conséquence, Orange doit se donner les moyens pour avancer de façon constructive dans ce projet qui porte une obligation de résultats. Son grand paradoxe réside dans le constat que les équipes n’ont pas le droit à l’erreur et que, dans le même temps, la qualité de la production des comptes et de la communication financière devra être préservée dans tous les cas.

En complément, afin d’éviter que ce projet ne dérive vers les sirènes dangereuses de l’externalisation via un renforcement de Sofrecom au Maroc sur ces activités, ou sa délocalisation au profit d’Accenture à l’Ile Maurice, la Direction doit d’engager concrètement afin de rassurer et donner une large visibilité de leur pérennité aux équipes qui, depuis des années, ont grandement contribué à la réduction des coûts du corporate.

Au regard des budgets annoncés pour la première étape, les membres du Comité de Groupe Européen ne peuvent qu’inciter la Direction à renforcer les budgets identifiés lors de notre expertise.

  • 300 k€ sont-ils suffisants pour faire face à la montée en compétences ainsi qu’à leur reconnaissance dans un projet condamné à réussir ?
  • Près de 2 M€ pour le SI sont-ils suffisants pour investir, réaliser des développements progressifs, clarifier le rôle des acteurs pour le SI financier tout en privilégiant la proximité entre les acteurs de DSI et les équipes métiers ?
  • 1,2 M€ pour le « double run » et le recrutement, sont-ils suffisants pour faire face au turn-over et la réduction annuelle de 20% des effectifs, assurer les évolutions de carrière ainsi que des plans de recrutement réguliers ? Il est clair qu’une unique campagne de recrutement annuelle ne saurait compenser l’attrition naturelle, les membres du Comité de Groupe Européen invitant la Direction à considérer sérieusement sa politique de recrutement externe dans la filière comptable afin de ne pas mettre le projet en péril.

Certes, il appartiendra à la Direction d’interpréter les derniers résultats de son sondage EDEN et l’impact d’un tel projet sur la qualité de vie au travail et les risques psychosociaux, afin de prendre les actions d’amélioration en conséquence. Il n’en demeure pas moins que nos interpellations et suggestions lors de nos échanges méritent d’être entendues afin de préserver le bien-être et la santé mentale au travail des salariés impactés par ce projet d’envergure.

Enfin, dans le cadre de la responsabilité opérationnelle de l’atteinte des objectifs du Groupe, nous attirons l’attention de la Direction afin qu’elle veille à maitriser et identifier le partage de responsabilité acceptable entre les comptables et les contrôleurs de gestion avec comme objectif la maitrise et l’exploitation de la Data.

En conclusion, à la vue de l’actualité récente sur le marché BtB, le contrat d’outsourcing d’Accenture avec Orange Business repris par le Centre de Service Partagé, s’il n’est pas remis en cause, ne constitue pas une finalité en soi et surtout pas un modèle à reproduire. Les membres du Comité de Groupe Européen n’accepteront pas de se voir imposer l’externalisation ou l’outsourcing en l’absence de moyens alloués à la réussite de ce projet. Cela constituerait alors une rupture de confiance profonde pour les salariés de cette filière comptable ainsi qu’un manque d’ambition affichée.

Les membres du Comité de Groupe Européen réaffirment donc leur attachement au maintien du développement des emplois et des compétences en Europe sans dumping social interne. Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux notamment, il conviendrait de réaliser régulièrement des enquêtes de type EDEN sur l’ensemble du périmètre France ainsi qu’en Pologne.

Par ailleurs, si nous avons eu connaissance de la première phase du projet, et compte tenu de ses différentes étapes, nous sollicitons de la Direction la présentation de l’état d’avancement régulier de ce projet au niveau européen. 

Nous serons très attentifs à ses conditions de déploiement, et notamment au-delà du « double run », à la dotation du Centre de Service Partagé d’expertises en interne, en desserrant la contrainte économique qui pèse sur les recrutements afin d’éviter de s’inspirer du modèle d’Orange Business et d’ouvrir une option Accenture si les tensions sur les ressources internes (en incluant la Pologne et le Maroc) devaient persister.

[English version]

During the Orange Extraordinary European Works Council meeting on January 8th, 9th and 10th, 2023 in Strasbourg, the Group management included an item on the agenda concerning the project for the evolution of the Finance & Performance organizational model for the European perimeter, presented by Corentin Maigné, Orange Group's Chief Accountant.

In the absence of decisive growth drivers to improve the Group profitability, the strategy of cost control, and therefore finance, is implacable. The Tomorrow Project (TOM) is in line with this optimization logic by trying to reconcile the preservation of a quality professional channel, to meet the market standard and to face the acceleration of natural attrition encouraged in the Group's geographies.

This project for the evolution of the Finance & Performance organizational model, as presented at successive plenary meetings of the European Group Works Council on December 14th, 2022, January 12th and March 9th, 2023, is first of all striking in its great complexity, both in terms of the diversity of the perimeters (Support and Finance functions, Orange France, Orange Business, WIN, Europe, Totem, ODV) and geographies (Spain, Poland, Slovakia, Belgium) concerned, and in terms of the large number of employees (around 200) impacted over a limited part of their working time.

