Retour sur une catastrophe annoncée

Une agressivité sans précédent

Le 10 janvier 2012, provocation et incitation à la haine étaient au programme du lancement du 4ème opérateur mobile. Morceaux choisis : « les opérateurs vous ont pris pour des pigeons, des vaches à lait […] à vous de donner une leçon à votre opérateur en venant chez Free ou en lui demandant les mêmes tarifs, à vous maintenant de faire le boulot ».

Cocasse ou scandaleux, d’entendre la 8ème fortune de France parler « des plus défavorisés d’entre nous » et d’instrumentaliser le forfait social mobile ? Peut-on admettre que pour « faire le buzz », le PDG de Free envoie les clients insulter le personnel commercial des opérateurs, dans les boutiques, au téléphone, ou dans les réseaux sociaux ?

La CFE-CGC/UNSA l’a dénoncé le 18 janvier, dans un communiqué qui, avant tout le monde, décortiquait le modèle économique de Free, et rappelait les répercussions négatives de ce lancement en termes d’emplois et d’investissements.

 

5% de parts de marché en 6 mois
Fin juin 2012, Free Mobile comptabilisait 3,6 millions de clients. Dans le même temps, le marché global français croissait de 1,8 millions de clients.
La moitié des clients de Free Mobile ont donc été captés au détriment des autres acteurs en place : Orange a perdu 770 000 clients au premier semestre 2012. Si globalement le segment des MVNOs (Opérateurs mobiles virtuels ne possédant pas leur propre réseau, tels Virgin Mobile ou Lebara) semble se maintenir, certains, comme La Poste Mobile, souffrent aussi.

L’Observatoire de l’Arcep confirme le bouleversement du marché : 2,653 millions de demandes de portabilité du numéro au premier trimestre 2012, soit à peine plus que le nombre de clients annoncés par Free Mobile (2,6 millions de clients).

Mais la croissance du marché des mobiles n’a pas été particulièrement « dopée » par l’arrivée du 4ème opérateur : elle a même ralenti par rapport à son rythme de fin 2011 (la croissance nette trimestrielle du nombre d’abonnés est passée de 2,4% au T3 2011 à 1,3% au T1 et au T2 2012), réglant leur sort aux idées reçues sur le sujet.

 

Destruction de valeur …
La destruction de valeur que nous avions annoncée dès l’attribution de la 4ème licence en 2010 a bien eu lieu. En CA global, le marché de la téléphonie mobile a reculé de 4,5% entre le 1er trimestre 2011 et le 1er trimestre 2012. La facture mensuelle a diminué de 7€ selon 60 millions de consommateurs, de 9% en moyenne selon l’Arcep, et les opérateurs s’attendent à une baisse globale d’au moins 10% sur l’année, les clients en fin d’engagement s’orientant vers des contrats moins chers.

marche mobile

… distribution sous pression…
L’arrivée de Free Mobile accélère le déplacement du marché vers la distribution sur Internet. Les opérateurs rationalisent leurs réseaux de boutiques, et renégocient leurs contrats avec leurs distributeurs, comme l’a fait SFR avec la FNAC, Bouygues avec The Phone House et Darty.

Outre des économies de points de vente, la distribution en ligne permet aussi de délocaliser le back-office. Ainsi la vérification des pièces justificatives fournies par le client pour ouvrir sa ligne, précédemment réalisée en boutique, peut maintenant être traitée… au Maroc.

 

… et suppression d’emplois…

La restitution de pouvoir d’achat au consommateur est une fausse bonne nouvelle ! Elle s’accompagne de destructions d’emplois : pour faire face à la baisse des prix imposée par Free Mobile, tous les coûts sont compressés, et la délocalisation des centres d’appels consolidée, voire amplifiée.

Dès le 18 janvier, la CFE-CGC/UNSA annonce la perte probable de 10 000 emplois dans les télécoms, directement liée à l’arrivée de Free Mobile… dont une grande part des centres d’appels est située au Maroc, même si les dirigeants préfèrent bien sûr mettre en avant le millier d’emplois créés en France pour accompagner leur lancement.

Fin mars, l’Arcep admet ce chiffre…mais en atténue la gravité, arguant du non remplacement des départs en retraite et oubliant que la loi (art. L32-1 du Code des postes et télécommunications) impose à l’État et au régulateur de préserver et développer l’emploi du secteur, ce que nous avions rappelé en juin 2011.

En juin 2012, Bruno Deffains, économiste et enseignant à La Sorbonne, jette un pavé dans la mare en étendant l’étude d’impact à l’ensemble des emplois induits, aboutissant au chiffre effrayant de 50 à 70 000 emplois détruits en trois ans. Le 3 juillet, il présente son étude à l’Université d’été de la CFE-CGC/UNSA.

Pendant cette même université d’été, Stéphane Richard annonce le ralentissement des embauches chez France Télécom-Orange, alors que l’opérateur historique était depuis 2 ans le seul acteur à alimenter la croissance en emplois, tandis que SFR et Bouygues Telecom prévoient de mettre en place des plans de départ volontaire, entre 500 et 1000 postes concernés chez l’un, 556 chez l’autre.

Si le consommateur a gagné, les salariés ont perdu, et demain, les citoyens paieront.

 

…qui finissent par mobiliser l’État.
Fin août, annonçant ses résultats pour le 1er semestre, Free dénonce « les licenciements boursiers » de ses concurrents. Mais de quelle nature sont alors les 340 licenciements auxquels il a procédé fin 2008, suite au rachat d’Alice (85% des effectifs parisiens du FAI racheté) ?

Le 4 juillet, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin indiquent qu’ils ont convoqué les 4 opérateurs mobiles pour traiter la question de l’emploi, et qu’ils recevront au plus vite les syndicats des entreprises concernées par les suppressions de postes. A l’issue de ces rencontres, Fleur Pellerin déclare « dès la rentrée, le gouvernement présentera un train de mesures qui permettra d'éviter la casse sociale et de relancer les investissements, de réconcilier l'intérêt des consommateurs et celui des salariés ».

Au menu, la révision de la loi Chatel, qui ne s’applique qu’aux opérateurs de télécommunications. Elle fixe les modalités de sortie des périodes d’engagement avant leur terme, et la gratuité du temps d’attente des hotlines. La fiscalité de l’économie numérique, dont la CFE-CGC/UNSA dénonce régulièrement les excès envers les opérateurs, rejoignant en cela les analyses de la Fédération Française des Télécoms, sera également examinée. Évidemment, le lobby des acteurs « over the top » s’y oppose violemment, mais ce dossier sera l’occasion de vérifier si le changement de gouvernement ouvre une nouvelle ère pour le secteur des télécoms.

 

Pour la CFE-CGC/UNSA, la seule solution est d’imposer la localisation de la valeur ajoutée, donc emplois et fiscalité, à tous les acteurs qui souhaitent agir sur le territoire français. Pour les licences télécoms, l’État en a les moyens.


Fleur Pellerin semble en avoir conscience, et sa dénonciation converge avec nos analyses : « Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est parce que le secteur des télécoms a été soumis à un empilement de taxes et à une réglementation fluctuante, pour ne pas dire erratique, au cours des dernières années ».

 

 

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