Despite the frantic reorganizations accompanied by substantial staff reductions in recent years in this Group-wide function, Management shares the observation that Orange's model is today globally out of step with the sector by 16 points, and by more than 30 points compared to its own situation in 2015.

If the Management initially inscribes itself through this project in a will to further increase the organizational and financial optimization of this entity to better compare itself to the market standard, the expertise requested by the European Group Committee shows that it is in fact a Management response to do better, or at least just as well with fewer resources, allowing to avoid offshoring strategies of this corporate function. It is in fact an additional cost reduction project.

Certainly the methodology for the conduct of this extraordinary project is remarkable and intellectually well constructed, as demonstrated by our expertise, the three pillars on which a shared service center must be based having been well identified and analyzed:

  • Grouping of standardizable activities only
  • Identification and analysis of end-to-end processes
  • Skills and career path

However, the members of the European Works Council would like to bring to your attention the following objections in the conduct of this project:

First objection: the objective of a Shared Service Center does not lie, in the first place, in the search for productivity gains, but in the optimization of standardizable processes leading to productivity gains. However, the Group's context leads it, as with all current projects, to react to mass departures and to eliminate the anticipation stage. This acceleration is already leading to a deterioration in working conditions and to excessive workloads in order to meet the unavoidable challenges of delivering the accounts of a CAC 40 company.

Second objection: behind the implementation of automation solutions, using scripts and algorithms, with the aim of relieving employees of low added value tasks, there are men and women who are invested and involved, and who will need significant resources in terms of training in order to develop their skills mix and to be part of the prospects for development and recognition of their professional career.

Third objection: behind this European vision of the accounting function, which is necessary for a multinational company, there are men and women who have proudly carried out changes and optimizations in a win-win mode with their management in order to keep their job, their location and to contribute collectively to the professionalization of the sector, in all of our geographies in France, Poland and Slovakia.

As a result, Orange must provide itself with the means to move forward constructively in this project, which carries an obligation to achieve results. Its great paradox lies in the fact that the teams have no right to make mistakes and that, at the same time, the quality of the production of accounts and financial communication must be preserved in all cases.

In addition, in order to prevent this project from drifting towards the dangerous sirens of outsourcing by strengthening Sofrecom in Morocco for these activities, or relocating it to Accenture in Mauritius, Management must make a concrete commitment in order to reassure and give a broad visibility of their sustainability to the teams who, for years, have greatly contributed to the reduction of corporate costs.

In view of the budgets announced for the first stage, the members of the European Works Council can only encourage the Management to reinforce the budgets identified during our expertise.

  • Are 300 k€ enough to face the increase in competences as well as their recognition in a project condemned to succeed?
  • Is nearly €2 million for the IS sufficient to invest, carry out progressive developments, and clarify the role of the players for the financial IS while promoting proximity between the IT department and the business teams?
  • Is €1.2 million for the "double run" and recruitment sufficient to deal with staff turnover and the annual 20% reduction in the workforce, to ensure career development and regular recruitment plans? It is clear that a single annual recruitment campaign will not be able to compensate for natural attrition, and the members of the European Works Council invite management to seriously consider its external recruitment policy in the accounting field in order not to jeopardize the project.

Of course, it will be up to management to interpret the latest results of its EDEN survey and the impact of such a project on the quality of life at work and psychosocial risks, in order to take the appropriate actions for improvement. The fact remains that our questions and suggestions during our discussions deserve to be heard in order to preserve the well-being and mental health at work of the employees affected by this major project.

Finally, in the context of operational responsibility for achieving the Group's objectives, we draw the attention of management to the need to control and identify the acceptable division of responsibilities between accountants and management controllers, with the objective of controlling and exploiting data.

In conclusion, in view of recent events on the BtB market, Accenture's outsourcing contract with Orange Business taken over by the Shared Service Center, while not called into question, does not constitute an end in itself and especially not a model to be reproduced. The members of the European Works Council will not accept to have outsourcing imposed on them in the absence of resources allocated to the success of this project. This would constitute a profound breach of confidence for the employees of this accounting sector as well as a lack of ambition.

The members of the European Works Council therefore reaffirm their commitment to maintaining the development of jobs and skills in Europe without internal social dumping. In the context of the prevention of psychosocial risks, it would be appropriate to carry out regular EDEN-type surveys throughout France and in Poland.

In addition, although we are aware of the first phase of the project, and given its various stages, we would like management to present the regular progress of this project at European level.

We will be very attentive to the conditions of its deployment, and in particular beyond the "double run", to the provision of in-house expertise to the Shared Service Center, loosening the economic constraint on recruitment in order to avoid drawing inspiration from the Orange Business model and to open up an Accenture option if the tensions on internal resources (including Poland and Morocco) were to persist.

Emploi & Métiers Europe et International Formation Professionnelle Comité Groupe Europe Fonctions Support et Finances

Nos coordonnées

CFE-CGC Orange
10-12 rue Saint Amand
75015 Paris Cedex 15

   
nous contacter
01 46 79 28 74
01 40 45 51 57

Epargne

Formation

Siège : CFE-CGC Orange - 89 Bd de Magenta, 75010 PARIS - SIRET 50803050900030 - 9420Z
Mentions Légales - Protection des données - Accès rédacteur